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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

Entrevue: Brendan Gallagher n’est vraiment pas comme je pensais

L’attaquant du Canadien a bien voulu répondre à toutes les questions de notre chroniqueur, même à certaines un peu baveuses

Photo Martin Alarie
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Photo portrait de Jean-Nicolas Blanchet

Jean-Nicolas Blanchet

2025-10-18T04:00:00Z
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Je me suis toujours imaginé Brendan Gallagher comme un enfant malcommode dans un corps d’adulte. Un gars taquin et hyperactif. Mais je me suis assis avec lui pour une entrevue et j’avais plutôt l’impression d’être avec le père Fouras, ou avec un grand sage dans un monastère.

Je n’écris pas ça méchamment. Je ne me disais pas que Gallagher était un amuseur public. Mais je m’attendais à ce qu’il ressemble un peu plus à ce qu’on voit de lui sur la glace, disons: une boule d’énergie qui ne laisse pas sa place.

Mon collègue Jonathan Bernier le suit depuis le début de sa carrière et n’est pas surpris. Il m’a expliqué qu’il faut toujours être très près de lui pour l’entendre quand il parle. Jonathan constate aussi que Gallagher devient une force tranquille de ce club.

Il n’est pas plate, au contraire. Il est brillant et fascinant. C’est juste que je ne m’attendais pas à des tirades philosophiques de sa part.

J’ai passé 15 minutes seul à seul avec lui dans le vestiaire cette semaine.

J’avais demandé une entrevue avec lui parce qu’il y avait trop de questions que je brûlais d’envie de lui poser.

La douleur et les blessures

En tête de liste: comment fais-tu pour encore avoir le goût de bloquer des tirs et de te tirer partout, tête première? Je lui ai raconté que Patrick Lalime m’avait énuméré ses blessures durant sa carrière et que je pouvais faire une comptine pour enfants sur l’anatomie, tellement qu’il y en avait.

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Photo Martin Alarie
Photo Martin Alarie

«Toi, Brendan, avec tes blessures, je pourrais faire une comédie musicale», lui ai-je lancé.

Il est parti à rire. «Tu sais, j’ai déjà eu un entraîneur qui m’a expliqué qu’il y avait une différence entre être blessé et rencontrer la douleur, a-t-il raconté. Quand tu es blessé, tu ne peux pas jouer. Ça finit là.»

«Sinon, tu dois jouer même si tu as mal. Et tu es mieux de bien jouer parce que quelqu’un prendra ta place. Quand tu comprends ça, tu ne veux pas seulement jouer, tu dois vouloir jouer pour être le meilleur.»

Je lui ai parlé de son éthique de travail. Et que j’aime me dire que si certains autres joueurs moyens avaient le quart de cette éthique, ils seraient des joueurs étoiles.

«C’est comme ça que j’ai du succès, moi. Je n’ai pas le choix de faire tout ça pour réussir», a relevé Gallagher.

Il a utilisé l’expression anglophone «c’est la nature de la bête». Autrement dit, «ça fait partie de moi et j’ai appris à aimer ça».

«Tu aimes encore vraiment ça, te lancer devant un lancer frappé? Tu es sérieux?», l’ai-je relancé.

«J’ai toujours été comme ça. Toujours. J’avais 10 ans, j’étais comme ça. C’est comme ça que je me suis rendu ici et c’est toujours comme ça que je serai.»

Les cheveux et être vieux

Je lui parle de vieillir. Je lui raconte que mon filleul avait son chandail quand il apprenait à patiner. Aujourd’hui, ce filleul a de la barbe, une blonde et une voiture. Autrement dit, «tu dois te sentir vieux», Brendan?

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Photo Martin Alarie
Photo Martin Alarie

«Dans tous les milieux de travail, à 33 ans, tu es jeune. Ici, je suis un des plus vieux. Je suis entouré d’enfants. Et ne t’inquiète pas, ils me le rappellent chaque jour que je suis vieux!», s’est-il exclamé.

«Mais je ne me sens pas vieux. Je me sens très bien, en fait [...]. Je me sens enfin plus intelligent parce que je suis entouré d’enfants», a-t-il ensuite rigolé.

Je lui ai rappelé que je me sentais vieillir en le regardant aller. Car un peu comme Rafael Nadal, on a vu le Brendan de 21 ans avec plein de cheveux et là, on le voit avec son crâne dégarni et peu subtilement recouvert de quelques cheveux ramener sur le dessus.

Il rigole encore. «Mon père n’a pas de cheveux, mon frère non plus. Mon tour s’en vient», s’est-il résigné. Mais pas question pour lui de tout raser. «Ça fait trop bizarre dans mon casque, sinon.»

Mais il constate très bien qu’il est un vieux dans le vestiaire. À l’extrême opposé de celui-ci se trouvait Cole Caufield. Brendan lui a crié: «Hé, tu fais partie de quelle génération, toi?»

Cole ne savait pas trop. Il m’a plutôt regardé et a crié: «Wow, tu as une chemise des Brewers!» Tout ça, d’un bout à l’autre du vestiaire pendant que 20 journalistes étaient en train de parler à Lane Hutson, qui venait de signer son contrat.

C’est cool. J’ai ça en commun avec Cole Caufield. La différence, c’est qu’il a déjà fait un lancer protocolaire avant un match à Milwaukee.

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Samuel Montembeault s’est lancé dans la discussion. «Tu es clairement de la génération Z, Cole!»

Brendan a poursuivi: «Tu vois, moi je suis un millénial. Je ne suis même pas dans la même génération que les autres!»

Le hockey, le talent et l’intelligence

Pour la prochaine question, je l’ai attaqué en lui demandant de se gâter contre moi. «Brendan, tu es lent, tu n’as pas de mains, tu n’as pas de tir.»

«Je suis visiblement assez vite pour faire la job», m’a-t-il répondu, un sourire en coin.

Et après, j’ai été fasciné par sa façon de me raconter le hockey. Ça me donne l’espoir de faire un tour du chapeau dans ma ligue de garage.

Photo MARTIN ALARIE
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«Une partie importante de ce jeu, c’est de réfléchir. Réfléchir sur la séquence du jeu. Tu dois te placer dans une situation où tu es plus intelligent que le joueur que tu affrontes. Tu dois comprendre comment le jeu va se dérouler et tu dois comprendre ça plus rapidement que l’autre joueur, qui lui est peut-être plus rapide ou plus talentueux que toi.»

«Tu sais, il y a beaucoup de façons de mettre une rondelle dans un but. L’important, c’est seulement d’être à la bonne place au bon moment.»

Encore une fois, je trouvais ça sage. Je constate que même s’il peut avoir l’air d’une peste hyperactive sur la glace, tout est calculé, tout est réfléchi.

Je réalise qu’il y a beaucoup plus de sagesse que je pensais derrière son énergie. Car c’est comme ça qu’il peut continuer, à 33 ans, de réaliser un rêve qu’il ne croyait pas possible, soit de jouer dans la LNH à 5 pieds 9 pouces sans avoir un talent fou.

La suite à lire dimanche en ligne.

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