Entrées d’eau en plomb: les citoyens de Montréal paient plus... et attendent plus longtemps
Le coût facturé aux propriétaires par la Ville a bondi de 50% en quatre ans
Dominique Cambron-Goulet
Après avoir connu son pire bilan en 2024, la Ville de Montréal a reporté son objectif de remplacer toutes les entrées de plomb de 2032 à 2040. Et pendant ce temps, la facture des citoyens ne cesse d’augmenter.
Quand la Ville est venue changer son entrée d’eau en plomb l’an dernier, José Carvalho, un propriétaire du quartier Côte-des-Neiges, ne s’attendait pas à recevoir une facture si salée.
«Ça m’a coûté presque 11 000$, j’ai trouvé ça cher», affirme le résident de la rue Clanranald depuis près de 40 ans.
M. Carvalho a reçu la troisième facture la plus élevée de toute la ville en 2025 pour de tels travaux, selon les données obtenues par Le Journal.
Elle lui a facturé 1286$ du mètre pour 7 mètres de tuyau à changer, ainsi que des frais administratifs de 15%.
Augmentation de 50%
Un autre résident de la même rue, Peter, a quant à lui reçu une facture de plus de 8000$.
«La Ville, ils vont vous charger ce qu’ils veulent. Ils n’ont pas de compétition», déplore-t-il. «Je m’attendais à 5000$, pas plus.»
Et c’est ce qui aurait pu arriver si les travaux avaient été réalisés il y a quatre ans.
En effet, en 2021, les propriétaires qui ont fait remplacer leur partie d’entrée d’eau en plomb par la Ville ont payé beaucoup moins cher, soit 863$ du mètre.
La Ville peine à expliquer cette hausse de près de 50% des coûts en quatre ans.
«Une analyse est en cours pour comprendre les raisons de l’augmentation des coûts au-delà de l’inflation», indique un rapport publié fin juin.
Le porte-parole de la Ville, Hugo Bourgoin, affirme que des stratégies ont été mises en place pour tenter de freiner cette hausse, dont la «révision des documents techniques» et la publication d’appels d’offres «répartis sur une plus grande période de l’année».
| Année | Coût au mètre | Entrées remplacées |
|---|---|---|
| 2021 | 863 $ | 3865 |
| 2022 | 978 $ | 3648 |
| 2023 | 1 177 $ | 2699 |
| 2024 | 1 286 $ | 1839 |
Des retards
En 2019, la Ville de Montréal s’est lancée dans une vaste opération visant à remplacer toutes les entrées d’eau en plomb de son territoire, à la suite d’une enquête publiée par Le Devoir.
Depuis, la Ville n’a jamais atteint son objectif de remplacer 5000 entrées par an. En 2024, elle a d’ailleurs connu son pire bilan avec seulement 1839 remplacements.
«On a planifié moins en 2024, parce qu’en 2023 les coûts étaient tellement hauts», a défendu la présidente du Comité exécutif, Émilie Thuillier, au conseil municipal de juin.
La Ville annonçait dans la foulée que l’objectif annuel serait abaissé de 5000 à 4000 entrées, une cible qui n’a pas davantage été atteinte depuis 2020.
«Malgré cette cible souhaitée, la programmation doit nécessairement s’ajuster à la capacité d’investissement de la Ville. Ainsi, il est probable que l’objectif moyen ne puisse être atteint dès 2026», admet le porte-parole Hugo Bourgoin.
L’échéance pour remplacer toutes les entrées d’eau en plomb a ainsi été repoussée de 2032 à 2040.
Puisque les coûts ne cessent de grimper, ce retard n’a rien pour rassurer les propriétaires qui devront faire changer leur entrée d’eau dans les prochaines années.
Chaque année qui passe fait grimper de 420$ en moyenne la facture de chaque propriétaire, a calculé Le Journal à partir des données fournies par la Ville.
En collaboration avec Charles Mathieu.
Par la ville ou au privé
Depuis 2019, tous les propriétaires montréalais qui ont une entrée d’eau en plomb sur leur terrain doivent absolument la changer afin d’assurer la qualité de l’eau.
Ils ont le choix d’embaucher eux-mêmes un entrepreneur, ou ils peuvent laisser la Ville se charger des travaux, au moment où elle vient remplacer la partie de tuyau se trouvant sous le trottoir et la rue.
S’ils choisissent la seconde option, le montant des travaux, calculé au mètre, leur est facturé à même leur compte de taxes foncières.
«Cette approche permet aux citoyens de bénéficier de plusieurs avantages», soutient Hugo Bourgoin, porte-parole de la Ville.
Il cite notamment la possibilité de payer la facture en 15 ans, moyennant des intérêts, à même le compte de taxes, ainsi que la réalisation de «travaux clé en main».
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