«Le prince charmant est une ordure» de Laurent Chabin: entraînée dans une spirale infernale


Marie-France Bornais
Auteur de romans noirs, de polars et de nombreux ouvrages en littérature jeunesse, le talentueux écrivain montréalais Laurent Chabin révèle comment les jeunes peuvent tomber dans le piège des gangs et de la prostitution dans son nouveau roman, Le prince charmant est une ordure. Un roman coup de poing, mené avec brio, par un écrivain rigoureux qui démontre noir sur blanc comment un conte de fées peut se transformer en spirale infernale.
L’histoire terrible que raconte Laurent Chabin est basée sur des faits réels et raconte un monde faux, violent, fait de leurres et de pièges.
Son héroïne est une jeune femme dévastée, en loques, affaiblie. Elle agonise au bord du canal Lachine, pendant une vague de froid mortelle qui s’abat sur le Québec. Elle se retrouve auprès d’un sans-abri à qui elle se confie.
En tentant de reprendre des forces, cette jeune fille issue d’un bon milieu raconte comment une rencontre avec un «prince charmant» a bouleversé sa vie.
Un faux prince qui était en réalité une ordure de première catégorie.
Écrivain consciencieux et méthodique, père de deux garçons et grand-père, Laurent Chabin a décidé de raconter cette histoire terrible, malheureusement inspirée de la réalité.
«Ce sont des choses qui arrivent. À la base, l’histoire, c’est une jeune femme qui me l’a racontée. Pour faire le roman, je ne voulais pas que ce soit juste le témoignage d’une personne», explique-t-il, en entrevue.

Des manipulateurs redoutables
Laurent Chabin décrit une situation d’emprise aux conséquences dévastatrices : une jeune fille sans histoire qui tombe dans les griffes d’un proxénète.
«Ce sont des manipulateurs absolument redoutables, ces gars-là. Ils choisissent bien les filles. Ils prennent des filles qui ont des faiblesses au niveau de l’estime de soi.»
«Ce ne sont pas forcément des pauvres ou des familles à problèmes : ce sont des filles qui n’ont pas beaucoup d’estime d’elles-mêmes. Ils leur font croire mille choses parce que c’est toujours agréable de se faire dire qu’on est la plus belle. C’est malheureux. C’est ancien et ça ne va pas disparaître comme ça.»
Discuter avec les enseignants
Avant que le livre soit publié, Laurent Chabin a parlé à plusieurs professeurs d’écoles secondaires, notamment quand il a présenté des ateliers sur le polar.
«Ils m’ont dit: dès que ce livre est publié, il faut me le dire tout de suite, car je le prends pour mes élèves. C’est un problème que beaucoup d’enseignants constatent.»
«J’avais déjà parlé de prostitution juvénile dans deux de mes romans pour ados. C’était traité différemment, intégré dans une histoire avec du suspense. Mais ça fait très longtemps que je voulais écrire ça et je ne savais pas comment le présenter. C’était mon gros problème: comment moi, qui suis d’abord un homme, j’allais pouvoir écrire un récit fait par une jeune femme?»
«Finalement, j’ai trouvé cette méthode qui consiste à faire parler un itinérant qui recueille la jeune femme. Ça donne un aller et retour entre l’itinérant et la fille qui parle, une dynamique différente du récit à une seule personne.»
L’écriture a été difficile.
«Ce que j’ai éprouvé en l’écrivant, c’est pas le plaisir de l’écriture dont j’ai d’habitude en écrivant des romans. Je voulais le faire. Je me suis documenté et il y a pire que ce que je raconte dans le livre.»
- Laurent Chabin est né en France.
- Il a vécu en Espagne, dans l’Ouest canadien, et habite maintenant à Montréal.
- Il écrit des romans, des traductions et des scénarios de bandes dessinées.
EXTRAIT
«Goldy... Goldy, c’était mon monde à moi. Je ne voulais pas le partager. Il me donnait rendez-vous dans un centre d’achats, assez loin de chez moi, et il venait m’y chercher en voiture. Un beau cabriolet décapotable rouge. Et toujours aux lèvres ce sourire qui semblait ne jamais devoir s’éteindre.
À chaque nouvelle rencontre, ses yeux pétillaient comme si j’avais été une princesse. SA princesse.»
– Laurent Chabin, Le prince charmant est une ordure, Éditions Hugo