Entendre le SOS de la Pologne


Guillaume St-Pierre
Le Canada pourrait-il en faire plus pour soulager la Pologne, chez qui se sont réfugiés en 15 jours de guerre plus d’un million d’Ukrainiens ?
Et si on lui envoyait des avions pour extirper les ressortissants de leur errance ?
Devant la meute de journalistes canadiens qui lui posent la question, le président polonais Andrzej Duda pèse ses mots.
« C’est le nœud de la négociation, finit-il par lâcher. Qui va donner des avions pour qu’ils aillent au Canada ? »
La Pologne est face à une profonde crise de réfugiés. Elle a reçu plus de la moitié des 2 millions d’Ukrainiens qui ont fui leur pays en voiture, en train, en bus ou à pied.
On s’attend à ce que le conflit fasse 5 millions de déplacés à plus ou moins court terme.
« On s’en sort encore, mais comme président de ce pays, j’ai peur que dans quelques jours nous ayons un véritable problème et à ce moment l’aide du Canada et du monde entier sera nécessaire », croit M. Duda.
Un camp de réfugiés
La gare Centrale de Varsovie s’est transformée en véritable camp de réfugiés, avec ses cantines improvisées, sa garderie, des kiosques de téléphonie mobile.
Les familles, surtout des femmes et des enfants, sont cordées à même le sol.
À l’intérieur de la gare, il n’y a pas un mètre carré d’inoccupé. Une grande tente qui sert de cafétéria a été érigée à l’extérieur.
Certains exilés ont une destination, d’autres s’en cherchent encore une.
Ici, la guerre a mille visages. Ils sont surtout jeunes, féminins, et creusés par la fatigue.
Avoir tout perdu
La cohue est organisée par l’immense solidarité d’une armée de bénévoles polonais.
« On a des services médicaux, on a des psychologues, une garderie, des jouets, des vêtements », énumère Kuba sous le soleil du midi, lui qui est là depuis 4 h du matin.
« Ces gens arrivent sans rien, alors il faut tout leur donner. »
« Poutine leur a détruit leur maison. C’est un criminel de guerre, il faudra le juger. »
À l’étage de la gare, Uliana Bandarenko (à gauche dans la photo), 12 ans, rêve déjà de retourner chez elle à Kharkiv, une des villes les plus touchées par les bombardements depuis le début de la guerre.
« J’adore ma ville, mais les bombes ont ruiné beaucoup d’endroits, de beaux endroits. Je veux aider à la reconstruire », espère-t-elle.
« L’armée ukrainienne est forte. Nous allons gagner cette guerre. »
« On va rester un certain temps en Pologne. Nous ne savons pas quand la guerre prendra fin. Pour l’instant, nous devons rester ici pour rester en vie. »
Accueil canadien
Justin Trudeau a annoncé hier un investissement de 117 millions $ pour alléger le fardeau bureaucratique des réfugiés, mettant un point final, à Varsovie, à sa tournée diplomatique éclair de cinq jours en Europe.
« Je lui ai dit, Justin, s’il vous plaît, essayez d’introduire des procédures très, très, très simples pour les visas », a supplié le président Duda.
Il faudra voir à l’usage si ce nouveau programme qui sera mis en branle la semaine prochaine remplira ses promesses.
Notre système déjà embourbé de traitement des demandes d’immigration n’est pas un modèle d’efficacité.
La pandémie a démontré que le paquebot fédéral peut bouger plus vite s’il le veut.
On ne peut pas dire qu’Ottawa a mis en pratique les enseignements des deux dernières années à la crise ukrainienne des réfugiés jusqu’à présent.