Encore des millions pour les fax dans les hôpitaux du Québec
Malgré la promesse de mettre fin aux télécopieurs, ils donnent des contrats pour continuer de les utiliser
Marie Christine Trottier
Quatre ans après que François Legault a promis la fin du fax, plusieurs établissements de santé continuent de renouveler de juteux contrats pour un outil informatique leur permettant de transmettre des télécopies... par ordinateur.
Depuis mai 2020, des centres de santé, des hôpitaux et même la RAMQ ont octroyé 22 contrats totalisant un peu plus de 1,5 M$ pour utiliser XM Fax. Par exemple, un médecin peut utiliser cette solution informatique pour faxer une prescription avec son ordinateur pour qu’elle soit reçue sous forme de fax papier ou de fax web.
Ce montant n’inclut pas toutes les autres dépenses pour les achats et la réparation ainsi que les lignes téléphoniques nécessaires pour l’utilisation des fax.
Jean Nicolas Aubé, du CIUSSS Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, explique que c’est le «seul moyen pour intégrer les services de fax au courriel électronique, rapidement, tout en assurant la sécurité des informations transmises».
- Écoutez la dicussion entre Jean-François Guérin et Richard Martineau via QUB :
«Archaïque»
L’usage du fax a été pointé du doigt au plus fort de la pandémie lorsque notre Bureau d’enquête révélait que les décès de la COVID-19 étaient comptabilisés par télécopieur. Le jour même, le premier ministre Legault réagissait en indiquant que «ce n'est pas normal que ça se fasse [ainsi], ni par la poste ni par fax», et qu’il s’agit d’une technologie «archaïque».
Malgré tout, on envoie encore des milliers de fax dans le réseau de la santé. En parallèle, le ministère de la Santé mise notamment sur le mégaprojet informatique du Dossier santé numérique (DSN) pour éliminer l’usage du fax.
Le projet de DSN, qui accumule déjà des retards et d’importants dépassements de coûts, a été lancé en projet pilote dans deux CIUSSS, dont celui du Nord-de-l’Île-de-Montréal.

265 000$
Ironiquement, ce CIUSSS qui devait être à l’avant-garde de la numérisation du réseau est celui qui a octroyé le plus de contrats pour XM Fax. Le plus récent, conclu en janvier dernier, visait un ajout de capacité pour près de 265 000$, en plus des contrats octroyés annuellement.
Sa porte-parole Clara Meagher précise d’ailleurs que l’arrivée du DSN dans leur établissement n’est pas synonyme de la fin du fax, qui restera «nécessaire avec nos partenaires qui n'utiliseront pas cette solution au début». Le DSN intègrera ainsi les serveurs XM Fax.
Pas avant 10 ans
Le fax n’est que la «pointe de l’iceberg» de la lourdeur technologique du réseau de la santé, croit Alexandre Allard, porte-parole de l’Association des gestionnaires de l’information de la santé du Québec (AGISQ).

Pour lui, la mise à jour technologique est si complexe qu’il ne s’attend pas à ce que le fax disparaisse du réseau de la santé avant une dizaine d’années. Et même s’il convient que XM Fax peut permettre de «sauver une étape» en éliminant une impression, «un fax web, ça demeure un fax».
Les contrats XM Fax dans le réseau de la santé depuis 4 ans
- CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal: 624 088,06$
- CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal: 184 913,60$
- CIUSSS du Saguenay – Lac-Saint-Jean: 134 504,05$
- RAMQ: 132 793,12$
- CIUSSS de la Capitale-Nationale: 66 100,06$
Source: Système électronique d’appels d’offres du gouvernement du Québec (SEAO)
100 000$ pour l’opération Zéro-fax

Le ministère de la Santé a donné un contrat de près de 100 000 $ à une entreprise privée pour savoir qui utilise des fax dans le réseau de la santé et comment les remplacer.
Ce contrat a été octroyé à Plakett Santé numérique, une entreprise qui a recruté d’anciens collaborateurs du ministère de la Santé.
Le contrat pour l’opération baptisée «Zéro-Fax» sera réalisé de février à août 2024. Le ministère n’est pour le moment pas en mesure de chiffrer les coûts annuels associés au fax au sein du réseau de la santé.
Plakett fait donc le tour de trois régions pour «documenter les processus actuels qui utilisent les télécopieurs» et voir quelles sont les initiatives locales pour remplacer cette technologie.
«En fonction des résultats obtenus, un plan sera établi pour l’ensemble du réseau de la santé et sera mis en œuvre, selon les priorités et les budgets», indique Francis Martel, du MSSS.
Proche du gouvernement
Plakett Santé numérique a été cofondée notamment par Isabelle Girard, une lobbyiste travaillant dans le domaine de la santé, et Stéphane Brossard, un ex-cadre au ministère de la Santé.
Plakett organise chaque année le congrès Première ligne en santé. Lors de la dernière édition, au début mai, Christian Dubé et trois autres ministres de la CAQ, une députée et le nouveau vice-président de Santé Québec, Frédéric Abergel, y ont participé.
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