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L'article provient de Le Journal de Montréal
Société

Guerre en Ukraine: en première ligne de la guerre numérique

Deux cyberdéfenseurs des droits de la personne sont actifs en Ukraine de leurs bureaux du Plateau

Dmitri Vitaliev et Michel Lambert en entrevue avec notre journaliste dans le bureau montréalais de leur compagnie, eQualitie.
Dmitri Vitaliev et Michel Lambert en entrevue avec notre journaliste dans le bureau montréalais de leur compagnie, eQualitie. Photo Chantal Poirier
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Photo portrait de Louis-Philippe  Messier

Louis-Philippe Messier

2022-03-12T05:00:00Z
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Une compagnie montréalaise permet à des Ukrainiens assiégés de communiquer entre eux même si des bombardements isolent leur réseau de communication, ou à des Russes de s’informer librement en contournant la censure de l’État.

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La guerre ne se déroule pas exclusivement sur le champ de bataille.

En entrant dans les bureaux d’eQualitie, c’est le calme.

Pas de bruit de bottes ou de fusillade.

Cette petite compagnie basée sur Le Plateau-Mont-Royal participe pourtant à la bataille des droits de la personne dans une Ukraine qui tente de résister à l’envahisseur russe.

Alors que les bombes détruisent des antennes ou des fils, ce qui empêche d’utiliser les messageries habituelles (comme Messenger), une initiative d’eQualitie permet aux citoyens ordinaires de continuer à s’envoyer des textos entre voisins.

« Une semaine avant le déclenchement de la guerre, je suis allé d’urgence en Ukraine pour installer quatre serveurs à Kyïv, à Kharkiv, à Odessa et à Lviv », m’explique Dmitri Vitaliev, le fondateur de eQualitie.

Indépendants et décentralisés, ces serveurs installés par la compagnie québécoise vont fonctionner, pour les habitants de ces villes, même si le lien avec le reste du monde est coupé.

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« En ce moment, par exemple à Kharkiv, les gens échangent entre eux sur nos serveurs pour dire aux autres ce qu’ils voient de leur fenêtre, où tombent les bombes, ou pour faire savoir s’ils sont dans leur appartement ou dans un abri », explique M. Vitaliev.

Des équipes sur place activent de nouveaux serveurs pour prendre le relais en cas de destruction physique, par des bombes, par exemple.

Né à Moscou et fils d’un journaliste dissident d’origine ukrainienne qui a fui la dictature soviétique, M. Vitaliev a grandi en Australie. 

Il a épousé une Québécoise et vit à Montréal depuis 2008.

  • Écoutez Louis-Philippe Messier au micro de Richard Martineau sur QUB radio :

Protecteur de l’information

Militant de longue date pour les droits de la personne, M. Vitaliev se spécialise dans la protection informatique des sites internet des journaux indépendants ou des ONG que des gouvernements essaient de faire taire.

La compagnie eQualitie affirme protéger de la sorte bénévolement quelque 700 sites internet persécutés qui ont demandé son aide dans quelque 80 pays.

« Par le passé, nous avons déjà protégé le site internet de Black Lives Matter, qui subissait souvent des attaques », me raconte Michel Lambert, un des responsables du développement.

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Pour financer ce volet bénévole, la compagnie vend aussi ses services de protection à des compagnies privées.

La petite compagnie du Plateau-Mont-Royal offre aussi gratuitement un fureteur infracensure appelé CENO pour naviguer sur le web avec un téléphone Android (qu’une majorité écrasante utilise dans les zones difficiles).

« Quelque 8000 Ukrainiens ont téléchargé CENO la semaine dernière, et nous espérons doubler ou tripler ces statistiques de manière à ce que des dizaines de milliers de gens s’en servent bientôt », dit M. Lambert.

Le dark web pour la cause

CENO plonge ses racines dans le web caché (dark web) pour passer outre aux blocages imposés, notamment par le régime de Vladimir Poutine, en Russie.

« Plus il y a d’utilisateurs de CENO, plus il y a de contenus disponibles, alors tes lecteurs qui ont Android peuvent faire leur part », explique M. Lambert. 

Avis aux utilisateurs de téléphones Android.

Ce que eQualitie fait    

Les textos

Les Ukrainiens des quatre grandes villes où la compagnie eQualitie a installé des serveurs utilisent une application appelée Matrix pour s’envoyer des textos même si les communications avec le reste du monde sont coupées. 

La protection antipirate

La compagnie québécoise offre un service appelé Deflect où elle s’interpose entre les pirates et les sites qu’elle protège. « Nous repoussons plusieurs attaques chaque jour », dit Michel Lambert.

La navigation libre

L’entreprise du Plateau-Mont-Royal a conçu un fureteur anticensure pour téléphone Android (davantage utilisé là-bas) appelé CENO, capable de déjouer le blocage de sites d’information en sortant au besoin des sentiers battus du protocole IP.

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