En politique étrangère, Trump impose déjà sa volonté

AFP
Il ne prendra ses fonctions que le 20 janvier, mais Donald Trump agit déjà comme s’il était président, posant les jalons d’une politique étrangère non interventionniste de l’Ukraine à la Syrie, dans un monde devenu selon lui «un peu fou».
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Comme à son habitude, il rompt avec une tradition bien établie selon laquelle il y a un seul président des États-Unis à la fois.
Mais le prochain président n’en a cure et s’immisce ouvertement dans la politique étrangère du pays, à coup de posts sur sa plateforme Truth Social, plaçant l’administration Biden sortante dans une position délicate.
C’est «peut-être inhabituel» par rapport à ce que d’autres présidents élus ont pu faire pendant la période de transition du pouvoir, «mais c’est tout à fait conforme à sa propre conduite par le passé», commente pour l’AFP Brian Finucane, spécialiste de la politique étrangère américaine à l’International Crisis Group.
«Il s’agit moins de lier les mains de l’administration Biden que de compromettre ses efforts», ajoute-t-il, tout en relevant l’existence de contacts entre l’équipe Biden et celle de Trump, dont le futur conseiller à la sécurité nationale, Mike Waltz.
Pour Colin Clarke, directeur de recherche au Soufan Group, «il n’est pas du tout surprenant que Trump cherche déjà à jouer au président fantôme», d’autant que «la plupart des autres dirigeants du monde sont prêts à passer à l’après-Biden et à commencer à essayer de comprendre comment faire face à l’arrivée de l’administration Trump».
Ne pas «se mêler» de la Syrie
Ce n’est même plus une diplomatie de l’ombre.
Donald Trump a fait son grand retour sur la scène internationale en se rendant ce weekend à Paris, pour assister à la réouverture de la cathédrale de Notre-Dame, son premier déplacement à l’étranger depuis sa victoire à la présidentielle du 5 novembre.
Il y a rencontré les présidents français Emmanuel Macron et ukrainien Volodymyr Zelensky.
Il a par ailleurs reçu nombre de dirigeants étrangers dans sa résidence de Mar-a-Lago, en Floride, dont le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, et se serait même entretenu au téléphone, selon le Washington Post, avec Vladimir Poutine, ce qu’il s’est refusé à confirmer. Le Kremlin a lui démenti.
Lors de son premier mandat de 2017 à 2021, Donald Trump avait toujours clamé être le président qui mettrait fin aux guerres des États-Unis, prônant une ligne plus isolationniste, et avait notamment signé un accord avec les talibans pour le retrait des troupes américaines d’Afghanistan.
À présent, et dans le même esprit, il se fait fort de vouloir mettre fin à la guerre en Ukraine, prenant à contrepied l’administration Biden, et appelle celle-ci à surtout ne pas "se mêler» de la Syrie, qualifiant la situation dans ce pays de «bordel» où «les États-Unis ne devraient pas avoir affaire».
Ce faisant, il feint d’ignorer que les États-Unis disposent de quelque 900 membres des forces spéciales en Syrie.
Surtout, il réagissait bien avant le président Joe Biden, qui ne s’est exprimé que dimanche sur la chute de Bachar al-Assad.
Brian Finucane rappelle à cet égard que lors de son premier mandat, Donald Trump avait «tenté à plusieurs reprises de retirer les forces américaines de Syrie, mais s’était résigné à ne pas le faire sous la pression de ses conseillers».
«Il reste à voir si, au cours de son second mandat, il retirera tout ou partie de ces forces», dit-il.
«C’est une sorte de continuation d’une vision néo-isolationniste ou réaliste de la politique étrangère, à savoir le fait que les États-Unis ne devraient rien avoir à faire avec la Syrie», renchérit Colin Clarke.
Droits de douane et expulsions
À propos de l’Ukraine, M. Trump a appelé dimanche, également sur son réseau social, à un «cessez-le-feu immédiat» et des négociations pour mettre fin au conflit, au moment où l’administration Biden entend au contraire accélérer son aide à Kiev avant de passer la main.
Il a renchéri en affirmant dans une interview diffusée dimanche, mais enregistrée la veille de sa rencontre samedi avec MM. Macron et Zelensky à Paris, que l’Ukraine devait s’attendre à «probablement» moins d’aide des États-Unis à son retour au pouvoir.
Ailleurs dans le monde, Donald Trump annonce tout aussi clairement la couleur.
Ainsi du retour à une politique ultra-protectionniste, alors qu’il a promis, par exemple, d’imposer des droits de douane de 25 % contre le Canada et le Mexique, deux des principaux partenaires commerciaux des États-Unis.
Et alors qu’il prône des expulsions massives d’immigrés entrés illégalement aux États-Unis, il a aussi, selon des médias, compilé une liste de pays qu’il souhaiterait voir accueillir des migrants, comme les Bahamas, le Panama, la Grenade et les îles Turks et Caicos, dans les Caraïbes.
Les Bahamas ont déjà répondu par une fin de non-recevoir.