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L'article provient de Le Journal de Montréal
Société

[EN IMAGES] Voici 10 grands photographes québécois du 20e siècle (et quelques-uns de leurs clichés)

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Photo portrait de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (collaboration spéciale)

Bibliothèque et Archives nationales du Québec (collaboration spéciale)

2023-06-04T04:00:00Z
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Le Québec regorge de photographes de talent, certains d’entre eux ayant acquis un statut quasi légendaire grâce aux scènes captées par leurs objectifs. Des passants rasant les murs du centre-ville, des couples regardant flotter les canots sur le parc La Fontaine, des religieuses discutant dans un jardin paradisiaque ou encore des personnages illustres de la politique et des arts: ces artistes de l’image ont laissé des témoignages importants de l’histoire du Québec au 20e siècle. Voici un survol de ces photographes et un aperçu de leur œuvre. 

1) Conrad Poirier 

Snapshots. Conrad Poirier, le 4 avril 1939.
Snapshots. Conrad Poirier, le 4 avril 1939. Archives nationales à Montréal (P48,S1,P4310). Photo Conrad Poirier

Né à Montréal en 1912, Conrad Poirier est un photographe reconnu pour son apport immense au photojournalisme du Québec. Il entame sa carrière au début des années 1930 et il est très actif entre 1940 et 1950. Grâce à ses images, nous pouvons mieux saisir la vie québécoise de l’époque qui va de la Grande Dépression à l’aube de la Révolution tranquille.

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Son travail a été publié dans plusieurs journaux, comme La Presse, The Gazette, La Patrie ou la Revue Populaire. Sa spécialité était de croquer des scènes en apparence banales dans tous les endroits où il y a de l’activité humaine. Ses photographies sont faites dans un somptueux noir et blanc. 

Moving Day. 4th Ave. Verdun, 30 avril 1938.
Moving Day. 4th Ave. Verdun, 30 avril 1938. Archives nationales à Montréal (P48,S1,P2642). Photo Conrad Poirier

En se promenant dans les rues de Montréal, Conrad Poirier a pris en photo des gens qui déménagent à Verdun en transportant leur mobilier sur un camion. Il a aussi photographié les journalistes de CKAC travaillant debout devant un gros microphone. Son regard s’est également posé sur des scènes de joie collective, comme le jour de la victoire sur le régime nazi en 1945.

Park. Lafontaine Park, 1er août 1943.
Park. Lafontaine Park, 1er août 1943. Archives nationales à Montréal (P48,S1,P9420). Photo Conrad Poirier

2) Armour Landry 

Armour Landry est né à Drummondville en 1905. Il a vécu une bonne partie de sa jeunesse aux États-Unis, où il a étudié en journalisme et en histoire. De retour au Québec, il décide de s’installer à Trois-Rivières. Dans cette ville, il travaille avec l’abbé Albert Tessier, le «prêtre-cinéaste», à une collection d’ouvrages historiques. 

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Armour Landry en train de photographier en hiver, vers 1967.
Armour Landry en train de photographier en hiver, vers 1967. Archives nationales à Montréal (P97,S1,D7505-7505). Photo Armour Landry

Sa production est constituée de milliers de photos faites sur plusieurs décennies. Armour Landry n’a pas seulement capté des images dans la rue. Il a pris des photos aériennes de villes comme Montréal et Trois-Rivières. Il s’est intéressé aux scènes familiales, à des événements culturels. Plusieurs dossiers de son œuvre sont par ailleurs consacrés exclusivement à l’Expo 67.

Religieuses dans le cloître du jardin de l’Hôtel-Dieu, vers 1970.
Religieuses dans le cloître du jardin de l’Hôtel-Dieu, vers 1970. Archives nationales à Montréal (P97,S1,D14286-14286). Photo Armour Landry

3) Antoine Desilets

Antoine Desilets, né à Montréal en 1927, est un autre des monstres du photojournalisme du Québec. Son intérêt pour la photographie s’est manifesté lorsqu’il était encore enfant. Il a suivi un cours de photo par correspondance, à l’adolescence, pour apprendre la technique. 

Il a commencé sa carrière comme vendeur dans le magasin L.L Lozeau. Il a travaillé dans le studio du photojournaliste montréalais David Bier. Mais c’est surtout en tant que photographe pour les quotidiens La Presse et Le Jour, dans les années 1960 et 1970, que Desilets est reconnu. Il a, d’autre part, écrit une dizaine de livres sur la photographie qui ont remporté un grand succès.

Humour, vers 1970. Archives nationales à Montréal.
Humour, vers 1970. Archives nationales à Montréal. Archives nationales à Montréal (P697,S1,SS1,SSS9,P66). Photo Antoine Desilets

Ses photographies illustrent divers aspects de la société, autant au Québec qu’en Afrique, où il a vécu et enseigné. Sa caméra a suivi des manifestations et des grèves, des personnalités publiques, des joueurs de hockey dans le feu de l’action. Ou des moments plus simples, comme de jeunes filles qui parlent avec leur mère dans une ruelle, par un après-midi d’été. 

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Ruelles, vers 1970.
Ruelles, vers 1970. Archives nationales à Montréal (P697,S1,SS1,SSS6,D24,P20). Photo Antoine Desilets

4) Gabor Szilasi  

Figure importante de la photographie au Québec depuis les années 1950, Gabor Szilasi est né à Budapest en 1928 et s’est installé à Montréal en 1959. Sa vie a été marquée très tôt par la tragédie.

Les nazis ont enlevé et tué sa mère dans un camp de concentration. Son frère et sa sœur sont morts très jeunes, laissant le petit Gabor seul avec son père.

Jeune adulte, Szilasi a abandonné des études en médecine pour se rapprocher de la photographie, sa véritable passion. Il a commencé à explorer cet art grâce à un petit appareil qu’il a acheté à 25 ans et qu’il emportait partout avec lui.

Cela lui a permis de photographier la vie quotidienne des Hongrois et des événements plus graves, comme la révolution de 1956.

Bureau de l’immigration à Dorval, 1970.
Bureau de l’immigration à Dorval, 1970. Archives nationales à Montréal (E6,S7,SS1,D701018-701018). Photo Gabor Szilasi

L’œuvre de Szilasi s’est en particulier accomplie au service de l’Office du film du Québec, qui l’a envoyé parcourir la province. Il a photographié autant des ouvriers au travail que des paysans, des politiciens et des artistes. Toutes ces images nous permettent de jeter un regard nostalgique ou simplement curieux sur le Québec d’il n’y a pas si longtemps. 

Pavillons de l’Exposition universelle de 1967. Île Sainte-Hélène. Montréal, 1967.
Pavillons de l’Exposition universelle de 1967. Île Sainte-Hélène. Montréal, 1967. Archives nationales à Montréal (E6,S7,SS1,D670651-670664,P670651). Photo Gabor Szilasi

5) Henri Rémillard 

Henri Rémillard est une autre de ces figures imposantes du photojournalisme québécois que le grand public méconnaît. Il a laissé une œuvre forte, diversifiée, aux confins de la photographie artistique et du reportage documentaire. 

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Né près de Saint-Hyacinthe en 1933, Rémillard a étudié au New York Institute of Photography, où il a reçu son diplôme en 1957.  

Jeune photographe, il ignorait sans doute qu’il aurait une carrière professionnelle de plus de quarante ans, au cours de laquelle il a travaillé pour différentes organisations, dont le Canadien Pacifique. Il a aussi été pigiste pour des médias, comme The Gazette et L’actualité.

Paquebots de la compagnie Cunard au port de Montréal, 1962-1964.
Paquebots de la compagnie Cunard au port de Montréal, 1962-1964. Archives nationales à Montréal (P685,S2,D36,P11). Photo Henri Rémillard

Une grande part de sa production s’est néanmoins effectuée pour l’Office du film du Québec, au sein duquel il travailla pendant plus de trois décennies.

Si les sujets de l’œuvre de Rémillard sont variés, il a surtout capturé Montréal sous tous ses angles, depuis les hauteurs de la montagne jusqu’au ras du sol, en noir et blanc et en couleur, de jour et de nuit. 

Rémillard s’intéressait aux infimes actions des passants dans la rue, à l’explosion des feux d’artifice ou à l’énorme chantier de l’Expo 67. En grande partie numérisé et consultable gratuitement sur BAnQ numérique, le fonds d’archives d’Henri Rémillard fait partie intégrante du patrimoine culturel et artistique québécois. 

Piétons et automobilistes dans la neige près des rues Saint-Jacques et McGill à Montréal, février 1970.
Piétons et automobilistes dans la neige près des rues Saint-Jacques et McGill à Montréal, février 1970. Archives nationales à Montréal (P685,S2,D138,P19). Photo Henri Rémillard

6) Serge Jongué 

Né en France en 1951, Serge Jongué a émigré à 25 ans à Montréal, où il a fait un doctorat en Études françaises. Sa carrière de photographe commence dans la trentaine, en même temps qu’il devient journaliste et critique d’art. 

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Méconnu du grand public, Jongué a pourtant laissé derrière lui une œuvre pleine d’humanité et de solidarité. Il a pris en photo les personnes immigrantes et les marginaux. Il a également travaillé pour les grandes centrales syndicales, comme la Fédération des travailleurs du Québec.

Manifestations, marches et contestations, 1982.
Manifestations, marches et contestations, 1982. Archives nationales à Montréal (P770,S1,D1-17-04-1982). Photo Serge Jongué

Les photos de Serge Jongué, la plupart en noir et blanc, témoignent des mouvements de contestation sociale qui ont agité le Québec des années 1980 et 1990. Il a photographié les chauffeurs de taxi en grève, les manifestations contre le racisme ou en faveur de l’indépendance du Québec et les fêtes dans les communautés culturelles.

Il s’intéressait particulièrement aux travailleurs dans leur milieu. Chirurgiens, mécaniciens, métallurgistes, musiciens et même politiciens sont passés devant sa caméra.  

«Identités métropolitaines», exposition tenue à Montréal du 3 au 27 octobre 1990 à la Maison de la culture du Plateau Mont-Royal. Événement financé par la Banque Laurentienne, 1990.
«Identités métropolitaines», exposition tenue à Montréal du 3 au 27 octobre 1990 à la Maison de la culture du Plateau Mont-Royal. Événement financé par la Banque Laurentienne, 1990. Archives nationales à Montréal (P770,S1,D12_IM-150_IM-152). Photo Serge Jongué

7) André Sima 

Né en Hongrie, André Sima – comme son compatriote Gabor Szilasi – a fui son pays lors de l’invasion russe de 1956. Émigré au Canada, il s’installe à Montréal, où il a pratiqué la photographie commerciale. Il se spécialise notamment dans les portraits de familles, de sportifs, de groupes d’élèves, de notables de la société, d’acteurs jouant au théâtre.

Composée de plus de 64 000 photos, son œuvre s’étend de 1957 à 1990, constituant de ce fait un témoignage inestimable de la vie au Québec dans la seconde moitié du 20e siècle.  

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Plateau de tournage de l’émission «La famille Plouffe», 1957.
Plateau de tournage de l’émission «La famille Plouffe», 1957. Archives nationales à Montréal (P586,S1,SS1,D1957-105,P2). Photo André Sima

Son travail auprès du ministère des Transports du Canada lui permet de photographier l’ouverture de la voie maritime du fleuve Saint-Laurent en 1959. En 1980, Sima s’installe à Ottawa, où sa carrière prend une tournure diplomatique en s’orientant vers les portraits de politiciens locaux et étrangers ainsi que les activités mondaines de la haute bourgeoisie.  

Ouverture de la voie maritime du Saint-Laurent, 1959.
Ouverture de la voie maritime du Saint-Laurent, 1959. Archives nationales à Montréal (P586,S1,SS1,D1959-028,P17). Photo André Sima

8) Euclide Sicotte (Cicot) 

Euclide Sicotte est né à La Prairie en 1901. Il est ordonné prêtre à 25 ans. Homme de culture, il est à la fois musicien, physicien, photographe et inventeur. Il a en effet conçu un instrument d’astronomie capable d’identifier les étoiles.

Grand voyageur, Sicotte a parcouru le globe, de New York à la Terre sainte, en passant par le Guatemala et l’Italie. Ces voyages nourriront son imaginaire photographique.  

Ville de Chambly, vers 1950.
Ville de Chambly, vers 1950. Archives nationales à Montréal (P927,S1,D4,P2). Photo Cicot

Une fois sa carrière de photographe lancée, Sicotte prend le nom d’artiste Cicot. Il publie régulièrement des images dans des journaux comme La Presse et La Patrie, des périodiques comme le Reader’s Digest. Ses photos sont aussi utilisées dans des manuels scolaires et des calendriers.  

Cicot s’est plu à photographier le Québec dans toute sa splendeur. Des paysages verdoyants, le fleuve Saint-Laurent, des ponts couverts, des monuments. Il a posé son regard sur le labeur des ouvriers et des pêcheurs, l’agitation des étudiants. Sa caméra a laissé en souvenir un échantillon éternel de la vie et de l’espace naturel de la Belle Province. 

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Région du Saguenay et du Lac-Saint-Jean, devenue Saguenay–Lac-Saint-Jean, 1965-1967.
Région du Saguenay et du Lac-Saint-Jean, devenue Saguenay–Lac-Saint-Jean, 1965-1967. Archives nationales à Montréal (P927,S1,D7,P11). Photo Cicot

9) Harvey Majo 

Photographe désormais passé sous silence, Harvey Majo jouissait pourtant d’une belle reconnaissance au Québec dans les décennies 1960 et 1970. Il a fait ses premières armes auprès d’une autre grosse pointure de la photographie québécoise, Gaby Desmarais. 

Spécialisé dans les portraits, Harvey Majo avait cette particularité de travailler chez les gens qu’il photographiait, au lieu de les faire se déplacer dans son studio.  

Portraitiste des notables de la société – médecins, juges, avocats –, Majo a également immortalisé certaines personnalités politiques et artistiques alors au zénith de leur gloire. 

Jean Chrétien, vers 1970.
Jean Chrétien, vers 1970. Archives nationales à Montréal (P243,S2,P486). Photo Harvey Majo

Surtout en noir et blanc, c’est toute une époque qui a été enregistrée par son objectif. Jean Lesage, Jean Chrétien, René Lévesque – les mains croisées, comme s’il priait –, Jacques Parizeau, Ginette Reno et Chantale Pary ont eu recours à ses services. Harvey Majo a photographié ces personnages publics dans des poses qui reflétaient leur disposition intérieure. 

René Lévesque, vers 1960.
René Lévesque, vers 1960. Archives nationales à Montréal (P243,S1,P25). Photo Harvey Majo

10) Studio Jac-Guy 

Autre studio de photographie qui a eu une importance considérable dans la société québécoise au milieu du 20e siècle, le Studio Jac-Guy était situé sur la rue Peel de Montréal, en plein milieu du bourdonnant quartier des affaires de la métropole québécoise.

Spécialisé dans les portraits de personnalités et les photographies de mariage, le Studio Jac-Guy a vu défiler les vedettes de la chanson et de la télévision des années 1950 et 1960. 

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Des artistes aux noms qui résonnent encore aujourd’hui, comme les regrettées Andrée Lachapelle et Janine Sutto, ont ainsi été photographiées par Jac-Guy. Des personnages de la sphère politique et religieuse, comme Jean Drapeau et le cardinal Paul-Émile Léger, ont eux aussi visité ce studio.

Andrée Lachapelle, [196-?].
Andrée Lachapelle, [196-?]. Archives nationales à Montréal (P245,P4). Photo Studio Jac-Guy

En noir et blanc, colorisées ou en couleur, les personnalités photographiées au Studio Jac-Guy se montrent dans des poses de prime abord assez spontanées. Elles regardent la caméra d’un air détendu, ou les yeux pointant vers une ligne d’horizon imaginaire. Ces photos peuvent être consultées sur place aux Archives nationales à Montréal. 

Cardinal Paul-Émile Léger, [196-?].
Cardinal Paul-Émile Léger, [196-?]. Archives nationales à Montréal (P245,P3). Photo Studio Jac-Guy

Un texte de Edwin Bermudez, archiviste, Bibliothèque et Archives nationales du Québec


  • Vous pouvez consulter la page Facebook de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) en cliquant ici et son site web en vous rendant ici. 
  • Vous pouvez également lire nos textes produits par la Société historique de Québec en cliquant ici. 

Sources

  • Advitam, Bibliothèque et Archives nationales du Québec [En ligne].
  • «Antoine Desilets», Ordre national du Québec [En ligne].
  • «Armour Landry», Société historique de Montréal [En ligne].
  • «Les 100 000 photos de Gabor Szilasi, rescapé du nazisme et du communisme», Radio-Canada [En ligne].
  • «Serge Emmanuel Jongué», Mémoires des Montréalais [En ligne].
  • «Un tour de ville: Montréal vue par Henri Rémillard», Bibliothèque et Archives nationales du Québec [En ligne].
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