[EN IMAGES] Voici 10 bâtiments témoignant du patrimoine agricole québécois

Bibliothèque et Archives nationales du Québec (collaboration spéciale)
Le paysage québécois recèle encore quelques témoins de l’époque où la majorité des familles rurales vivaient de l’agriculture. Voici 10 bâtiments qui témoignent de ce temps révolu d’autosuffisance et que vous pourrez peut-être apercevoir lors de vos promenades à la campagne.
1. La grange-étable: toit à deux versants

Les granges-étables à toit à deux versants, aussi appelées à pignons droits, sont assez courantes. Ces dernières permettent de regrouper différentes fonctions dans un même bâtiment: abris pour les animaux et entreposage de leur nourriture et d’instruments aratoires. Elles sont le modèle le plus utilisé jusqu’au début du XXe siècle.
Ces granges-étables se reconnaissent par leur forme rectangulaire et leur solage de pierres, pour les plus anciennes. Si au départ tout se trouve sur le même niveau, on ajoute rapidement un étage. Le rez-de-chaussée loge les animaux: vaches, chevaux, porcs, etc. L’étage du dessus, aussi appelé fenil, permet de conserver le fourrage et les grains nécessaires pour l’alimentation du bétail pendant la saison froide, et il aide aussi à isoler le bâtiment.
Les murs intérieurs et extérieurs des granges sont traditionnellement blanchis à la chaux. Cela permet de désinfecter les murs de bois intérieurs. Le blanchiment protège les murs extérieurs des intempéries. Les portes sont généralement d’une couleur contrastante: rouge sang de bœuf.
2. La grange-étable: toit à combles brisés

Le toit des granges-étables à combles brisés est construit avec deux pentes de chaque côté. C’est vers la seconde moitié du XIXe siècle, au moment de l’essor de la production laitière, qu’on commence à en construire au Québec.
Pour une même hauteur des murs, ce type de toiture permet un plus grand espace d’entreposage. L’utilisation de fermes plutôt que de chevrons dans la construction de la toiture permet de dégager plus d’espace pour mécaniser le déchargement du foin.
L’intérêt pour ce type de granges-étables a été propulsé par différents manuels d’agriculture, plus particulièrement ceux publiés par le gouvernement du Québec. Ils encourageaient particulièrement cette forme de construction pour des fermes modernes qui répondraient aux normes de salubrité en vigueur.
3. Les granges-étables rondes

La légende veut que ce type d’architecture serve à éloigner le diable de l’étable, ce dernier aimant se cacher dans les coins. En réalité, ce sont des raisons pratiques liées à l’aménagement intérieur du bâtiment qui portent à faire ce choix.
Au Québec, on trouve des granges-étables rondes uniquement en Estrie. Cela s’explique par la proximité de la frontière avec les États-Unis, où ce type de grange est apparu vers la fin du XIXe siècle.
La rareté de cette architecture tient en partie à une construction plus complexe et au fait que d’éventuels travaux d’agrandissement nécessiteraient plus de travail que sur les granges rectangulaires.
Les granges rondes ont en revanche l’avantage de pouvoir loger plus d’animaux pour une même superficie qu’une étable traditionnelle. Elles sont aussi plus économiques à construire et à entretenir. Plus d’une trentaine ont été construites de 1890 aux années 1910. L’intérêt pour cette forme particulière de construction s’est rapidement essoufflé. Elles sont maintenant presque absentes du paysage.
4. Les granges-étables polygonales

Bien que plutôt rares dans le paysage rural québécois, les granges-étables polygonales s’observent particulièrement en Estrie et en Chaudière-Appalaches. Ce sont les deux régions où on en a construit le plus.
Elles se sont implantées aux États-Unis dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Les granges polygonales semblent être arrivées au Québec une centaine d’années plus tard. Elles ont un nombre de côtés pair, généralement 8, parfois 12. Elles sont plus aisées à construire que les granges rondes.
5. Les silos

La construction de silos a contribué à l’essor de la production laitière. Le fourrage ou le maïs vert fermenté conservé en silo étant plus nutritif que le foin sec, il permet aux vaches de maintenir une bonne production laitière pendant une plus longue période dans l’année. Les consommateurs profitent donc d’un apport presque continu de lait et de crème.
Les silos sont apparus au Québec vers la fin du XIXe siècle. Au départ, ils sont de forme carrée ou polygonale, mais rapidement, la forme circulaire est retenue. Cette forme permet le tassement de l’ensilage pour une fermentation optimale. Le silo est adossé à la grange et dépasse rarement la hauteur de cette dernière.
La première génération de silos est en planches de bois verticales retenues par des bandes métalliques qui peuvent être ajustées selon les besoins. Quelques silos de cette époque subsistent, bien qu’ils soient généralement inutilisés. Avec le temps, le bois pourrissait au contact de l’humidité de l’ensilage, ce qui a nui pendant un temps à la popularité des silos. D’autres matériaux plus résistants ont été utilisés par la suite.
6. Les laiteries

Chaque ferme laitière possède une laiterie. Aujourd’hui, c’est une pièce adjacente à l’étable ou même intégrée, équipée d’un bassin qui réfrigère le lait dès qu’il est trait, pour être recueilli par camion-citerne au quotidien. Ce ne fut pas toujours le cas.
Les laiteries dont on parle ici sont de petits bâtiments, souvent construits près de la maison dans un coin idéalement ombragé pour conserver la fraîcheur. Elles ont peu d’ouvertures: en général, seulement une porte et parfois une petite fenêtre idéalement orientée vers le nord pour conserver au maximum la fraîcheur des lieux. Cela permet d’assurer un entreposage adéquat des produits laitiers. L’espace peut aussi servir à la transformation du lait: écrémage et barattage.

Les laiteries peuvent comporter un compartiment réfrigéré par des cubes de glace recueillis au plus froid de l’hiver. En l’absence d’un tel compartiment, un cours d’eau à proximité pouvait aider à garder la fraîcheur des produits laitiers. Les bidons de lait ou de crème en surplus des besoins de la famille sont livrés à la beurrerie ou à la fromagerie du coin.
7. Les beurreries et les fromageries

Jusque vers les années 1870, le fromage et le beurre que nos ancêtres consomment sont fabriqués à la ferme. Les premières fromageries apparaissent dans les Cantons-de-l’Est vers 1865. Quant à la première beurrerie, elle apparaît dans le comté de Huntingdon en 1873.
Leur multiplication est par la suite exponentielle, si bien que de nombreuses municipalités québécoises de la vallée du Saint-Laurent, où se concentre la production laitière, ont au moins une fromagerie ou une beurrerie.
Leur architecture peut se démarquer par la présence d’au moins un quai de déchargement des bidons de lait, c’est-à-dire une grande porte de la largeur des charrettes. Celle-ci peut être construite au niveau du sol ou située suffisamment haut pour qu’il ne soit pas nécessaire de soulever les bidons pleins ni de reculer la charrette dans le bâtiment.
Ces anciens immeubles industriels ont presque disparu du paysage québécois. Ceux qui restent sont habituellement des biens classés historiques. Certains de ceux-ci ont conservé quelques caractéristiques de leur fonction première.
8. Les poulaillers

Les poulaillers du siècle dernier sont reconnaissables à leur large fenestration à carreaux placée sur la façade sud du bâtiment. La lumière du soleil peut ainsi y entrer à profusion. Cela permet aux poules pondeuses de produire plus facilement toute l’année, tout en assurant un certain chauffage pendant l’hiver.
Selon l’importance accordée à la production d’œufs, le bâtiment peut comporter plus d’un niveau. Différents espaces y sont aménagés pour conserver les grains dont se nourrissent les poules, pour la litière qui permet qu’elles soient au sec et pour conserver les œufs – dans un coin plus frais au nord du bâtiment.
Enfin, certains poulaillers ont une section destinée à la couvaison d’une partie des œufs. La famille peut alors compter sur un apport continu de jeunes poules pour la ponte et de poulets pour la chair, ce qui permet de varier les menus.
9. Les porcheries

Le porc donnant l’une des viandes préférées de nos ancêtres, presque toutes les fermes en élèvent. De nombreux agriculteurs hébergent tous leurs animaux sous un même toit. Cependant, chaque espèce a sa propre section dans la grange-étable. Il était recommandé de mettre un mur de séparation entre l’espace destiné aux quelques porcs et les autres espaces.
Les porcheries séparées de l’époque, appelées aussi soues à cochons, sont souvent de petites dimensions avec un plafond bas pour garder la température la plus constante possible en hiver. Elles doivent avoir une ventilation adéquate, mais sont souvent peu fenestrées. La ventilation est assurée par des trous aménagés dans les pignons. Les porcs devaient aussi avoir accès à une cour extérieure pour se dégourdir.
10. Les hangars et les remises

Les hangars et les remises sont de petits bâtiments destinés à l’entreposage: grains, bois de chauffage, carrioles et voitures à chevaux. Ils sont généralement de forme rectangulaire, à un niveau ou un niveau et demi et souvent sans fenêtres. Certains sont destinés à un seul usage, d’autres sont multifonctionnels.
Les hangars à grains sont munis d’une large porte. On peut ainsi facilement y reculer la charrette pour procéder au déchargement du grain. Il en est de même pour ceux qui servent à remiser les charrettes, carrioles, etc.
Les hangars à bois sont couverts, mais comportent des ouvertures qui permettent au bois de continuer de sécher pendant son entreposage tout en le protégeant des intempéries. Ils n’ont besoin que d’une porte piétonne. C’est un des bâtiments de ferme qui subsistent aujourd’hui, puisqu’au fil des ans il a pu être facilement recyclé pour servir à d’autres types d’entreposage.
Un texte d’Annie Labrecque, Bibliothèque et Archives nationales du Québec
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Sources
- ABBOTT, Louise, Le cœur de la ferme – L’histoire des granges et clôtures des Cantons-de-l’est du Québec, photographies de Louise Abbott et Niels Jensen, Georgeville, Georgeville Press, 2012, 306 p.
- DORION, Jacques, Un dimanche à la campagne – Vie, architecture, tradition, Outremont, Trécarré, 1999, 158 p.
- DUBOIS, Martin et Chantal LEFEBVRE, Inventaire des bâtiments et sites agricoles de la MRC de Coaticook – Phase 1 et 2, Coaticook, Municipalité régionale de comté de Coaticook / Patri-Arch, 2008.
- DUBOIS, Martin, «Une architecture en mouvement», Continuité, no 165, été 2020, p. 16-19.
- GINGRAS, Yolande, Patrimoine bâti agricole de l’Assomption, L’Assomption, Y. Gingras / Éditions Point du jour, 2017, 183 p.
- LAPOINTE, Pierre-Louis, «La société d’industrie laitière de la province de Québec et la modernisation des pratiques de cette industrie», Histoire Québec, vol. 21, no 3, 2016, p. 26-29.
- MARTIN, Julie, «De la grange au four à pain», Continuité, no 109, été 2006, p. 45-48.
- ROY, L. Philippe, Constructions de ferme, Québec, Ministère de l’Agriculture de la province de Québec, Service de la grande culture, 1923, 95 p.