Legault promet le tramway et veut un pont pour les camions, mais pas de tunnel pour le tramway entre Québec et Lévis

Marc-André Gagnon
Même si CDPQ Infra ne recommande pas de 3e lien interrives, François Legault s’engage à construire un pont à l’est «pour les camions» en plus de réaliser la première phase du projet de tramway à Québec. Pour ce qui est d’un tunnel de transport collectif jusqu’à Lévis, «ce n’est pas dans nos priorités», laisse tomber le premier ministre.
En conférence de presse au lendemain de la publication du rapport de la Caisse de dépôt et placement du Québec Infra (CDPQ Infra) sur la mobilité à Québec, le premier ministre a confirmé que le gouvernement ira de l’avant avec la première phase du projet de tramway prévu au Plan CITÉ, de Le Gendre à Charlesbourg, qui se chiffre à 5 G$ (voir autre texte).

Pour ce qui est, toutefois, du tunnel entre Québec et Lévis dans lequel circulerait un tramway dans une 3e phase du Plan CITÉ (3,87 G$), «on n’est pas proche de travailler sur un projet de lien interrives pour le transport collectif», a signalé le premier ministre.
«Est-ce que dans 15 ans, on pourra regarder ça? [...] Nous, ce qu’on veut, c’est un lien autoroutier entre Québec et Lévis», a-t-il résumé.
Un pont à l’est
François Legault a pris bonne note que l’achalandage ne justifie pas l’ajout d’un lien routier interrives, comme le confirme CDPQ Infra dans son rapport.
Qu’à cela ne tienne, pour le gouvernement, l’enjeu de sécurité économique découlant du fait qu’un seul pont entre Québec et Lévis permet actuellement le transport des marchandises suffit pour aller de l’avant avec la construction d’un 3e lien.
«Notre intention, puis notre engagement, c’est de faire un pont à l’est», a répété M. Legault. Aucun échéancier ni coût estimé n’ont été précisés, mais le chef de la CAQ promet de le faire au meilleur coût, «dans les meilleurs délais possibles».
Après avoir abandonné le 3e lien routier en avril 2023 au profit de ce qui devait être un tunnel de centre-ville à centre-ville dédié exclusivement au transport collectif, M. Legault s’inquiète aujourd’hui de lire dans le rapport de CDPQ Infra qu’en cas de fermeture prolongée du pont Pierre-Laporte, 10 500 camions de marchandises par jour seraient obligés d’emprunter le pont Laviolette à Trois-Rivières pour rejoindre l’autre rive.
Bien que cet élément ait déjà été soulevé dans les nombreuses études que possède déjà le gouvernement, le premier ministre considère aujourd’hui qu’il s’agit qu’un «risque économique [...] démesuré». Il faut avoir «l’humilité de revoir une décision», a-t-il dit.
Et le pont de Québec?
Le gouvernement n’a pas considéré la possibilité d’abaisser le tablier routier du pont de Québec pour y faire circuler les marchandises, idée soulevée mercredi par le ministre fédéral Jean-Yves Duclos.
«M. Duclos, il a pris ça où? On va s’informer», a rétorqué M. Legault. Le ministère des Transports dispose toutefois d’une étude commandée en 2015, qui lui confirme qu’un service rapide par bus (SRB) pourrait passer par le pont de Québec, si le tablier est abaissé.
Vérification faite, selon le cabinet de la ministre des Transports, «abaisser le tablier ne permettrait pas d’augmenter le dégagement vertical assez pour le passage des poids lourds».
Geneviève Guilbault croit que des travaux d’une telle envergure obligeraient une fermeture prolongée du pont.
Pas d’autres études
Le premier ministre ne semble pas avoir l’intention de relancer de grandes études pour concrétiser ce projet de pont. «Il n’y aura pas d’autres études économiques ou d’achalandage. Je pense qu’il y en a eu assez maintenant [des études]», a déclaré M. Legault.
Aux yeux du député caquiste de Lévis, Bernard Drainville, le risque économique avec un seul lien est si «immense» que la nécessité d’ajouter un pont à l’est, «ça devient une évidence».
Après des années de tergiversations sur le 3e lien depuis l’arrivée de la CAQ au pouvoir, le ministre responsable de la Chaudière-Appalaches est conscient que «la confiance envers [la CAQ] et envers la réalisation de ce projet est ébranlée».
«On va travailler tous les jours pour rebâtir ce lien de confiance et il va se rebâtir au fur et à mesure [que] les travaux vont avancer», a dit le ministre de l’Éducation.
Ce qu’ils ont dit:
«François Legault promet, une fois de plus, un 3e lien à Québec. Il n’y a que lui qui se croit. Dans ce dossier, plus personne n’accorde de valeur à la parole du premier ministre. François Legault, aujourd’hui, ose parler de l’économie de notre Capitale-Nationale. Il devrait reconnaître que des milliards de dollars en développement sont sur la glace en raison de son incapacité à faire avancer le projet du tramway.»
– Le chef par intérim du PLQ, Marc Tanguay
«La CAQ est dans un tel degré d’improvisation, c’est dangereux. C’est dangereux pour nos finances publiques, c’est dangereux pour la planification des transports [...] Le premier ministre et son équipe sont venus nous dire qu’après avoir promis une chose et son contraire durant six ans sur cette question du troisième lien... Elle avait décidé de confier à la CDPQ un mandat pour dénouer l’impasse et proposer un projet. Le rapport arrive et dit qu’il n’y a pas de besoins pour un lien autoroutier. Pire, ça va probablement engorger davantage la 40 et la 440. Que font le premier ministre et la CAQ? Ils sortent en équipe pour nous dire que c’est pour ça qu’on va faire un lien autoroutier.»
– Le chef du Parti Québécois, Paul St-Pierre Plamondon
«La CAQ se couvre à nouveau de ridicule. Après l’indice “ponts par million”, c’est la notion de “sécurité économique” qui servirait à justifier cette nouvelle autoroute entre Québec et Lévis. Ils nous prennent pour des valises.»
– Le porte-parole de Québec solidaire en matière de transports, Etienne Grandmont
«Pouvons-nous encore faire confiance à cet homme et à ce gouvernement? [...] Plus personne n’a confiance en la CAQ. Le problème est le lien de confiance, pas le 3e lien!»
– Le chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime
Avec la collaboration de Nicolas Lachance