Fiasco SAAQclic: l’ex-ministre Éric Caire veut s’en dissocier, mais il connaissait les difficultés «depuis longtemps»
L’ex-ministre admet toutefois qu’il connaissait les difficultés «depuis longtemps»

Nicolas Lachance
Bien qu’il ait été alerté dès 2020 sur les problèmes qui minaient le projet SAAQclic, l’ex-ministre du Numérique, Éric Caire, se dissocie du fiasco et jette le blâme sur la SAAQ pour les problèmes informatiques.
• À lire aussi: «Il y a du ménage à faire»: le problème majeur derrière le fiasco SAAQclic
• À lire aussi: Fiasco SAAQclic: le ministre Éric Caire avait «l’air d’être dans les vapes» et aurait pu stopper l’hémorragie
• À lire aussi: Fiasco SAAQclic: Legault témoignera devant la commission Gallant mardi prochain
«On est face à une société d’État qui est le maître d’ouvrage de son projet, qui ne relève pas de moi et pour lequel il faut garder une certaine distance», a-t-il déclaré au cours de son témoignage devant la commission Gallant.
Le budget du projet n’a jamais été sa priorité. Seuls les aspects techniques l’intéressaient, que ce soit avant ou après le lancement catastrophique de SAAQclic.
Ainsi, il n’a pas été «flabbergasté» d’apprendre, en juin 2022, que le budget atteignait alors 682 millions$.
«C’est d’abord et avant tout un échec technologique», a-t-il plaidé, tout en refusant de reconnaître une responsabilité dans ce déploiement catastrophique. La SAAQ l’avait rassuré, dit-il.
Pourtant, en 2020, Éric Caire semblait préoccupé par SAAQclic, selon les témoignages de son ancienne directrice de cabinet et de son ancien sous-ministre.
Il aurait été informé de dépassements de coûts et d’un report.
De l’humour
Selon un procès-verbal d’une rencontre avec le secrétaire général du Conseil du trésor, il craignait d’être un «triste spectateur» et réclamait un plan de redressement.
Aujourd’hui, il soutient qu’il s’agissait de propos humoristiques.
«Je ne pense pas que le terme “triste spectateur” était alarmant, c’était plutôt pour plaisanter», a indiqué le député.
Cette réplique a semblé irriter le commissaire.
«Un plan de redressement, généralement, implique une situation problématique», a affirmé Denis Gallant.
Un courriel révélateur
Néanmoins, celui qui a démissionné de son rôle de ministre dans la foulée du fiasco était bel et bien au courant des problèmes.
En septembre 2021, Éric Caire répond à un courriel de sa directrice de cabinet au sujet de SAAQclic. Il affirme que le projet allait mal «depuis longtemps».
À l’époque, le cabinet du MTQ et le ministre François Bonnardel s’inquiétaient que le manque de ressources humaines puisse avoir des répercussions sur le budget et l’échéancier du projet CASA.
«Ouin, je ne suis pas certain que la pénurie de main-d’œuvre explique tout. Ils étaient en dépassement de coûts et d’échéancier depuis longtemps. Pierre [Rodrigue] et M. [Éric] Ducharme sont bien au fait de leurs difficultés», a écrit Éric Caire.
Le commissaire Denis Gallant lui a alors rappelé que «minimalement [...] vous avez un début de commencement de preuve».
Le ministre a soutenu que ce n’était pas son rôle de s’en occuper. Malgré sa connaissance des difficultés, il n’en a jamais parlé à son collègue François Bonnardel.
La procureure Mélanie Tremblay lui a rappelé que son équipe aurait pu stopper l’hémorragie de SAAQclic dès 2020 en obligeant la SAAQ à respecter les règles du Conseil du trésor.

«Se déresponsabiliser»?
À la suite du déploiement catastrophique de SAAQclic, tous les yeux se sont tournés vers le ministre des «Ordinateurs», selon ses propres mots.
Il est devenu la cible.
Dans une série de courriels avec le premier ministre, Éric Caire multiplie les interventions pour défendre son travail.
François Legault lui demande s’il doit congédier le PDG, Denis Marsolais.
«Pour le moment, il faut régler le problème», a répondu Éric Caire.
Puis, le 10 mars 2023, Éric Caire transmet au chef de cabinet du premier ministre les informations que la SAAQ lui avait présentées en juin 2022.
«Selon ce rapport, ils se disaient en mesure de livrer la solution le 3 janvier 2023, comme prévu. De plus, les dépenses réelles étaient en deçà des dépenses budgétées. [...] tous les voyants étaient au vert», a-t-il mentionné à Martin Koskinen.
Or, ces voyants étaient plutôt au jaune, et une stratégie contractuelle était en cours de validation. Les tests n’étaient toujours pas complétés. Éric Caire aurait même demandé alors de mettre la SAAQ sous tutelle.
La procureure Tremblay lui a demandé s’il cherchait, à l’époque, à se «déresponsabiliser». «Non», a-t-il lancé.
L’ex-ministre se contredit
Ce qu’Éric Caire disait au moment de sa démission le 27 février 2025
Qu’il n’avait été informé d’«aucun dépassement de coûts. Dans [le document] du 31 octobre [2022], il y a même des surplus.»
Ce qu’Éric Caire a dit devant le commissaire Gallant
«Oui, j’ai une idée qu’il va y avoir des dépassements de coûts. Mais est-ce que je sais qu’on va payer 940 millions pour le projet? Non, vraiment pas.»
Ce que le commissaire Denis Gallant a dit
«Vous allez convenir avec moi que la SAAQ, même si elle a péché par omission à certaines reprises, il y a eu quand même de l’information qui est remontée autant aux instances gouvernementales qu’aux instances politiques.»
Vous avez des informations à nous communiquer à propos de cette histoire?
Écrivez-nous à l'adresse ou appelez-nous directement au 1 800-63SCOOP.