«En 4e ronde, un talent comme ça?!»: le CH a repêché ce petit surdoué grâce à la finale de la Coupe Stanley

Nicolas Cloutier
«Il est aussi talentueux, voire plus talentueux que bien des garçons qui ont été choisis en première ronde», a confié au téléphone Nick Fohr, l’un des deux entraîneurs-chefs du programme de développement américain (USNTDP), au sujet de Little John Mooney.
En 2022, un chétif défenseur du nom de Lane Hutson éblouissait les partisans des Canadiens de Montréal au camp de perfectionnement. Trois ans plus tard, c’est un autre Américain, un attaquant cette fois, qui, du haut de ses 5 pi 7 po, fait sensation à Brossard et se retrouve au cœur de plusieurs séquences virales.
«Il est spécial, s’est émerveillé au bout du fil Greg Moore, l’autre entraîneur-chef du NTDP. Il fait des jeux que les défenseurs n’arrivent pas à lire. Il nous sort des jeux, parfois, que tu n’aurais même pas pu imaginer. Lui, il arrive à les créer en situation de match.»
Cette machine à faits saillants, les Canadiens ont pu la réclamer au quatrième tour. Si, dans quelques années, on parle de Mooney comme d’un vol en plein jour du CH au repêchage, vous pourrez remercier les Panthers de la Floride et les Oilers d’Edmonton.
«Je pense que les dépisteurs restent marqués par la finale de la Coupe Stanley, a expliqué le codirecteur du recrutement amateur des Canadiens, Martin Lapointe, lors d’un long entretien seul à seul à Brossard. Ça frappe, c’est gros, c’est pesant.»
«Et c’est correct de penser comme ça.»
Mais plus tard dans le repêchage, le pari devenait incontournable aux yeux des Canadiens. Il fallait voir le large sourire que Lapointe a esquissé dès qu’on a prononcé le nom de Mooney.
«En quatrième ronde, avoir un talent comme ça... pis en plus, il compétitionne?! Pfff! C’est une chance à prendre. Facile!» s’est exclamé Lapointe, l’un des deux recruteurs en chef de l’organisation, avec Nick Bobrov.

Au bout de nos recherches et de nos discussions avec les acteurs du milieu, on a identifié trois raisons pour expliquer la glissade de ce talent unique jusqu’au 113e rang du repêchage.
- Une sérieuse blessure à un genou qu’il a subie en début de saison et qui a continué d’affecter sa mobilité à son retour au jeu. «Ç’a été difficile pour lui par moments, a confié Fohr. Il n’était pas toujours à 100%.»
- Il s’est fait frapper trop souvent pour un joueur de son gabarit, censé développer une habileté pour éviter les coups (comme on l’observe chez Cole Caufield et Hutson, notamment).
- Sa taille, tout simplement. Elle est incompatible avec ce que les équipes recherchent, en raison du style de hockey pratiqué lors des dernières séries.
Les Canadiens ont pris tout ça en considération. Ce qui a finalement rendu cette sélection possible, selon Lapointe, c’est la façon de travailler des dirigeants Kent Hughes et Jeff Gorton lors des rencontres avec les recruteurs.
«Je vais te dire la vérité: nos dépisteurs américains, ils poussaient vraiment pour», a confié Lapointe avant de mentionner explicitement Albie O’Connell, le recruteur en chef du CH en Amérique du Nord. «Le fait que Kent et Jeff laissent les dépisteurs parler pour former leurs opinions, ça fait beaucoup la différence.»
Lapointe, proverbial «team guy», se fait un point d’honneur d’accorder le plus de crédibilité possible aux dépisteurs qui, sans avoir le pouvoir de prendre la décision définitive, épient les joueurs dans leur territoire à longueur d’année. Il insiste beaucoup là-dessus à l’interne. Et tant Hughes que Gorton y sont sensibles. Un directeur général aurait pu refuser d’entretenir toute discussion au sujet d’un joueur de 5 pi 7 po après avoir regardé les deux dernières finales de la Coupe Stanley.
Mais Mooney, «il n’a pas peur, lui!» s’est exclamé Lapointe. «Il est dynamique. J’ai demandé à Vincent Lecavalier: “Est-ce que t’avais plus de misère avec les joueurs de 5 pi 10 po ou 5 pi 11 po ou ceux de 5 pi 7 po?” Il m’a dit: “5 pieds 7.” Quand tu fais 6 pi 4 po, c’est dur à arrêter.»

Et même si Mooney mange beaucoup de coups, ce n’est certainement pas Lapointe qui va lui dire d’aller moins au contact.
«Je ne dirai jamais ça à un joueur, a-t-il mis au clair. C’est tellement difficile de pousser un joueur à faire ça que, quand il n’est pas comme ça, j’aime autant qu’il soit extrêmement de l’autre bord.»
Les Canadiens veulent ajouter du poids à leur formation, ne vous méprenez pas, mais ils ont démontré par le passé qu’ils étaient prêts à considérer les petits joueurs, à une seule condition: qu’ils aient un côté compétitif très, très, très prononcé. C’était le cas de Hutson en 2022. Et Mooney remplit à son tour le critère.
«Au championnat des moins de 18 ans, il a livré les deux plus grosses mises en échec du match contre la Suède», a noté Moore, qui est curieux de voir Mooney travailler éventuellement avec Martin St-Louis.
«Mooney et Hutson, ils sont juste différents, a souligné Fohr. Ils ont cette agilité qui leur est unique. C’est une qualité élite qui leur permet d’avoir du succès. Les joueurs développent des habitudes et ils font instinctivement des lectures de jeu en fonction de ce qu’ils sont habitués à voir. C’est pour ça que des joueurs différents comme Mooney et Hutson les mettent sur les talons. Ils n’ont pas vu ça avant.»
Si Mooney devient à l’attaque la moitié du joueur qu’est Hutson en défense, souvenez-vous des doubles-échecs de Sam Bennett. Et retenez ce nom: Albie O’Connell.
Ils ont rendu cette sélection possible au quatrième tour.