Emmerder la démocratie, un jeu dangereux


Emmanuelle Latraverse
Couvre-feu, annulation d’une majorité de chirurgies, crainte de trier les malades aux soins intensifs, la liste des fléaux de la 5e vague est longue. Pourtant, rien de tout ça ne mérite de rappeler l’Assemblée nationale, comme l’a réclamé la cheffe libérale, Dominique Anglade.
Tout au plus est-ce que le premier ministre consent un appel hebdomadaire à ses homologues de l’opposition.
Ce n’est pas la première fois que la pandémie sert de prétexte pour mettre l’exercice de la démocratie sur pause.
C’est là un jeu dangereux.
Fragile
Cette démocratie que nous tenons pour acquise demeure fragile. Sa force repose sur le respect des citoyens envers leurs institutions.
À quoi ça sert un parlement si nul ne le prend au sérieux ? À quoi ça servent les élections si l’opposition est réduite à chialer et le gouvernement à s’en moquer ?
Vous trouvez que j’exagère ? C’est pourtant le triste spectacle auquel nous avons eu droit cet automne sur le front de la pandémie. Un dialogue de sourds, futile et partisan, entre une opposition grimpée dans les rideaux et un gouvernement protégé par des décrets qui lui donnent les coudées franches.
Vaxi-taxe
Le gouvernement Legault en est rendu à imposer une nouvelle « contribution santé » Entendons-nous, c’est une taxe pour punir les non-vaccinés, une vaxi-taxe.
Or le principe de base voudrait que toute nouvelle taxe doive être votée par les élus du peuple. Or dans ce cas-ci, rien n’est moins sûr, l’analyse n’a pas encore été faite, me dit-on.
Agir vite semble la seule chose qui compte.
Dans les faits, ça ne changera rien, la CAQ a la majorité. Et pourtant, un débat important sur une mesure extrême (que j’appuie entièrement) sera évacué avec le moins de remous possible.
La vaxi-taxe passera-t-elle le test des chartes ? Où ira l’argent ? Quels en seront les modalités, les risques, les avantages (au-delà de faire plaisir à la majorité) ?
On laisse le débat dans l’espace public, plutôt qu’auprès des élus, marginalisés.
On ne devrait pas s’en surprendre, le passeport vaccinal a été imposé, puis modulé par décret également.
Or si en France, chacune de ces mesures liberticides est soumise à un vote, pourquoi le Québec doit-il en faire l’économie ?
D’ailleurs, toutes les fois que le gouvernement Legault s’est donné la peine de collaborer avec l’opposition, ses projets de loi ont été bonifiés, puis ont fini par faire consensus. Pourquoi soustraire la pandémie et son lot de mesures extrêmes ferait-il exception ?
La pandémie a le dos large
On invoquera l’urgence sanitaire. Mais peut-être faudrait-il réfléchir aux impacts sur la cohésion sociale.
La politique est trop rarement une œuvre de compromis. Mais elle ne doit pas devenir un outil de polarisation extrême. Une pandémie encore moins.
D’ailleurs, il s’agit de voir la baisse importante de l’appui aux mesures sanitaires, pour comprendre qu’avoir raison à tout prix n’a pas si bien servi le gouvernement dans les derniers mois.