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L'article provient de Bureau d'enquête

Elle nie être une agente chinoise: une militante pro-Pékin veut être députée à Montréal

Tina Jiuru Zhu est candidate au scrutin du 16 septembre dans LaSalle–Émard–Verdun

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Photo portrait de Sarah-Maude Lefebvre

Sarah-Maude Lefebvre

2024-09-10T04:00:00Z
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Au moment où l’ingérence chinoise dans la démocratie canadienne préoccupe plus que jamais, une militante pro-Chine accusée de «colporter» la propagande de Pékin fait partie de la longue liste des candidats à l’élection partielle dans moins d’une semaine à Montréal.

• À lire aussi: Ingérence chinoise: la GRC lance un appel à tous

Tina Jiuru Zhu est candidate au scrutin du 16 septembre dans LaSalle–Émard–Verdun. Celle qui promet, entre autres choses, de renforcer les liens entre le Canada et la Chine dans sa plateforme électorale, fait réagir depuis quelques années en raison de ses prises de position pro-Pékin.

En 2022, le sénateur Leo Housakos avait même parlé d’elle lors d’un plaidoyer en faveur de la création d’un registre canadien des agents étrangers pour lutter contre l’ingérence.

«Mme Zhu s’est dite représentante de l’Association de promotion de l’amitié Canada-Chine, une organisation dont personne ne connaît les rouages exacts. Mme Zhu dit qu’elle ne travaille pas pour le gouvernement chinois et que c’est un hasard si elle défend les agents chinois au Canada et colporte les mêmes messages que Pékin», avait affirmé le sénateur Housakos.

Tina Jiuru Zhu, candidate à l’élection partielle de LaSalle-Émard-Verdun, lors d’une manifestation à Montréal
Tina Jiuru Zhu, candidate à l’élection partielle de LaSalle-Émard-Verdun, lors d’une manifestation à Montréal Photo fournie par CANADUP

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Prises de position controversées

Au cours des dernières années, Mme Zhu s’est souvent portée à la défense des intérêts de Beijing.

L’agente immobilière a notamment milité pour la libération de Meng Wanzhou, la directrice financière du géant chinois Huawei, libérée en 2021, et s’est aussi présentée au palais de justice pour soutenir Yuesheng Wang, un ex-chercheur d’Hydro-Québec actuellement accusé d’espionnage économique au profit de la Chine.

Mme Zhu a également organisé des activités en soutien aux deux présumés «postes de police» chinois à Montréal et Brossard, qui font actuellement l’objet d’une enquête de la Gendarmerie royale du Canada. Elle a d’ailleurs reçu l’appui de la directrice des deux centres, Xixi Li, pour sa campagne électorale.

Tina Zhu a aussi beaucoup milité pour une pétition demandant au gouvernement de reconsidérer son projet de création d'un registre d'agents étrangers, une mesure pour lutter contre l'ingérence étrangère pourtant soutenue par tous les partis à la Chambre des communes.

Elle nie

Mme Zhu n’a pas voulu nous accorder d’entrevue, affirmant être trop prise par sa campagne électorale dans LaSalle–Émard–Verdun.

Tina Jiuru Zhu (en robe rouge à droite) et son équipe de campagne pour l’élection dans LaSalle–Émard–Verdun
Tina Jiuru Zhu (en robe rouge à droite) et son équipe de campagne pour l’élection dans LaSalle–Émard–Verdun Photo fournie par CANADUP

Impossible donc d’en savoir plus sur l’organisation qu’elle préside, l’Association de promotion de l’amitié Canada-Chine, dont le site web milite en faveur de la réunification forcée de Taiwan, souhaitée par le gouvernement chinois et décriée sur la scène internationale.

Ni sur la présence sur son conseil d’administration de Shao Liping, qui s’est déjà décrit comme conseiller à l’étranger de la All-China Federation of Returned Overseas Chinese, une agence officielle reliée au Front uni du Parti communiste chinois.

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Dans une lettre envoyée en juillet à la Commission sur l’ingérence étrangère, qui siège à Ottawa depuis quelques mois, Tina Jiuru Zhu s’est défendue d’être une agente au service de Pékin et a rejeté les accusations du sénateur Housakos à son endroit.

«Lorsque j’ai cherché la vérité au nom de l’amitié entre le Canada et la Chine, j’ai été injustement qualifiée d’agente chinoise. Lorsque j’ai défendu les droits des Canadiens d’origine chinoise contre la discrimination, on m’a accusée d’avoir des liens avec le consulat chinois», a-t-elle dénoncé.

Les probabilités que ce soit Tina Jiuru Zhu qui remporte le siège de ce château fort libéral, parmi plus de 90 autres candidats, sont peu élevées. Un coup de sonde réalisé par la firme Mainstreet Research à la mi-juillet laissait prévoir une course à trois entre le Parti libéral du Canada, le Nouveau Parti démocratique et le Bloc québécois.

Elle doit s’expliquer

Tina Jiuru Zhu doit s’expliquer sur certaines prises de position si elle veut effectuer du service public, croit l’ex-ambassadeur du Canada en Chine Guy Saint-Jacques.

Photo fournie par CANADUP
Photo fournie par CANADUP

«Elle endosse des positions qui sont difficiles à soutenir [...] Il faut lui poser des questions [sur ses liens avec la Chine]», dit ce dernier.

«Nier que le gouvernement chinois puisse exercer de l’ingérence ou chercher à influencer, ça montre de la naïveté ou de la complicité. On se demande où elle prend ses informations», ajoute M. Saint-Jacques.

«Il est important d’avoir un registre des agents étrangers au Canada le plus rapidement possible. Si quelqu’un travaille pour un gouvernement étranger, ce sera su. Il devra s’inscrire. Et s’il n’est pas inscrit et que des preuves solides de sa collaboration sont trouvées, il sera arrêté. C’est quelque chose qu’on commence d’ailleurs à voir de plus en plus aux États-Unis [où un registre du genre existe]», souligne aussi Margaret McCuaig-Johnston, du China Strategic Risks Institute.

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La Chine a mené des activités d’ingérence étrangère lors des deux dernières élections fédérales selon les services secrets canadiens, une conclusion à laquelle s’est aussi rendue la Commission sur l’ingérence étrangère dans un rapport rendu public en mai dernier.

Beijing a notamment soutenu «financièrement des candidats» qui lui étaient «favorables». La Chine, a aussi écrit la commissaire Marie-Josée Hogue dans son rapport, est «la menace la plus active et la plus sophistiquée d’ingérence étrangère pour le Canada» actuellement et les ressources qu’elle consacre à ces activités «dépassent celles des autres pays».

Avec la collaboration d’Yves Levesque

La candidate réagit

Nous avons sollicité Mme Tina Jiuru Zhu à plusieurs reprises pour une entrevue. Trois jours après la publication de cet article, elle nous a fait parvenir une déclaration écrite dans laquelle elle affirme qu'aucun candidat ne devrait devenir un «bouc émissaire».

Elle a indiqué avoir milité pour la libération de la directrice financière du géant chinois Huawei, Wanzhou Meng, arrêtée à Vancouver en 2018, pour faire sortir la «vérité».

«En tant que Canadien d'origine chinoise, qui n'espérerait pas de bonnes relations entre les deux pays?», nous a-t-elle écrit.

Mme Zhu a également attaqué le travail de la Gendarmerie Royale du Canada qui, dit-elle, n’a fourni «aucune preuve» à ce jour de la culpabilité de l’ex-chercheur d’Hydro-Québec actuellement accusé d’espionnage économique au profit de la Chine, Yuesheng Wang, ou encore en lien avec les présumés «postes de police» chinois, qu’elle défend vigoureusement.

Quant au registre sur les agents étrangers, la candidate au poste de députée a indiqué que la création d’un tel outil présente de «nombreux problèmes potentiels, avec une marge de manipulation importante. Une telle manipulation pourrait avoir un impact négatif sur l’harmonie multiculturelle et la liberté de croyance du Canada».

Qui est Tina Jiuru Zhu?

  • Née en Chine
  • A immigré au Canada en 1988
  • Titulaire d’une maîtrise en informatique appliquée
  • Agente immobilière et propriétaire d’un magasin de décorations
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