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L'article provient de Bureau d'enquête

Elle a plus de 150 annonces de résidences principales sur Airbnb

Une mystérieuse hôtesse nommée Lucy affiche un grand nombre de chambres et appartements faussement déclarées comme résidences principales

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Anouk Lebel et Dominique Cambron-Goulet

2024-06-28T15:30:00Z
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Une seule hôtesse a publié plus de 150 annonces sur Airbnb grâce à des permis approuvés par Québec pour louer de fausses résidences principales à des touristes.

Celle qui se fait appeler Lucy sur la plateforme de location touristique arrive au 2e rang des hôtes qui affichent le plus d’annonces à Montréal, selon le site internet Inside Airbnb.

Début juin, elle affichait 158 annonces. De ce nombre, 156 ont un numéro de la Corporation de l’industrie touristique du Québec (CITQ) enregistré comme une résidence principale. Cela permet de contourner la règlementation municipale qui interdit la location touristique à court terme dans certains secteurs de Montréal.

Un même numéro de permis est utilisé pour publier jusqu’à douze annonces différentes, ce qui est illégal en vertu de la Loi sur l’hébergement touristique du Québec.

Écoutez les explications du journaliste Dominique Cambron-Goulet via QUB :

Codes à numéros

Le Journal s’est rendu à plus d’une vingtaine d’adresses associées à plus de 150 annonces.

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Plusieurs logements sont divisés en plusieurs chambres privées à louer sur Airbnb. C’est contraire à la loi, qui prévoit que l’exploitant ne loue sa résidence principale qu’à «une personne ou à un seul groupe de personnes liées à la fois», a confirmé le ministère du Tourisme au Journal.

Début juin, Lucy louait douze chambres sur Airbnb dans cette « résidence principale » du sud-ouest de Montréal qui ressemble en tous points à une auberge de jeunesse et qui appartient à une agente immobilière de Westmount.
Début juin, Lucy louait douze chambres sur Airbnb dans cette « résidence principale » du sud-ouest de Montréal qui ressemble en tous points à une auberge de jeunesse et qui appartient à une agente immobilière de Westmount. Photo Anouk Lebel, JDM / Capture d'écran tirée d'Airbnb

Les logements n’ont rien d’une résidence principale au sens de la loi, c'est-à-dire «la résidence où une personne physique demeure de façon habituelle en y centralisant ses activités familiales et sociales».

Nous nous sommes butés à des codes à numéros aux portes. Nous y avons croisé des touristes, sinon des voisins qui nous ont confirmé que les logements sont utilisés comme des résidences de tourisme.

«Il y a des allées et venues, du monde différent chaque jour. Tout l’immeuble, c’est des Airbnb. Il n’y a pas un seul appartement à quelqu’un», fustige Rames Reyes, dont le salon de coiffure est voisin d’un immeuble lié à douze annonces et un seul numéro de permis, dans le sud-ouest de Montréal.

Pour lui, chaque Airbnb est un toit en moins qui contribue à la crise du logement à Montréal.

Les prétendus résidents absents

Jamais nous n’avons croisé ceux qui ont demandé un permis à la CITQ pour louer leur «résidence principale».

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Nous en avons toutefois trouvé certains dans leurs vraies demeures cossues à Repentigny, à Baie-D’Urfé ou à Westmount (voir plus bas).

Au fil de nos questions, certaines des annonces de Lucy ont disparu du site Airbnb.

Nous ne savons toujours pas qui est derrière le profil de Lucy, qui n’a jamais répondu à nos appels et communications sur la plateforme Airbnb.

Leur vraie résidence principale est à Repentigny

Un couple qui habite à Repentigny a déclaré deux résidences principales à Montréal pour louer des Airbnb.

Une douzaine d’annonces de Lucy sont liées à ces deux adresses à Montréal.

Le Journal a loué une chambre privée dans un appartement qu’un certain Yang Song a déclaré comme sa résidence principale à la CITQ.

Sept chambres sont à louer sur Airbnb dans ce duplex du sud-ouest de Montréal où Yang Song a déclaré sa résidence principale. Comme dans de nombreux plex que nous avons visité, l’une des adresses a été arrachée de manière à ce qu’il ne reste que celle de la « résidence principale » déclarée à Québec.
Sept chambres sont à louer sur Airbnb dans ce duplex du sud-ouest de Montréal où Yang Song a déclaré sa résidence principale. Comme dans de nombreux plex que nous avons visité, l’une des adresses a été arrachée de manière à ce qu’il ne reste que celle de la « résidence principale » déclarée à Québec. Photo Anouk Lebel, JDM / Capture d'écran tirée d'Airbnb

L’endroit n’a rien d’une résidence principale. Il faut entrer dans l’appartement avec un code à numéros. À l’intérieur, le 5 1/2 est divisé en une cuisine et quatre chambres privées, toutes avec des poignées à codes pour y pénétrer.

Pas de trace de M. Song, qui habite en fait dans une résidence unifamiliale à Repentigny avec sa femme et leurs enfants, a pu confirmer Le Journal.

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Yang Song et sa femme habitent dans cette maison unifamiliale de Repentigny.
Yang Song et sa femme habitent dans cette maison unifamiliale de Repentigny. MARTIN ALARIE / JOURNAL DE MONTREAL

Sa femme, Yang Wang, a elle aussi déclaré une «résidence principale» dans un duplex de Côte-des-Neiges, où deux appartements et deux chambres sont loués sur Airbnb.

M. Song exploite une compagnie de ménage, Services Panda. Sa femme et lui n'ont pas répondu à nos questions lorsque nous nous sommes présentés à leur domicile à Repentigny. Joint au téléphone, M. Song s'est contenté de répondre: «Je ne sais pas, non», avant de raccrocher.

Propriétaire d’une maison à 3M$

Une propriétaire louant un logement sur Airbnb via Lucy jure que sa résidence principale est un 4 1⁄2 au Village, alors qu’elle possède une maison valant 3 M$ dans l’ouest de l’île.

Xiaoyang Zhang a enregistré un appartement rue Wolfe, près de la rue Sainte-Catherine, à Montréal, comme sa résidence principale en janvier dernier.

Selon le voisin qui vit juste au-dessous depuis plus de 18 mois, la propriétaire n’a jamais demeuré à cet endroit, qui est loué les fins de semaine sur Airbnb depuis le début de l’année.

En plus de cet immeuble, Mme Zhang possède un immeuble d'appartements à Longueuil, ainsi qu’une chic résidence construite en 2019 à Baie-d’Urfé, évaluée à près de 3M$. C’est à cette maison que nous l’avons croisée, un jeudi matin.

Xiaoyang Zhang a déclaré un appartement situé dans le Village comme «résidence principale», mais nous l’avons plutôt croisée dans une maison unifamiliale dont elle est propriétaire à Baie-d’Urfé.
Xiaoyang Zhang a déclaré un appartement situé dans le Village comme «résidence principale», mais nous l’avons plutôt croisée dans une maison unifamiliale dont elle est propriétaire à Baie-d’Urfé. Photo Dominique Cambron-Goulet, Journal de Montréal

«Ici [à Baie-d’Urfé], je vais louer à un locataire. J’ai acheté comme un investissement, a assuré Xiaoyang Zhang. Wolfe c’est ma résidence principale. Je pars [bientôt] en Chine et quand je reviens je vais habiter là.»

Questionnée à savoir où elle résidait à l’heure actuelle, Mme Zhang a affirmé qu’elle était régulièrement en Chine et qu’elle habitait parfois chez son petit ami à Candiac.

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