«J'ai choisi des chansons qui me font pleurer» : Elisapie sort un émouvant album de reprises de classiques rock et pop en inuktitut


Sarah-Émilie Nault
L'auteure-compositrice-interprète Elisapie Isaac a une relation particulière avec plusieurs classiques de la musique rock et pop des années 60 à 90. Voilà pourquoi la chanteuse née à Salluit, au Nunavik, a eu l’idée de remanier et de traduire dans sa langue maternelle dix pièces qui l’émeuvent – le tout pour créer un quatrième album solo baptisé Inuktitut. Le Journal a discuté avec l’artiste et activiste inuk.
Elisapie, comment as-tu eu l’idée de reprendre des classiques comme Time After Time de Cyndi Lauper, Wild Horses des Rolling Stones et Unforgiven de Metallica et de les interpréter en inuktitut?
«Pendant la pandémie, en faisant du jogging, j’ai un moment d’émotion en écoutant du ABBA. Cela a ouvert la valve des larmes et des émotions ressenties en écoutant de la vieille musique. J’ai choisi des chansons qui me font pleurer et qui vont dans le flow de ma langue, et cela est devenu une sorte d’exploration archéologique émotionnelle. Elles évoquent des moments de mon enfance, comme de petits films polaroïd. C’est un album de guérison et une quête émotionnelle très personnelle.»
Cet album est un cadeau à ta communauté et aux anciens qui souvent ne parlent pas anglais. Comment cela a-t-il été reçu par tes amis et ta famille?
«Beaucoup de gens sont très touchés, surtout qu’il y a un vidéo avec chaque chanson. J’étais dans un festival dans le nord en août dernier et c’était incroyable de voir des jeunes, des adultes et des enfants s’approcher pour chanter avec moi Heart of Glass. Tu sentais l’émotion. C’était important pour moi d’aller les voir en premier. Cela résonne vraiment et c’était assez magique.»
Chacune des dix chansons représente un moment important de ta vie. C’est donc un album de souvenirs?
«C’est sûr, ce sont vraiment des souvenirs très clairs. C’est ce que je devais faire, que cela soit le plus proche possible de moi, comme si elles étaient mes chansons. Au FME la semaine dernière, c’était magnifique. Les gens chantaient en inuktitut! C’est mon album le plus personnel, étonnamment.»

Tu as eu des échos de certains artistes qui auraient entendu tes reprises?
«La chanteuse Debbie Harry [Heart of Glass] m’a écrit un courriel très touchant disant qu’elle avait adoré la vidéo et ma version de sa chanson et Blondie a partagé la vidéo. Il y a aussi le batteur Lars Ulrich de Metallica ainsi que le groupe qui ont partagé le clip d'Isumagijunnaitaungituq (The Unforgiven) sur ses réseaux sociaux. Cela, c’était gros pour moi!»
Pourquoi crois-tu avoir suscité l’intérêt des magazines Rolling Stone France et Vogue avec cet album livré dans une langue étrangère?
«Il y a quelque chose dans l’ADN de ces chansons peut-être? Bien sûr, on a du monde qui travaille fort et on a lancé plusieurs perches. Je crois que le côté très personnel du projet et les vidéoclips ont été très payants pour nous. Le magazine Rolling Stone voulait être le premier à diffuser le clip de Metallica, Unforgiven, car ils trouvaient cela unique.»
Parle-moi de ta tournée d’une cinquantaine de dates cet automne au Québec et en Europe. À quoi peut-on s’attendre de ce spectacle?
«Les spectacles à l’Usine C et au Grand Théâtre de Québec seront bien spéciaux. Il y aura des images filmées dans le Nord pour amener les gens dans un vrai voyage dans l’album et dans mes souvenirs afin de vraiment sentir une proximité avec moi et le band. J’ai toujours voulu faire cela et c’était le projet parfait pour nous amener vers les gens. Je ferai ces classiques, mais aussi d’autres chansons des derniers albums bien sûr.»
– Elisapie sera en spectacle partout au Québec cet automne. Elle sera notamment à l’Usine C les 7, 8 et 9 décembre et au Grand Théâtre de Québec les 20 et 21 décembre. Billets et autres dates: https://www.elisapie.com/ .