Journée mondiale contre l’obésité: éliminer les préjugés pour améliorer la santé de notre société

Dre Julie St-Pierre, Dr Yves Robitaille, Dr Yves Bolduc, Dr Jean Grégoire
Dans cette société post-pandémie, où nous prônons plus que jamais la diversité et l’inclusion, plusieurs d’entre nous ignorent encore que l’obésité est une maladie chronique dont la complexité n’est plus à prouver.
Bien que cette maladie touche 2 milliards d’adultes et près de 500 millions de jeunes dans le monde, et que cette dernière atteint toutes les classes de la société, nous devons savoir qu’elle touche préférentiellement les plus démunis, à tous les âges.
nous intéresse.
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Sa prévention et son traitement ne se réduisent plus à faire davantage de sport, à manger « santé », à la motivation des individus à « se prendre en main » ou à soumettre son corps à des régimes ou à des diètes populaires nuisant davantage à leur santé et à leur bien-être.
Bien au contraire, les mythes et les préjugés que nous entretenons ne soignent pas la maladie, ils n’apportent que souffrance et malveillance envers des milliers de Québécois qui méritent tous et toutes des soins de santé justes et de qualité. Malheureusement, en soutenant ces préjugés, des milliards de dollars sont dépensés chaque
année, ici même au Québec, pour traiter les complications qui découlent de cette maladie (ex. : diabète, hypertension, maladies cardiovasculaires, maladie du foie gras, apnée du sommeil, certains cancers, complications orthopédiques et psychologiques, etc.) et ne font que s’accroître.
L’obésité a insidieusement infiltré notre société et a grandement fragilisé, dans le temps, la santé de notre population et notre système de santé qui, face à la pandémie de COVID-19, ne fut pas épargné. Rappelons qu’après l’âge avancé, l’obésité fut la maladie, tant chez les jeunes que chez les moins jeunes, ayant fait plus de victimes de la COVID-19 dans le monde. À elle seule, l’obésité faisait déjà, annuellement en 2018, à l’échelle mondiale, près de 5 millions de victimes prématurées1.
1 GBD 2017 risk Factor Collaborators. Lancet 2018, vol 392 (10 159), p1923-1994.
Une maladie chronique
En 1997, il y a de ça déjà 25 ans, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a classé l’obésité comme une maladie chronique. Depuis cette importante décision, de très nombreuses avancées cliniques et technologiques ont permis à plusieurs personnes souffrant d’obésité d’obtenir du soutien et des soins de qualité. Malgré ces avancées, il reste encore beaucoup à faire. Tous les jours, nous constatons les impacts néfastes de cette maladie sur la santé de nos patients. Les multiples facteurs de risque
associés à une augmentation de l’adiposité sont importants et leur prise en charge devrait être priorisée afin d’aider les patients souffrant d’obésité à réduire les impacts sur leur santé physique, de même que sur leur santé mentale et sociale.
Si, encore aujourd’hui, certains remettent en question le terme « maladie », la réalité clinique, elle, dans l’intimité de nos cabinets, est tout autre. La confusion entourant la diversité corporelle, qui existe bel et bien, et la maladie de l’obésité n’entretiennent pas une relation directe. La maladie nuit bien souvent à plusieurs autres aspects de la santé globale teintés de préjugés périmés.
La science nous a prouvé qu’une multitude d’éléments pouvait contribuer à la progression de l’obésité dans nos sociétés. Des facteurs tels que l’environnement, les transports, l’organisation du travail, le sommeil, le stress, la culture, les revenus, l’éducation et plusieurs situations de vulnérabilité, la barrière de la langue, l’immigration et plusieurs autres contribuent à l’obésité. À ces facteurs sociaux se greffent aussi des éléments génétiques, hormonaux, microbiens et certains traitements en lien avec d’autres maladies essentielles, mais, malheureusement, bien souvent non modifiables.
Les plus récentes lignes directrices canadiennes pour le traitement de l’obésité chez les adultes font état de plusieurs avancées scientifiques et proposent de nouvelles
approches préventives, médicales, pharmacologiques et chirurgicales pour mieux accompagner les patients.
Éduquer
L’éducation demeure la pierre angulaire de nos approches modernes multidisciplinaires afin de conscientiser nos patients vivant en situation d’obésité aux options de santé qui s’offrent à eux.
L’approche thérapeutique disponible se présente dorénavant sous forme d’un continuum de soins comportant d’abord des soins de santé préventifs et impliquant plusieurs professionnels de la santé, dont des nutritionnistes, des kinésiologues, des psychologues, des infirmières, des pharmaciens et des médecins de famille, de même que des médecins spécialistes.
Certains médicaments, de même que la chirurgie bariatrique, peuvent également être considérés et faire partie de nos options de thérapie. Nous sommes d’avis que ce n’est que par l’éducation de notre société, par l’intégration de ces éléments et par la compréhension du rôle de chacun, tant au niveau politique, individuel, commercial et économique, que se fera une prévention et une prise en charge efficaces de cette maladie.
Le 27 janvier dernier, lors du dernier conseil international de l’OMS à Genève, des recommandations et des cibles potentielles relatives à la prévention et à la prise en charge de l’obésité tout au long de la vie ont été entérinées. Elles touchent toutes les sphères de notre société. N’est-ce pas
là une belle occasion d’offrir désormais une continuité de soins de proximité de qualité, exempte de préjugés ? La reconnaissance officielle de la maladie au Québec nous apparaît plus que jamais essentielle afin de mettre en place des approches de soins inclusives et adaptées à cette dernière. Nous devons dès à présent offrir à notre société des solutions complètes, basées sur les évidences scientifiques et adaptées à la maladie.
C’est pour cette raison que nous vous interpellons aujourd’hui, patients, familles, individus et décideurs, en ce 4 mars 2022, Journée mondiale contre l’obésité, à nous mobiliser, ensemble, afin de reconnaître enfin cette maladie, d’éliminer ses préjugés et d’agir, ensemble, pour améliorer la santé globale de notre société.
Groupe de travail québécois sur l’obésité
Dre Julie St-Pierre, MD, PhD, FAHA, FRCPC
Pédiatre et lipidologue, CIUSSS Centre-Sud-de-l’île-de-Montréal, Clinique 180 de Montréal, Comité scientifique pédiatrique d’Obésité Canada
Professeure associée de pédiatrie, Faculté de Médecine de l’Université McGill
Dr Yves Robitaille, M.D.
Spécialiste en médecine interne au Centre de Médecine Métabolique de Lanaudière
Dr Yves Bolduc, M.D.
Ancien ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec
Médecin à La Cité Médicale
Dr Jean Grégoire, M.D.
Cardiologue à l’Institut de cardiologie de Montréal
Professeur agrégé à l’Université de Montréal