Hydro-Québec veut forcer les propriétaires à rénover leurs logements mal isolés
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Nicolas Lachance
2024-03-18T04:00:00Z
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Le Québec doit forcer la rénovation des immeubles à logement mal isolés en imposant des sanctions aux propriétaires réfractaires, estime Hydro-Québec. En France, ceux qui ont des bâtiments mal cotés se verront même interdire de louer les appartements.
Depuis janvier, le ministre de l’Environnement, Benoît Charette, étudie le projet de loi 41, qui s’attaque aux passoires thermiques de certaines catégories, soit les immeubles des secteurs commercial et industriel, ainsi que certains très grands bâtiments qui sont mal isolés et perdent énormément d’énergie.
Écoutez l'entrevue avec Pierre-Olivier Pineau, professeur et expert en énergie au HEC Montréal au micro d’Alexandre Dubé via QUB :
D’ici 2030, ces bâtisses seront cotées selon leur efficacité et les propriétaires devront effectuer des travaux de mise à niveau en profitant de généreux programmes gouvernementaux.
Le ministre Charette estime qu’il pourra ainsi économiser autant d’énergie que celle produite par le barrage de la Romaine.
Benoît Charette, candidat pour la Coalition Avenir Québec lors du débat national sur l’économie verte organisé par Réseau Environnement, le CETEQ et l’AQPER. Montréal, 19 septembre 2022. PIERRE-PAUL POULIN/LE JOURNAL DE MONTRÉAL/AGENCE QMIPhoto d'archives, Pierre-Paul Poulin
«L’énergie que l’on n’utilise pas, c’est la moins dispendieuse par la force des choses», a-t-il expliqué en entrevue. Mais Hydro-Québec souhaiterait qu’il aille plus loin encore.
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Locations interdites
En France, le système de cotation existe depuis très longtemps et vise tous les bâtiments, incluant tout le secteur résidentiel. Le gouvernement de Gabriel Attal va serrer la vis davantage.
Depuis le début de l’année, les propriétaires dont les immeubles locatifs sont cotés «G», soit les moins bien notés et les moins bien isolés, doivent effectuer des rénovations pour améliorer leur bilan, sans quoi ils ne peuvent pas louer les appartements.
Dès 2025, les bâtiments cotés «E-F et G» seront visés par la même règle. Ce sont ainsi plus de 5 millions de logements qui devront être rénovés. Le gouvernement français offre du soutien financier pour effectuer les rénovations.
Pression d’Hydro
Hydro-Québec souhaiterait que la loi de Benoit Charette inclue tous les bâtiments, dont les résidences.
« On a déjà les données de consommation électrique. C’est facile. Pour nous, il faut coter tous les bâtiments et que ça se traduise par des incitatifs »
- Dave Rhéaume, vice-président pour la planification énergétique d'Hydro-Québec
Photo JOEL LEMAY, Agence QMI
«On n’est pas obligé, selon nous, surtout dans un contexte de crise de logement, de dire: “un jour tu ne pourras plus louer ton appart”. Mais tu peux peut-être dire: “tu ne peux plus augmenter le loyer” [...] Les meilleurs consommateurs doivent avoir des avantages que les moins bons n’auront pas.»
Joël Lemay / Agence QMI
«Une erreur»
Malgré la pression d’Hydro, le ministre de l’Environnement estime de son côté que la France commet une erreur en interdisant la location des loyers, même si elle est pionnière en la matière.
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«On veut éviter les erreurs de l’expérience française [...] qui ajuste ses ambitions à la baisse», plaide-t-il.
M. Charette affirme que la France a dû revoir ses diagnostics de performance énergétique.
Avec son projet de loi, Québec s’est aussi donné les moyens de forcer la rénovation des bâtiments énergivores. Toutefois, il compte prendre son temps. «Il faut y aller par étape. C’est un défi qui est colossal.»
Le ministre espère que la loi sera adoptée d’ici la fin du mois de mars.
Les locataires précaires paient le prix
PARIS | Plus de 5 millions de logements sont des passoires thermiques en France et devront être rénovés. D’ici là, comme au Québec, les familles à faible revenu doivent éponger la facture.
En France, les propriétaires se servent de l’argument de la pénurie de logements dans l’espoir de convaincre le gouvernement de faire marche arrière. On leur interdira de louer les appartements s’ils ne sont pas rénovés.
Dans ce dossier, l’organisme français CLER – Réseau pour la transition énergétique – estime que l’argument concernant la pénurie de logements est dénoué de sens en raison de la piètre qualité de vie des locataires.
«Les personnes qui vivent dedans ne sont pas confortables. Il y a beaucoup d’infiltration d’air, ils ne sont pas bien isolés. C’est comme si on chauffait l’extérieur», a mentionné Isabelle Gasquest, la responsable de projets efficacité énergétique pour le CLER.
«On dit “passoire”, parce qu’il y a des fuites thermiques.»
L’organisation rappelle que 12 millions de Français sont en situation de précarité énergétique, qu’une personne sur deux habite dans une passoire thermique.
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Ce sont eux qui se retrouvent avec les factures d’électricité les plus élevées et qui vivent de l’inconfort, dit-elle.
Un levier important
«Leur rénovation performante est le levier le plus puissant pour faire reculer ce phénomène», dit-elle. Ces statistiques existent, car tous les logements sont inspectés et notés en France depuis déjà plus d’une décennie.
«L’objectif, c’est de ne plus avoir de logements indigents», ajoute Alice Louis de la Maison Régionale de l’Environnement et des Solidarités à Lille.
Alice Louis de la Maison Régionale de l'Environnement et des Solidarités à LilleNicolas Lachance
Au Québec, lorsque la loi sera adoptée, que des inspections seront réalisées et que les logements seront cotés, le gouvernement n’aura qu’un portrait partiel de la situation puisque le ministre de l’Environnement, Benoît Charette, refuse, pour l’instant, de s’attaquer au secteur résidentiel.
Équité
De son côté, Hydro-Québec s’est dite consciente de l’iniquité énergétique. «C’est particulièrement problématique pour les locataires versus les propriétaires», signale le vice-président, Dave Rhéaume, admettant que les locataires les plus démunis écopent.
«Des propriétaires se disent: “Pourquoi j’investirais pour améliorer la performance, ce n’est pas moi qui paie la facture?”»
Il estime que la France a bien fait les choses pour pointer les propriétaires récalcitrants.
Pour sa part, le ministre de l’Environnement du Québec affirme que des mesures incitatives et des subventions sont disponibles pour encourager les propriétaires et locataires à améliorer l’efficacité énergétique de leurs bâtiments.
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