Économie américaine: comme un accident de char au ralenti

Francis Gosselin
Vous rappelez-vous le film français La haine, sorti en 1995?
«C’est l’histoire d’un homme qui tombe d’un immeuble de 50 étages. Le mec, au fur et à mesure de sa chute, il se répète sans cesse pour se rassurer: “Jusqu’ici tout va bien... Jusqu’ici tout va bien... Jusqu’ici tout va bien.” Mais l’important, c’est pas la chute. C’est l’atterrissage.»
En matière économique, c’est un peu la même chose.
Jusqu’ici, tout va bien.
Une illusion de constance
Depuis le début de l’année, l’administration Trump n’a de cesse de menacer la planète entière de tarifs prohibitifs.
On a fait grand cas du «Jour de la Libération». Puis... rien, ou presque. On dirait qu’on a eu peur pour rien.
À un point tel que plusieurs commencent à se dire que peut-être Trump a raison. Que l’économie mondiale est plus résiliente que nous l’aurions pensé.
L’économiste François Delorme, sur LinkedIn, en est même venu jusqu’à remettre en cause les fondements de la science économique entière.
Jusqu’ici tout va bien, en effet.
Beaucoup de bruit pour rien
Jusqu’à la mi-juillet, tout cela n’était que du bruit. Entre changements de cap («Trump always chickens out» ou TACO, Trump se dégonfle toujours) et fausses ententes, les règles du jeu n’ont pas fondamentalement changé.
Puis, ces derniers jours, les «ententes», imposées unilatéralement, ont commencé à tomber, et avec elles, une certitude: le prix des intrants – l’aluminium, l’acier, le cuivre –, puis les prix à la consommation, vont augmenter pour les Américains.
Dans le «meilleur» des cas, ce sont les entreprises qui subiront les contrecoups, ce qui se traduira par une profitabilité largement amputée.
Quoi qu’il advienne, que la consommation chute ou que les profits fondent, l’économie réelle, elle, ne pourra échapper éternellement à ces changements. Le marché boursier devra, tôt ou tard, refléter cette nouvelle réalité. Le marché de l’emploi et l’inflation aussi.
Les tarifs, qui entrent finalement en effet ces jours-ci, prendront quelques mois à faire leurs dommages pernicieux.
En matière économique, il y a toujours un important délai entre les décisions et les conséquences économiques mesurables.
Mais ces impacts sont inévitables.
Jusqu’ici, tout va bien?
Les chiffres ne mentent pas
Depuis mai dernier, les États-Unis de Donald Trump ont choisi de changer la façon dont ils calculent l’inflation. Ils utilisent, en moyenne, 40% plus «d’approximations» que de données réelles.
Dans la lutte conservatrice contre la science, on a, pour ainsi dire, cessé de mesurer précisément l’inflation.
Les banques centrales ne sont pas dupes. Elles ont leurs propres sources de données. C’est pourquoi, coup sur coup, la Banque du Canada et la Fed ont choisi de ne pas modifier leur taux.
Elles anticipent que, d’ici quelques mois, les mauvaises décisions ne pourront plus disparaître de l’actualité miraculeusement. Les prix augmenteront et exigeront non plus une baisse, mais peut-être une hausse du taux directeur.
• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Francis Gosselin, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
La magouille ne fait pas des économies fortes
Pendant ce temps, tout autour de Trump, la magouille s’installe: des combines frauduleuses impliquant les cryptomonnaies, d’innombrables délits d’initiés, l’avancement d’intérêts personnels au détriment de la raison d’État – autant d’infractions qui restent sans conséquence en raison de la mainmise totale du président sur la justice, la SEC (autorité des marchés financiers) et la procureure générale.
Petit à petit, une réorganisation de l’économie se précise. Les États-Unis empruntent aux républiques de bananes des pratiques d’une autre époque.
Les marchés boursiers persistent à atteindre de nouveaux sommets. Mais la richesse est concentrée entre peu de mains.
Sous ce calme apparent, une tempête majeure, mondiale, se prépare.
La présidence de Trump passera sans doute à l’histoire. Pour toutes les mauvaises raisons.
Car le plus dur, ce n’est pas la chute...