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L'article provient de TVA Nouvelles
Société

Écologistes et agriculteurs se disputent les îles de Boucherville

Les terres agricoles devaient être cédées au parc national après la retraite des cultivateurs mais ça ne s’est pas passé comme prévu

Photo Martin Chevalier
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Photo portrait de Mathieu-Robert Sauvé

Mathieu-Robert Sauvé

2025-08-04T04:00:00Z
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Le parc national des Îles-de-Boucherville, un joyau naturel à 20 minutes du centre-ville de Montréal, est au cœur d’un litige entre une famille d’agriculteurs et les écologistes impatients d’en faire une véritable aire protégée.

Quarante et un ans après son acquisition par le gouvernement du Québec afin d’en faire un parc national, l’archipel des îles de Boucherville est encore occupé en majeure partie par des terres agricoles, ce qui choque de nombreux écologistes.

Photo Mathieu-Robert Sauvé
Photo Mathieu-Robert Sauvé

«Ça n’a pas de bon sens d’avoir une aussi grande surface dédiée à l’agriculture quand on sait que l’objectif était de permettre le retour de la forêt», lance le botaniste Jacques Brisson, professeur de biologie à la retraite.

«L’agriculture à cet endroit, on n’en veut plus», ajoute-t-il à bout de patience.

Photo Mathieu-Robert Sauvé
Photo Mathieu-Robert Sauvé

Au camp des écologistes – qui inclut le directeur de la Société pour la nature et les parcs (SNAP), Alain Branchaud – s’oppose celui des agriculteurs comme Pierre-Paul Van Velzen, dont la famille cultive la terre à cet endroit depuis trois générations.

«Nous pratiquons une agriculture durable, en utilisant le moins de pesticides possibles, et encore pas n’importe lesquels», souligne le jeune homme rencontré dans la ferme familiale, à Boucherville, en juin.

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• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Mario Dumont, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :

L’appui du maire

L’agriculteur a un allié solide en la personne du maire de Boucherville, Jean Martel, qui défend bec et ongles depuis 20 ans les pratiques agricoles sur les îles. «C’est là qu’on fait le maïs deux couleurs, un produit de notre patrimoine dont nous sommes très fiers», affirme-t-il au Journal.

LA GRANDE GOURMANDISE 2019
LA GRANDE GOURMANDISE 2019

Le problème, c’est qu’il n’y a plus un seul épi de maïs cultivé sur l’île de la Commune ou l’île Grosbois. Pierre-Paul Van Velzen l’a confirmé au Journal. L’an dernier, la récolte de soya a été de zéro. «Perte totale. Il y a trop de chevreuils», résume le jeune homme qui a eu recours à l’assurance-récolte.

Quant au «maïs des îles», qui faisait la fierté des marchés publics de la Montérégie, il n’y en a pas eu un seul épi depuis plusieurs années.

Photo courtoisie
Photo courtoisie

Entente renégociée

L’agriculture est pratiquée sur les îles depuis les premiers temps de la colonie, ce qui a laissé des traces. Les images aériennes montrent les immenses champs en friche qui couvrent la majeure partie des terres, sauf une lisière forestière et quelques boisés plus denses où les cyclistes circulent.

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L’entente prévoyait que les agriculteurs continueraient à cultiver la terre jusqu’à leur retraite. Mais ces termes ont changé quand Louis Savaria et son fils Robert ont accroché leur râteau en 2020. Leurs terres de 51 hectares ont été transférées à la ferme Van Velzen et Fils qui a subitement plus que doublé sa superficie.

Photo Mathieu-Robert Sauvé
Photo Mathieu-Robert Sauvé

Aux questions du Journal, le ministère répond que les baux agricoles, qui devaient prendre fin en 2016, ont été reconduits jusqu’en 2033 mais admet que le départ des Savaria a conduit le ministère à mener de nouvelles consultations «concernant l’avenir de ces parcelles agricoles», écrit le relationniste Daniel Labonté.

Une forêt, ça ne repousse pas tout seul. «La régénération naturelle prendrait un siècle, un siècle et demi. Si on veut revoir une forêt, il faut planter des arbres et donc mettre fin à l’agriculture», reprend M. Brisson.

Photo Mathieu-Robert Sauvé
Photo Mathieu-Robert Sauvé

Cet archipel a un potentiel exceptionnel en matière de biodiversité. On y trouve quelque 240 espèces d’oiseaux, 450 espèces végétales (dont certaines en péril) et plusieurs reptiles et amphibiens.

Un golf jusqu’en 2046

La présence d’un golf de 18 trous au beau milieu d’un parc national axé sur la conservation d’espèces naturelles est comme une anomalie au sein d’un milieu naturel comme les îles de Boucherville. Or, le ministère de l’Environnement a signé un bail avec les propriétaires du Golf des Îles jusqu’en 2046.

En plus d’occuper de larges espaces gazonnés soustraits à la forêt, les golfs utilisent de nombreux pesticides et une immense quantité d’eau pour leur entretien.

Certains golfs adoptent des pratiques écoresponsables et réduisent leur usage de produits chimiques, mais «il me semble essentiel de miser sur une intégration écologique» du site dans «le joyau écologique que représente le parc des Îles-de-Boucherville», indique Jonathan Tremblay, co-porte-parole de la Coalition terrains de golf en transition.

Ailleurs dans le monde, fait-il valoir, «des modèles inspirants montrent qu’une transition des golfs vers des usages plus écologiques est non seulement possible, mais souhaitable».

Il n’est pas facile de nos jours de convertir de vastes espaces verts en aires protégées, et les terrains de golf sont des cibles idéales, d’autant plus que la pratique de ce sport est en déclin au Québec.

Le directeur général du Golf des îles de Boucherville, Éric Turcotte, n'a pas donné suite à notre demande d'entrevue.

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