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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

École Bedford: l’histoire d’une déresponsabilisation généralisée

Photo PIERRE-PAUL POULIN
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Photo portrait de Josée Legault

Josée Legault

2024-10-22T04:00:00Z
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Cette sale histoire traîne depuis des années. Dans le quartier Côte-des-Neiges, à l’école primaire publique Bedford, des enfants ont vécu sous un régime de peur, de sexisme, d’intimidation, d’humiliation et de violence.

Ce serait l’œuvre d’un «clan dominant» de 11 enseignants – une expression digne de la Camorra. Un «clan» majoritairement d’origine maghrébine et de confession musulmane.

Le récit hallucinant des rapports qui ont documenté ce long cauchemar est maintenant connu. L’omerta a toutefois tenu pendant des années.

Ce n’est d’ailleurs que samedi soir – par hasard à 24 h d’une entrevue du ministre de l’Éducation Bernard Drainville à Tout le monde en parle – que le Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM) a finalement annoncé la suspension des 11 potentats de Bedford. Mais attention, avec salaire...

Entre-temps, tout le monde pointe tout le monde du doigt. Le ministre blâme le syndicat de l’Alliance des professeures et professeurs de Montréal. Sa présidente répond qu’elle n’a rien à se reprocher.

Malgré son inaction crasse, la directrice générale du CSSDM clame son innocence pendant que le ministre, on ne sait pourquoi, lui réitère sa confiance.

Bref, c’est le récit d’une déresponsabilisation généralisée dans tous les paliers décisionnels. Le troupeau d’éléphants dans la classe, il est là.

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Le spectacle est désolant, mais guère étonnant. Dans nos mégaréseaux publics d’éducation et de santé, plus personne n’est responsable de quoi que ce soit.

Ponce Pilate

Dans les officines du pouvoir politique, bureaucratique ou syndical, on ne manque pas de Ponce Pilate. À Bedford, il est pourtant clair que des décideurs ont failli à protéger ces enfants dès le début.

Ils ont attendu que le couvercle, qu’ils avaient bien installé sur la marmite, finisse par sauter sur la place publique.

Le droit à l’éducation, à la sécurité et à la dignité des élèves de Bedford n’a tout simplement pas été sauvegardé par ceux dont c’était la responsabilité. La énième manifestation d’une culture institutionnelle détraquée.

C’est pourquoi la même inaction aurait probablement régné, que le «clan dominant» ait été musulman radical, catholique fondamentaliste, scientologue ou raëlien.

Il faut dire qu’il manquait aussi un décideur clé: la commission scolaire. Abolies par la CAQ en 2020 – une lubie héritée de l’ADQ –, les commissions scolaires jouaient un rôle clé dans la représentation des intérêts des élèves.

Une histoire sordide

Or, sauf pour la communauté anglophone qui, avec raison, s’est battue pour conserver ses commissions scolaires, du côté francophone, elles ont été remplacées par d’ineptes centres de services scolaires.

Les francophones ont ainsi perdu leurs commissaires élus, qu’ils pouvaient pourtant contacter pour régler des problèmes, petits ou grands, à leur école.

Ce fut une brique de plus dans le mur du déclin de l’école publique francophone au Québec.

Rendre leur démocratie scolaire aux francophones serait déjà un pas dans une meilleure direction, mais du même coup, il faudrait faciliter le congédiement d’enseignants incompétents ou pires encore.

Quant à l’école Bedford, c’est un gâchis. Point. Aucun décideur, de la base au sommet, n’a voulu tuer cette horreur dans l’œuf dès ses premiers signes. Trois autres écoles vivraient d’ailleurs des situations similaires.

Dans cette histoire sordide pour cause d’inertie sidérante, il y a plusieurs excuses publiques, congédiements et démissions qui se perdent.

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