Échapper à la canicule dans un studio de yoga à 37°C: recommandé ou non?


Anne-Sophie Poiré
Il n'a jamais fait si chaud à Montréal un 23 juin, selon Environnement Canada. Plutôt que de suer dans mon 3 1⁄2 au troisième étage, pourquoi ne pas le faire sur un tapis de yoga dans un studio chauffé à 37°C «au nom de la science», me suis-je dit. Était-ce réellement une bonne idée?
Lundi, vers 15h30, le mercure atteignait les 35 degrés Celsius (°C) dans la métropole. Avec le facteur humidex — qui évalue l’effet corporel de la chaleur en fonction de l’humidité dans l’air —, la température grimpait à 46°C.
La santé publique invite à la prudence en cas d’efforts physiques dans cette chaleur extrême. Sur le site du gouvernement du Québec, on conseille même de les réduire.
Quel excellent moment pour un cours de yoga chaud!
Les 750 mètres qui séparent mon appartement du studio de yoga sont pénibles à marcher. Le soleil plombe mon legging qui se termine un peu en haut de la cheville. Un pantalon long de couleur noire en canicule: en voilà une autre bonne idée.
J’arrive au cours trempée. J’ai aussi une envie intarissable d’uriner en raison des trois litres d’eau que j’ai absorbés pendant la journée.
Pas de dangers, mais...
La classe est beaucoup moins vide que ce à quoi je m’attendais.
Il faut dire que la température du studio n’est pas tellement plus élevée qu’à l’extérieur. La salle est chauffée à 37°C — soit la température du corps — avec un taux d’humidité de 40%.
«Faire du sport à 37°C, c’est la limite de la dangerosité», signale le médecin de famille et président de l’Association québécoise des médecins du sport et de l’exercice (AQMSE), Luc De Garie.
«Avec une humidité à 40%, ça donne un index de température de 41°C. Quand la température est aussi élevée, les compétitions sportives sont normalement annulées ou reportées tôt le matin selon les règles des fédérations internationales des sports», explique-t-il.
Or, il assure qu’il n’y a pas plus de risques à exercer le yoga chaud en canicule qu’au mois de janvier.
«Il faut juste prendre des précautions: encore plus s’hydrater qu’à l’habitude avant et pendant l’activité physique et écouter les signaux de chaleur comme la fatigue, les maux de tête et les crampes musculaires. Il faut aussi s’assurer de se rafraîchir après l’exercice, à l’air climatisé, par exemple», détaille le Dr De Garie.
Le yoga chaud n’est pas recommandé pour les personnes enceintes ou qui ont des maladies cardiovasculaires. On imagine qu’elle l’est encore moins en période de canicule.
Les bienfaits de la sudation excessive
L’intensité du cours «flow abdos et tonus» avait visiblement été modérée en raison de la chaleur accablante. Je précise que je suis une habituée de l’activité. Je la pratique régulièrement, toutes les semaines, depuis plusieurs années.
Pourtant, la classe à peine commencée, mon tapis était déjà baigné de sueur: glissante, incommodante, mais oh combien vitale.
La transpiration sert à diminuer la température du corps lorsqu’il surchauffe. En s'évaporant, elle refroidit l'organisme afin de le maintenir à un niveau optimal d'environ 37°C.
«Quand on s’entraine dans une salle qui est approximativement à la même température que celle de notre corps, le système va devoir pomper plus pour trouver le moyen de se rafraîchir», souligne Luc De Garie.
La sudation excessive liée à ce sport oblige les adeptes à s’hydrater davantage, mais elle en fait également une de ses forces.
«C’est très bon pour la santé de faire du yoga chaud», affirme le médecin.
Une sudation excessive signifie que le cœur doit augmenter son apport sanguin. En augmentant la fréquence cardiaque, donc, une séance de yoga chaud sollicite le système cardiovasculaire de la même façon qu’une marche rapide à 5 kilomètres par heure, environ.
«Une personne qui est habituée et qui en fait régulièrement va développer une tolérance plus élevée à la chaleur. On finit par s’adapter», ajoute le Dr De Garie.
«Lors des Jeux olympiques l’an dernier, on avait envoyé les athlètes une semaine d’avance pour qu’ils s’habituent à s’entraîner à la chaleur qui est assez intense l’été à Paris», illustre-t-il.
La pratique du yoga chaud pourrait ainsi devenir une arme redoutable pour mieux tolérer les prochaines vagues de chaleur, qui se feront toujours plus fréquentes, extrêmes et longues avec les changements climatiques.