Du pain et des roses: une lutte qui se poursuit après trois décennies
La montée de l'extrême droite et la popularité du masculinisme toxique font retrousser les manches des femmes

Catherine Bouchard
En 1995, plus de 850 femmes se sont rendues devant l’Assemblée nationale pour revendiquer l’égalité, la dignité et la justice sociale dans le cadre de la marche Du pain des et des roses. Trente ans plus tard, cette marche revient en grande pompe pour les mêmes causes, alors que ses gains sont fragilisés par la montée de l’extrême droite propulsée par l’ère numérique.
Jusqu’au 7 juin, une série de marches et d’actions ont lieu un peu partout au Québec dans le cadre de la mobilisation « Marchons pour Du pain et des roses, encore et plus que jamais», organisée par la Fédération des femmes du Québec (FFQ). Cette initiative commémore non seulement la marche de 1995, mais rappelle aussi que la mobilisation contre la pauvreté doit se poursuivre, dans un contexte où les inégalités se creusent encore. Elle culminera également avec une mobilisation devant l’Assemblée nationale.
Françoise David, l’une des porte-parole de l’événement, souligne les gains importants qui ont suivi ce premier événement, il y a trois décennies. Elle discute notamment de l’équité salariale, les pensions alimentaires et les places qu’ont obtenues les femmes en politique ou en entreprise par exemple.
«Mais je savais que les combats devaient se poursuivre», laisse-t-elle tomber.

Ce trentième anniversaire survient dans un contexte politique moins rassurant et où des femmes subissent encore énormément de violence.
«Il y a eu 25 féminicides au Québec en 2024, c’est dramatique», rappelle l’ancienne députée.
Malgré les impacts positifs sur la notion de consentement qui a suivi le mouvement #metoo — comme le tribunal spécialisé sur les agressions sexuelles —, des femmes vivent encore des tragédies uniquement parce qu’elles sont des femmes.
«Il y a donc un travail immense qui doit continuer d’être fait, fait-elle valoir. Il ne faut surtout pas baisser la garde».

Montée du masculinisme toxique
Et ce défi survient alors qu’un mouvement masculiniste prend d’assaut les réseaux sociaux pour convoiter les jeunes garçons qui sont nombreux à adhérer à ces «discours toxiques».
«Des professeurs remarquent des discussions qu’on n’avait pas avant. Des petits garçons qui croient que leur rôle est d’être chef de famille et pourvoyeur. Ça ressemble aux servantes écarlates [...]», observe-t-elle.
D’un autre côté, bien des jeunes filles veulent se réaliser personnellement et professionnellement et ces deux réalités risquent de se confronter.
«Et ça, ça ne me plaît pas du tout et c’est une donnée que nous n’avions pas en 1995, on n’avait pas de médias sociaux», admet-elle.

Ce ressac entraîné par des «idéologies rétrogrades» dans un univers numérique mené par des «milliardaires sexistes» ne décourage pas la FFQ. Le combat restera celui de contrer la violence faite aux femmes et de lutter contre la pauvreté dont elles sont plus souvent l’objet que les hommes.
«Elles sont plus nombreuses à être au salaire minimum, à ne pas être syndiquées et à être locataires en pleine crise du logement. Je m’attends à ce nos gouvernements prennent à bras le corps la question de la pauvreté et adoptent des mesures sérieuses pour y faire face», termine-t-elle.
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