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L'article provient de TVA Nouvelles
Affaires

Du film d’horreur à Hollywood pour 48 propriétaires de Saint-Jérôme sauvés de la faillite

Leurs condos pourris les menaient directement dans le mur avant l’arrivée dans le portrait d’un entrepreneur de 35 ans

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Photo portrait de Julien McEvoy

Julien McEvoy

2024-04-08T04:00:00Z
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Le film d’horreur vécu par 48 propriétaires de condos pourris à Saint-Jérôme connaît un revirement digne d’Hollywood. Une à une, un p’tit gars de la place est en train de convaincre les banques d’annuler leurs hypothèques et de libérer ces gens de leur boulet.

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«Tout le monde gagne», se réjouit le Jérômien Samuel Cadotte au sujet de sa tentative d’acquisition du 600, du 620 et du 640 de la rue Castonguay.

Samuel Cadotte pose devant le terrain et les trois édifices où il espère pouvoir construire des logements abordables sous peu.
Samuel Cadotte pose devant le terrain et les trois édifices où il espère pouvoir construire des logements abordables sous peu. PHOTO Mélissa Thibault / Photographie Laurentides

Le Montréalais d’adoption a quitté les Laurentides en 2010 et entame, à 35 ans, sa 10e saison touristique à la barre de la tyrolienne MTL Zipline, dans le Vieux-Port. Jamais en 14 ans les 50 km qui le séparent de sa ville natale ne lui ont semblé si familiers.

  • Écoutez le segment économique d'Yves Daoust via QUB :

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Depuis 13 mois, son équipe négocie avec sept banques différentes pour mettre la main sur trois édifices de 16 condos en décrépitude. Les 48 hypothèques valent chacune 185 000$ en moyenne, dit-il.

Mais c’est loin d’être ce qu’il va payer. Il offre aux banques un montant qu’il décrit comme symbolique et qui tourne autour de 20 000 à 30 000 $ par hypothèque.

«Les banques sont soulagées d’une partie de leurs pertes, les copropriétaires peuvent repartir à neuf et la Ville a un beau projet entre les mains», explique M. Cadotte.

La majorité des copropriétaires a déjà signé une quittance complète devant le notaire, le 23 mars dernier. Les banques ont accepté l’offre de Samuel Cadotte qui couvre une fraction de l’hypothèque.

Il espère convaincre l’ensemble des banques et devenir propriétaire de tous les condos pourris ainsi que du terrain. Son projet est de démolir les édifices pour construire des logements abordables.

Répartition des hypothèques
Pour le 600, le 620 et le 640, rue Castonguay, à Saint-Jérôme

15 Desjardins
11 Banque Nationale
9 BMO
4 TD
2 CIBC
1 RBC
1 Scotia
5 autres
Source: Samuel Cadotte

Le sauveur et son projet

«Ils vont pouvoir repartir à zéro.» Samuel Cadotte parle des 48 copropriétaires et des presque 100 personnes touchées, ceux dont le calvaire commence à l'automne 2021 quand ils découvrent des vices de construction majeurs lors d’un entretien de routine.

Les immeubles sont dangereux, infiltrés d’eau et ont grand besoin de travaux. Ceux qui les ont construits sont morts, insolvables ou introuvables.

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La valeur de leurs condos est à zéro depuis ce moment-là. Pis encore, un des édifices est évacué depuis 2022 pour des raisons de sécurité et un autre a brûlé l'an passé.

Le 620, rue Castonguay, a été rasé par les flammes, en juin 2023. L'enquête de la police n'a mené à aucune accusation.
Le 620, rue Castonguay, a été rasé par les flammes, en juin 2023. L'enquête de la police n'a mené à aucune accusation. PHOTO Mélissa Thibault / Photographie Laurentides

Ça fait donc au moins 32 familles qui payent en double pour un loyer et une hypothèque. D’où les nombreuses faillites et propositions aux créanciers parmi les acteurs du film d’horreur.

«On avait de l’empathie pour eux, mais pas les moyens de les aider», a indiqué le maire de Saint-Jérôme, Marc Bourcier, en entrevue avec Le Journal, jeudi après-midi, alors qu’il venait tout juste d’apprendre la nouvelle.

À l’hôtel de ville, on se réjouit de voir cette «situation triste» vécue par beaucoup de «gens désespérés» se terminer de la sorte.

Plus de 20 propriétaires ont signé la quittance de leur hypothèque chez le notaire, le samedi 23 mars, en compagnie de Samuel Cadotte (photo).
Plus de 20 propriétaires ont signé la quittance de leur hypothèque chez le notaire, le samedi 23 mars, en compagnie de Samuel Cadotte (photo). PHOTO Mélissa Thibault / Photographie Laurentides

Mais il reste encore des ficelles à attacher. Si la majorité des banques a déjà accepté un montant symbolique de la part de Samuel Cadotte pour signer une quittance complète aux copropriétaires, certaines doivent encore être convaincues.

«Quand une banque dit qu’elle vous revient dans quelques jours, ça veut dire au moins quelques semaines», résume l’entrepreneur de 35 ans au sujet de son expérience immobilière à Saint-Jérôme.

Merci papa

Dans les couloirs du seul immeuble encore habité parmi les trois maudits, on entend presque le soupir de soulagement collectif.

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«Ça nous a déjà coûté assez cher», déplore une copropriétaire, Félicie Roy. L’adjointe administrative de 31 ans a acheté son 4 1⁄2 du 640, rue Castonguay, en juin 2022 pour 205 000$.

Les 16 familles qui habitaient au 640, rue Castonguay ont dû évacuer leurs propriétés en octobre 2022 en raison de vices majeurs de construction.
Les 16 familles qui habitaient au 640, rue Castonguay ont dû évacuer leurs propriétés en octobre 2022 en raison de vices majeurs de construction. PHOTO MÉLISSA THIBAULT / PHOTOGRAPHIE LAURENTIDES

Elle a été évacuée quelques mois plus tard et s’est relogée d’urgence dans un 3 1⁄2 de Mirabel pour 1300$ par mois. Elle travaillait 60 heures par semaine pour arriver, mais n’y serait jamais arrivée sans l’aide de son père.

«Grâce à lui, je ne me suis pas découragée et j’ai pu payer en double pendant deux ans», dit celle dont l’hypothèque coûte 800$ par mois.

La jeune femme regarde maintenant vers l’avenir grâce à la quittance complète signée par sa banque.

Pas grâce aux élus

Marie-Claire Lahiton, une autre copropriétaire, veut rester positive, mais elle ne peut s’empêcher de constater que la solution vient d’une entreprise privée.

«On ne s'en sort pas grâce aux élus», dit la femme de 68 ans. Elle a investi un nombre incalculable d’heures dans le cauchemar, d’abord comme responsable du comité rénovations, puis comme présidente de son syndicat de copropriété.

Sa récompense est de voir «les gens repartir à zéro» même si chacune des 48 familles perd «200 000$ au bas mot». 

Samuel Cadotte doit encore convaincre deux ou trois banques d'embarquer dans son projet. Le Jérômien souhaite démolir les trois immeubles pour construire des logements abordables dans sa ville natale.

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La situation est catastrophique à Saint-Jérôme, où seulement 0,3 % des appartements sont disponibles. «Il nous faut plus de logements abordables, c’est important», a d’ailleurs souligné le maire Bourcier, jeudi.

Le propriétaire de la MTL Zipline fait son plus gros saut dans le vide à vie. Le sort de son projet sera connu... dans quelques semaines.

Sauvée par papa

Félicie Roy, 31 ans, et son père Pierre Bolduc ont traversé la tempête ensemble. La jeune femme n’y serait jamais arrivée seule, dit-elle.
Félicie Roy, 31 ans, et son père Pierre Bolduc ont traversé la tempête ensemble. La jeune femme n’y serait jamais arrivée seule, dit-elle. photo fournie par Félicie Roy

Félicie Roy a acheté son condo du 640 de la rue Castonguay en 2022, soit après la découverte des dommages sur le bâtiment. «Avoir su, je ne l’aurais jamais fait», se désole celle dont c’était la troisième propriété. La femme de 31 ans a dû se reloger d’urgence en octobre 2022 à la suite de l’évacuation de l’immeuble. Elle travaillait 60 heures par semaine pour payer à la fois son hypothèque de 800$ et son nouveau loyer de 1300$, mais ce n’était pas assez. «Sans mon père, je serais en faillite depuis longtemps», dit-elle. Libérée de sa dette grâce à Samuel Cadotte, elle compte repartir à zéro et redevenir propriétaire sous peu.

La maman du groupe

Samuel Cadotte était entouré du couple formé par Marie-Claire Lahiton et Jean Roy, à la fin mars, à la suite de la signature de la quittance complète de leur hypothèque devant le notaire.
Samuel Cadotte était entouré du couple formé par Marie-Claire Lahiton et Jean Roy, à la fin mars, à la suite de la signature de la quittance complète de leur hypothèque devant le notaire. PHOTO Mélissa Thibault / Photographie Laurentides

Marie-Claire Lahiton a payé 130 000$ en 2009 pour son 4 1⁄2 de la rue Castonguay. Elle a dû le réhypothéquer pour payer sa partie des dégâts, si bien qu’elle se libère aujourd’hui d’une hypothèque de 125 000$. La dame de 68 ans s’est occupée du comité rénovations dès octobre 2021. Elle a mis tellement d’heures là-dessus en trois ans que «c’est devenu un travail à temps plein». Les 48 propriétaires sont soulagés, assure-t-elle, et ils sont aussi «extrêmement chanceux» de s’en sortir. Sa récompense pour toutes ses heures de travail bénévole, «c’est de voir le résultat final».

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