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L'article provient de Le Journal de Montréal
Affaires

Du beurre ou des bombes: faut-il se ruiner pour l’OTAN?

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Photo portrait de Francis Gosselin

Francis Gosselin

2025-06-27T04:00:00Z
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Selon une «décision» prise avant même le début du sommet de l’OTAN qui s’est tenu cette semaine aux Pays-Bas, les pays membres devront désormais consacrer 5% de leur produit intérieur brut (PIB) aux dépenses militaires d’ici 2035.

Pas de débat, pas de consultation.

Ni démocratie, évidemment.

Le premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, a déclaré que ce chiffre était «déraisonnable et contre-productif». Tripler le nombre de bombes et de tanks que possède l’Occident ne contribuera pas à la paix dans le monde. Ni à la paix sociale, au demeurant.

L’économie et la guerre

Il y a quelque chose d’étrange dans cet objectif, exprimé en proportion du PIB, sans égard pour les résultats. Règle générale, quand on gouverne un pays, on fixe d’abord un objectif, puis on essaie de l’atteindre... au meilleur coût possible. Au contraire, l’objectif de l’OTAN, c’est de dépenser, sans tenir compte des conséquences.

Pour plusieurs pays, les dépenses militaires sont un outil de stimulation économique. Les Américains le savent et ne sont pas dupes. Le triplement des dépenses militaires proposé par l’OTAN sera largement à l’avantage des pays disposant d’un complexe militaro-industriel bien établi: les États-Unis, d’abord, puis la France et l’Allemagne.

Le Canada pourra inonder d’argent public quelques producteurs locaux; la part du lion ira ailleurs.

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Si l’objectif est économique, c’est un très mauvais pari.

Connaître le prix de tout et la valeur de rien

Une telle orgie de dépenses ne dit rien sur la qualité des produits et services obtenus en contrepartie.

De toute façon, quand l’objectif, c’est de dépenser, qui se soucie du prix? L’approvisionnement militaire, très opaque et toujours soumis à des excès, s’organise autour d’innovations hyper-coûteuses, qui n’ont que peu à voir avec la guerre ou la paix.

À titre d’exemple, deux tanks de troisième génération: le ZTZ-99 construit en Chine coûte 2,3 millions $, le Leopard 2A8 produit en Allemagne coûte 29 M$. Deux appareils légèrement différents, certes. Mais 12 fois plus cher en Occident, vraiment?

Assurément, ceux qui achètent les tanks allemands atteindront leur objectif du 5% beaucoup plus vite. Ils auront 10 fois moins de tanks, mais peu importe.

De même, les obusiers américains M109, dont le coût unitaire est de 1,6 M$, font désormais face à la concurrence allemande avec le dernier cri, le Rheinmetall RCH-155, au coût unitaire de 11,1 M$! Pendant ce temps, les Ukrainiens fabriquent le 2S22 Bohdana, dont le prix s’élève à 2,3 M$.

Gagne-t-on quatre fois plus la guerre avec la technologie allemande?

Rien n’est moins certain.

Vous n’avez rien vu encore

Le Canada consacre aujourd’hui 1,4% de son PIB aux dépenses militaires. Chaque année, près de 40 milliards $ de nos impôts servent à la défense nationale.

Pour atteindre le seuil de 5%, il faudrait faire passer ce chiffre à près de 110 milliards $, ce qui implique des déficits annuels additionnels de 70 milliards $.

À titre de comparaison, 110 milliards $, c’est plus que la somme de toutes les dépenses provinciales en éducation.

C’est 3000$ par citoyen canadien. Et comme moins de 50% des Canadiens paient de l’impôt, c’est plutôt 6000$ par contribuable.

Pour la France, dont le déficit s’élevait l’an dernier à 6% de son PIB (comparativement à 2% pour le Canada), il est difficile d’imaginer d’où viendra l’argent.

Du beurre ou des bombes

Clairement, vu le niveau d’imposition actuel qui est déjà à sa limite supérieure, il faudra couper dans les programmes sociaux.

Pour acheter des bombes, faudra-t-il sabrer dans la santé en réduisant la couverture publique, réduire le financement en éducation, diminuer l’aide sociale et les allocations aux familles, cesser l’aide internationale et nos programmes d’aide au logement?

Et la diplomatie? Tsss.

Qui a besoin de diplomatie quand on a un bel AK-47 tout neuf?

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