Drame de Lac-Mégantic: des journalistes se racontent dans un balado sur QUB Radio

Guillaume Picard | Agence QMI
Les journalistes ont réalisé un travail essentiel à Lac-Mégantic à la suite de la tragédie ferroviaire de juillet 2013, posant des questions, retournant toutes les pierres et, surtout, en se mettant en mode écoute d’une population traumatisée par la mort de 47 d’entre eux.
Une décennie plus tard, le balado «C’est arrivé le... 6 juillet 2013 à Lac-Mégantic», une production de QUB radio, apporte un éclairage nouveau sur le travail des médias, un angle oublié parce que les journalistes font rarement étalage de leurs états d’âme.
Le temps ayant passé, la pudeur est moins présente, si bien que les protagonistes racontent leur boulot réalisé sur l’adrénaline, avec beaucoup d’empathie et de sang-froid, dans la journée et dans les semaines ayant suivi la catastrophe. Leur travail nécessitait de s’oublier, de remettre à plus tard la gestion de leur propre trop-plein, ceci afin de transmettre l’information au public.
À l’aube du 10e anniversaire de la pire tragédie du Québec et en marge de la sortie de la série «Mégantic» sur Club illico et du lancement de la série documentaire «Lac-Mégantic» de Philippe Falardeau ce printemps sur Vrai, les journalistes interviewés dans le balado, qui est lancé ce mercredi, partagent leurs souvenirs et racontent le drame à travers leurs yeux, eux qui ont exploré la détresse des Méganticois.
L’exercice est clairement thérapeutique.
- Écoutez l'entrevue avec André-Sylvain Latour à l’émission de Sophie Durocher diffusée chaque jour en direct 15 h 15 via QUB radio :
On entend d’ailleurs leur douleur dans les trois premiers épisodes, animés par le journaliste André-Sylvain Latour, qui est chef de la rédaction de QUB radio.
Les journalistes de TVA Audrey Gagnon et Maxime Landry, leurs collègues du «Journal de Montréal» et du «Journal de Québec» Kathryne Lamontage, Nicolas Lachance et Nicolas Saillant, ainsi que le photographe de l’Agence QMI Joël Lemay y partagent leurs réflexions.
La plupart d’entre eux amorçaient leur carrière quand ils ont été dépêchés à Lac-Mégantic, dans un centre-ville aux allures de zone de guerre et rebaptisé zone rouge.
Nicolas Lachance raconte que le soir même, à Québec, il faisait la même chose que de potentiels témoins ou victimes qui se trouvaient au Musi-Café lors du déraillement de 72 wagons transportant sept millions de litres de pétrole brut.
Il a dû partir en vitesse à Lac-Mégantic, et comme ses collègues venus d’ailleurs, il a fallu qu’il trouve ses repères dans le chaos ambiant.
«J’étais sur une terrasse à Québec avec des amis, comme les gens au Musi-Café. C’est comme si c’était toujours dans ma tête un peu», dit-il dans le balado, lui à qui l’on doit le reportage «La dernière nuit du Musi-Café», le lieu où ont été dénombrés le plus grand nombre de morts.
M. Latour n’a pas été dépêché sur le terrain à l’époque, mais il était rédacteur-monteur à LCN et, comme il bossait de nuit, il a été l'un des premiers à recevoir et à assembler les images de la catastrophe, vers 3 h du matin, moins de deux heures après le déraillement.
Émus
Les journalistes sont émus quand ils relatent des moments difficiles auxquels ils ont assisté. À l’époque, pour alimenter leurs journaux ou leurs stations de télé, ils ont dû «avaler la pilule» et faire leur boulot. «Ça ne veut pas dire que tu n’es pas marqué pour autant», a dit M. Latour en entrevue avec l’Agence QMI.
Maxime Landry, qui était notamment affecté à l’hélicoptère TVA Nouvelles il y a 10 ans, est marqué par la tragédie de Lac-Mégantic, qui l’«habite encore». «Je revois des images, on dirait qu’en vieillissant la carapace est moins épaisse, et ça me fait encore de quoi, ça ravive des douleurs. On s’entend que ça n’a rien à voir avec [la douleur des] gens là-bas, mais comme journaliste tu sens l’émotion monter encore», dit-il dans le deuxième épisode.
Réalisé par Bastien Gagnon-Lafrance et monté par Philippe Séguin, le balado comprendra deux autres épisodes à venir, avec les témoignages de l’ex-première ministre du Québec Pauline Marois, de l’ex-ministre de la Sécurité publique Stéphane Bergeron et de l’ex-mairesse de Lac-Mégantic Colette Roy-Laroche.