Drainville et le syndrome Rebello

Antoine Robitaille
Il est beaucoup plus facile, dans la Coalition Avenir Québec, de se proclamer « fier Canadien » que de s’avouer franchement souverainiste, me faisait remarquer un collègue, hier.
Cet axiome se vérifiera encore aujourd’hui, je vous le parie, lors de la conférence de presse de Bernard Drainville, qui officialisera sa candidature dans Lévis pour la formation de son ancien collègue François Legault.
Hier, Caroline St-Hilaire, ancienne bloquiste et candidate de la CAQ dans Sherbrooke, se tortillait pour éviter de dire si oui ou non elle espérait encore que le Québec devienne souverain.
- Écoutez l'édito d'Antoine Robitaille lors de la rencontre Foisy - Robitaille diffusée chaque jour en direct 12 h via QUB radio :
Syndrome
Appelons ça le « syndrome Rebello ». Alors député péquiste dans La Prairie depuis 2008, François Rebello décida, il y a plus de 10 ans déjà, de passer à la CAQ.
C’était dans les premiers jours de janvier 2012. La CAQ venait de se transformer en parti et d’avaler l’ADQ.
En entrevue, Rebello, nouveau transfuge, certifie que son passage au parti de Legault n’implique aucun renoncement au souverainisme. Au contraire, la CAQ, lorsqu’elle accéderait au pouvoir, allait renforcer le Québec à un point tel que celui-ci serait « mieux placé » pour devenir un pays.
Puis, il confie ceci : « M. Legault m’a dit : “Tu peux être souverainiste dans la Coalition” et “la porte de la souveraineté reste ouverte”. C’est ça qui est important, selon moi. Mais comment on fait pour se rendre là ? [...] Il faut que le Québec soit assez fort. La force économique du Québec a des conséquences sur la volonté pour les gens de vouloir s’affirmer politiquement. C’est une question de confiance en nous, la souveraineté du Québec. »
Colère rouge
La déclaration avait soulevé l’ire des plus « canadiens » du caucus du nouveau parti, Gérard Deltell et Janvier Grondin (pourtant issus de l’ADQ, parti ayant fait campagne dans le camp du Oui en 1995).
Rapidement, Rebello est contraint de préciser sa position : « Legault ne la fera pas [la souveraineté], ce n’est pas son objectif de la faire ».
Et si jamais, un jour, la souveraineté redevenait possible ? Rebello promet alors qu’il quitterait la CAQ : « Ce sera à l’extérieur, si jamais un jour je dois reproposer aux Québécois de tenir un référendum. Ce ne sera pas avec la coalition ».
Bernard Drainville serait-il prêt, aujourd’hui, à prendre le même engagement ?
- Écoutez la rencontre Rémi Nadeau et Antoine Robitaille diffusée chaque jour en direct 19 h via QUB radio :
Clivage
Certains s’amuseront du fait qu’un parti qui promettait de transcender le « vieux » clivage souverainiste-fédéraliste soit celui qui le ramène ces jours-ci à l’avant-plan.
Mais au fond, il n’y a là rien de surprenant. Le statut politique du Québec continue d’être problématique. Cela rend l’avenir national de plus en plus incertain, notamment pour la pérennité du français. La CAQ au pouvoir s’en rend compte.
Les Québécois n’ont rien obtenu des changements au Dominion réclamés par le camp du Non en 1980 ou par les fédéralistes québécois en 1987 (Meech) et en 1992 (Charlottetown). La souveraineté a aussi échoué en 1980 et en 1995.
Le Québec peut-il vraiment accepter de renoncer pour toujours à ses deux grands rêves : fédéralisme renouvelé ou souveraineté ?