DPJ: les enfants ont leur mot à dire


Maria Mourani
Les auditions publiques sur le projet de loi 15, celui modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse, ont débuté à l’Assemblée nationale. L’Ordre professionnel des criminologues du Québec y a présenté son mémoire. Le débat va bon train sur le terrain et plusieurs parents paniqués, en confrontation avec la DPJ, m’interpellent : « C’est déjà difficile actuellement avec eux. On n’est pas écouté ! Ma fille veut sa mère ! Ils n’écoutent même pas ce que mon enfant veut ! Qu’est-ce qu’il va nous arriver avec cette loi ? »
Comprenons-nous bien, tous les parents dont les enfants sont pris en charge par la DPJ ne sont pas forcément des bourreaux ou des incompétents. Une bonne proportion d’entre eux ont besoin d’une aide temporaire pour se reprendre en main.
Ces personnes aiment et chérissent leurs enfants. Alors, lorsqu’elles entendent qu’on va soi-disant leur enlever leurs enfants, c’est la panique.
L’intérêt de l’enfant
Qu’on se le dise clairement, ce projet de loi ne cherche nullement à déchoir ou à affaiblir la place des parents dont les enfants se retrouvent dans la machine de la protection de la jeunesse.
Au contraire, il précise et octroie davantage de droits à l’enfant, tout en établissant l’importance parentale. Il affirme la primauté de l’intérêt, de la stabilité et la sécurité affective de l’enfant. N’est-il pas normal que l’intérêt d’un enfant prime celui de ses parents et de l’institution qui est censée le protéger ?
Tout cela est bien beau sur papier. On est tous d’accord que l’intérêt de l’enfant doit être au centre des décisions. Mais posez-vous la question : comment se font actuellement les évaluations ?
Dans ma pratique, j’ai été témoin de décisions qui n’allaient nullement dans le sens de cet intérêt. Un continuum d’incohérences décisionnelles qui, loin de maintenir un équilibre dans la vie de l’enfant, contribue plutôt à des blessures, des souffrances, des traumas. Cela a d’ailleurs été constaté par la commission Laurent.
- Écoutez le commentaire de Maria Mourani à l'émission de Richard Martineau diffusée chaque jour en direct 8 h via QUB radio :
La parole des enfants
Bien des enfants n’ont pas été écoutés et consultés dans des décisions de la DPJ. Pourtant, ils ont des droits en tant que personnes et l’un d’eux est celui d’être consulté dans des décisions les concernant.
Le projet de loi 15 vient répondre à ce droit en obligeant la DPJ à tenir compte du point de vue de l’enfant et à lui donner les moyens nécessaires pour exprimer ce qu’il désire. À l’avenir, ils auront voix au chapitre.
Il est vrai que l’intention derrière ce projet de loi est une modernisation des pratiques de la DPJ et un renforcement des droits des enfants.
Une chose m’inquiète pourtant : comment la loi, qui en découlera, sera-t-elle concrètement appliquée sur le terrain ? Il faudrait, tout au moins, établir des balises claires pour guider les évaluations des intervenants et un processus de plaintes et de poursuites beaucoup plus rapide.
Même la DPJ doit être soumise à l’intérêt supérieur de l’enfant. Ce qui passe par son imputabilité.