Doug Ford: le capitaine Canada éphémère


Yasmine Abdelfadel
On était plusieurs à applaudir à tout rompre la ténacité et la détermination de Doug Ford. Enfin, un leader! Il s’érigeait tranquillement en capitaine Canada, profitant du vide politique laissé par Ottawa pour devenir la voix – certes fâchée, mais bien présente – de plusieurs Canadiens. Un vrai dur, un vrai chef, celui qui allait montrer aux Américains que le Canada ne se laisse pas marcher sur les pieds. Du moins, c’est ce qu’on croyait.
Lundi, Ford a sorti le grand jeu: des tarifs sur l’électricité vendue aux États américains voisins. Il menaçait de plonger dans le noir des milliers de familles et d’entreprises américaines si Donald Trump ne revenait pas à la raison. Ford, le justicier de l’Ontario, prêt à défendre la souveraineté énergétique... jusqu’à ce qu’un simple gazouillis de Trump vienne tout renverser.
Un tweet
Car il aura suffi de quelques caractères pour faire dégonfler le plan Ford. Le président a menacé de doubler les tarifs sur l’acier et l’aluminium. Résultat? Doug Ford a fait ce que tout bon capitaine fait face à une tempête imprévue: il a sabordé son propre navire et annoncé la suspension des tarifs ontariens sur l’électricité.
C’est que le populisme, ça va bien jusqu’à ce que ça commence à nuire... aux autres. Dans ce cas-ci, ce n’est pas l’industrie ontarienne qui risquait d’en baver, mais bien celle du Québec. M. Legault a dû avaler son café de travers en découvrant le gazouillis trumpiste, voyant ses industries d’acier et d’aluminium menacées de tarifs punitifs de 50%, le tout à cause d’un élan de bravoure populiste de l’Ontario.
Recul
Heureusement, le recul de Ford, aussi peu glorieux soit-il, a le mérite de chercher à désamorcer l’escalade. Pas de sanctions supplémentaires, pas de guerre de clochers entre les provinces et surtout pas de nouvelles divisions dans une unité canadienne déjà aussi fragile qu’un vase en cristal dans une usine de marteaux. Car la dernière chose dont le Canada a besoin, c’est de voir l’Ontario et le Québec se chamailler pour savoir qui a eu la meilleure stratégie. Surtout quand le grand gagnant, dans tout ça, aurait été Donald Trump, ravi de nous voir nous déchirer pour mieux régner.