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L'article provient de Le Journal de Montréal
Culture

«Dossiers non résolus»: voici un extrait exclusif du nouveau roman de Kathy Reichs

Kathy Reichs
Kathy Reichs Photo courtoisie, Marie-Reine Mattera
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Photo portrait de Marie-France Bornais

Marie-France Bornais

2022-11-08T17:56:35Z
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Fidèle au rendez-vous, toujours excellente, l’écrivaine et anthropologue judiciaire américaine Kathy Reichs propose cet automne Dossiers non résolus. Cette nouvelle enquête de Tempe Brennan est un récit de vengeance : revisiter le passé s’avèrera le seul moyen de désarmer une menace terrible qui plane. En effet, Tempe Brennan profite d’un horaire moins chargé pour passer le plus de temps possible avec sa fille Katy. Elle est nouvellement retournée à la vie civile après avoir quitté son travail dans l’armée. Un soir, chez Tempe, elles découvrent un colis non attendu sur le perron. Et à l’intérieur, un globe oculaire où sont gravées des coordonnées GPS. Celles-ci conduisent à un monastère bénédictin où une autre découverte macabre les attend. 

En attendant l’entrevue avec Kathy Reichs, qui sera publiée dans le cahier Week-end du samedi 12 novembre, voici un extrait exclusif de ce nouveau roman, fourni par la maison d’édition Robert-Laffont.  

En librairie le 11 novembre. 

EXTRAIT de Dossiers non résolus

«Katy se tenait dans la cuisine, le visage tendu. 

  • Il y a une boîte devant ta porte. 
  • Oh non, ai-je dit en riant. Pas une autre boîte. Je suis allée dehors et j’ai ramassé le paquet. 
  • Ça vient de qui? a demandé Katy, d’une voix bizarre. 
  • Aucune idée. 
  • Il y a une adresse d’expéditeur? 
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J’ai secoué la tête. 

  • Tu attends quelque chose? 

De nouveau tendue, Katy est restée à distance. De moi, ou de la chose que je tenais dans les mains? 

Soupçonnant que le paquet inattendu était la source du malaise de ma fille, je l’ai posé sur le comptoir, j’ai pris une Heineken dans le frigo et la lui ai passée. 

  • Détends-toi, lui ai-je dit, ennuyée à l’idée du sombre souvenir, quel qu’il soit, qui venait de se réveiller, et désireuse de l’apaiser. Je reçois souvent des colis. La moitié du temps, j’ai oublié que j’avais commandé quelque chose. 

J’ai pris un couteau dans un tiroir, coupé le papier kraft et tranché le ruban adhésif. J’ai écarté les rabats et jeté un coup d’œil à l’intérieur. 

J’en ai oublié de respirer.  

Ma main a volé sur ma bouche. 

Empalée comme un insecte, la chose était fixée en place par une épingle et me regaerdait bien en face. 

La réaction de Katy a été plus sonore que la mienne. 

  • Oh fuck! 

J’ai baissé la main, lentement. 

Nous l’avons contemplé toutes les deux. 

Vous avez deviné. C’est là que l’œil entre en scène. 

Séparé de son propriétaire, un globe oculaire a l’air d’un accessoire macabre d’Halloween. L’iris de celui-là était bleu, la pupille dilatée et d’un noir profond. Le tout était d’une brillance translucide. 

Le muscle à la base du globe oculaire était de la couleur d’un bœuf cru, un réseau de veinules d’un rouge anémique émaillait l’extérieur. Il reposait sur une serviette en papier blanche, entourée de motifs bleu turquoise. 

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Coloré. Telle a été ma première réaction. 

Amusant, les choses que le cerveau propose quand il est en état de choc. 

Katy a illustré cette dernière pensée. 

  • Il a l’air tout frais, a-t-elle dit d’une voix tendue. 

Bizarre. Katy n’a jamais été du genre impressionnable. 

  • Très, ai-je abondé. 
  • Ça pourrait être un œil de vache, a suggéré Katy après une brève pause. C’est facile d’acheter des abats de bœuf. 
  • Les vaches ont les yeux bruns, ai-je répondu distraitement, mon attention focalisée sur les détails anatomiques. 

La petite sphère faisait environ deux centimètres et demi. Trop petite pour un bovin. 

  • Il y a des animaux qui ont les yeux bleus. Les chiens, les chats, les chevaux, les cygnes, les chouettes... 

Et puis, réalisant les affreuses implications de son énumération, Katy a laissé tomber. 

J’ai noté que le globe était rond, et pas ovale. 

Je suis allée prendre ma trousse de travail dans le placard, en ai retiré une lampe de poche et deux paires de gants en latex. Orientant le rayon lumineux sur la pupille, j’ai examiné la zone située juste sous la rétine, au niveau de la choroïde. 

N’ai pas vu d’éclat bleu-vert. 

Un nœud glacé a commencé à se former dans mes tripes. Je l’ai ignoré et me suis penchée un peu plus sur la boîte. N’ai pas senti d’odeur d’agent de conservation. Pas de signe de putréfaction. Cette énucléation était récente. 

J’ai dégluti. 

Katy a le don d’interpréter mon langage corporel. L’a toujours eu. Même enfant, elle ne se laissait pas avoir par mes dérobades ou mes diversions. 

Elle a perçu le passage de la bonne humeur à la gravité. 

  • Quoi? a-t-elle demandé d’une voix aigüe et bien trop forte. 
  • Je pense que c’est un œil humain, ai-je répondu doucement. 
  • Qu’est-ce qui te fait dire ça? 
  • La taille, la forme de la pupille, les attaches musculaires et leur nombre, l’absence de tapis choroïdien. 
  • C’est quoi, ça? 
  • Tu sais que les yeux de certains animaux semblent luire quand ils sont pris dans les phares, la nuit? C’est à cause d’une couche réfléchissante qui tapisse le fond du globe oculaire. Ça amplifie la lumière qui pénètre dans l’œil, améliorant la vision nocturne de l’animal. 
  • Et cette chose n’en a pas? 

J’ai secoué la tête. Non.» 

  • Kathy Reichs, Dossiers non résolus, Éditions Robert-Laffont 
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