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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

Donald Trump ravive le protectionnisme: une opportunité pour l’Europe et le Canada de resserrer leurs liens

AFP
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Mathias Nirman et Camille Bourgeois, fondateur et consultante chez Chefcab cabinet de conseil en communication d'influence indépendant

2025-03-16T04:00:00Z
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Tout juste revenu à la Maison-Blanche, Donald Trump vient de lancer une offensive commerciale sans précédent contre ses voisins, en menaçant d’imposer une taxe de 25% sur les importations canadiennes et mexicaines. Officiellement justifiée par la lutte contre l’immigration illégale et la prolifération du trafic de fentanyl, cette menace risquerait de frapper des pans entiers de l’économie canadienne, de l’aluminum aux produits alimentaires en passant par l’automobile. Mais au-delà du Canada, il s’agit d’un sérieux avertissement pour l’Europe: le protectionnisme américain s’intensifie, et aucun partenaire commercial ne semble à l’abri. 

Face au mauvais vent qui souffle sur les relations avec les États-Unis, le moment semble être venu de renforcer les liens qui unissent l’Union européenne et le Canada. Signé en 2016 après sept ans de négociations, l’Accord économique et commercial global vise justement à faciliter les échanges de biens et de services entre nos deux continents, en supprimant près de 98% des droits de douane et en ouvrant les marchés publics canadiens aux entreprises européennes.

Sur le papier, il s’agit d’une avancée majeure. Mais en pratique, son application est restée partielle. Car si le Parlement européen l’a validé en 2017, sa ratification par les États membres s’est heurtée à de profondes résistances, en France notamment, où le Sénat a rejeté le texte au printemps 2024.

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Opposition

Les griefs contre l’accord Canada-Europe sont connus: risque de dumping environnemental, menace sur l’agriculture européenne, justice d’arbitrage contestée. Autant de critiques qui continuent de faire débat. Mais à l’heure où une nouvelle guerre commerciale se profile, est-ce bien judicieux de laisser en jachère un instrument économique à même d’offrir aux entreprises de nouveaux débouchés et nous permettant collectivement de faire bloc face aux instincts prédateurs du nouveau locataire de la Maison-Blanche?

Les opposants pointent les risques liés aux tribunaux d’arbitrage, qui permettraient aux entreprises de contester certaines décisions publiques. Or c’est ignorer les avancées majeures apportées par l’accord transatlantique qui instaure une Cour permanente d’investissement, composée de juges indépendants et placée sous le contrôle des États.

L’agriculture, autre pierre d’achoppement, est souvent évoquée comme une victime collatérale de l’accord. Pourtant, sept ans après son application provisoire, les exportations agricoles françaises vers le Canada ont augmenté de 33%, passant de 3,2 à 4,2 milliards d’euros. L’excédent commercial des filières agricoles et agroalimentaires françaises a été multiplié par trois, sans pour autant inonder le marché français de porc ou de volaille canadiens (moins de 0,001% de la consommation nationale) comme le prédisaient certains détracteurs.

Coopération

Enfin, sur le plan climatique, le débat autour de l’importation de pétrole issu des sables bitumineux canadiens a occulté un aspect fondamental: le potentiel de coopération énergétique avec un pays qui investit massivement dans les énergies renouvelables, à l’image de l’exemplarité du Québec en la matière. Loin d’être un cheval de Troie du modèle fossile, cet accord peut devenir un levier pour favoriser des échanges sur des standards environnementaux ambitieux.

Dans un monde où les relations commerciales se tendent, l’accord Canada-Europe n’est plus un simple accord parmi d’autres. Il est un rempart contre la fragmentation des échanges, mais aussi une opportunité pour l’Europe et le Canada de diversifier leurs partenaires et de peser face aux grandes puissances protectionnistes.

À condition d’en renforcer les garanties, sa ratification complète doit redevenir une priorité pour consolider l’axe économique transatlantique. L’Europe et le Canada ont un choix à faire: rester spectateurs d’un monde qui se referme ou prendre les devants pour bâtir une nouvelle ère de coopération transatlantique.

Mathias Nirman et Camille Bourgeois, fondateur et consultante chez Chefcab cabinet de conseil en communication d’influence indépendant

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