Donald Trump, le «pape» de la culture américaine


Guy Fournier
Avec ses tarifs sur les films et les séries de télévision et ses subventions discrétionnaires aux arts et aux universités, le président Donald Trump devient le nouveau pape de la culture américaine.
Mieux que le pape lui-même, dont l’élection dépend de seulement 133 cardinaux électeurs, celui qui règne à Washington a remporté le vote populaire en novembre dernier. Il s’en autorise donc pour adopter chaque jour comme autant d’encycliques des décrets qui changent la vie des Américains et, malheureusement, la nôtre aussi.
C’est du jamais vu dans ce qu’on appelle encore le monde libre. Mais c’est un triste rappel de la révolution culturelle de Mao Zedong, de l’autodafé des bibliothèques sous Hitler en 1933 et de la réécriture de l’histoire par Staline en 1948. C’est aussi un rappel du ministère qu’avait créé Mussolini pour réglementer la diffusion de l’information, du cinéma et des arts en général. Le rappel aussi de la censure «préalable» dans l’Espagne de Franco, alors qu’on devait produire des films «en conformité avec les critères moraux, politiques et religieux en vigueur».
L’époque McCarthy
Les quatre années que le président Trump s’apprête à faire vivre aux Américains sont presque la copie conforme de ce que le sénateur Joseph McCarthy, avec la complicité des présidents Truman et Eisenhower, leur a fait subir dans les années 1950.
Pour ceux qui ne sont pas familiers avec cette époque, elle a réduit au chômage des milliers d’intellectuels, d’artistes, de réalisateurs et de savants. Ils furent accusés d’être marxistes ou homosexuels ou simplement soupçonnés de déloyauté envers les É.-U. Plusieurs ont été emprisonnés. Parmi les accusés célèbres se trouvaient des personnalités aussi dangereuses qu’Einstein, Lucille Ball, Leonard Bernstein, Bertolt Brecht, Jules Dassin, Arthur Miller, etc.
Égalité, diversité, inclusion
À Hollywood, on se souvient encore de cette époque amère. Les producteurs et les artistes sont souvent prêts au compromis – même à la compromission – à cause de la précarité de leur métier. Ils ne courront donc pas le risque de s’opposer aux véritables intentions de Donald Trump.
Sous prétexte de tarifs dont on ne sait comment ils s’appliqueraient, c’est le contenu même des films et des séries sur lequel Trump veut peser. Le cerbère échevelé de la Maison-Blanche et son entourage veulent en finir une fois pour toutes avec les critères d’égalité, de diversité et d’inclusion.
Trump s’est d’abord imposé comme grand chef du Kennedy Center, centre nerveux de la culture à New York, puis il a entrepris une vendetta contre les universités, Harvard en particulier, avant de couper 163 milliards $ US au National Endowment for the Arts (l’équivalent de notre Conseil des arts du Canada), au National Endowment for the Humanities, au Conseil des musées et de l’édition ainsi qu’au réseau public de radio et de télévision.
Ce n’est pas demain qu’on fera d’autres films comme Forest Gump, Brokeback Mountain, Call Me by Your Name, Green Book ou Kokomo City.