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L'article provient de Le Journal de Montréal
Monde

Donald Trump Jr. et Alec Baldwin: au fond du marécage

Photo d'archives, AFP
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Photo portrait de Luc Laliberté

Luc Laliberté

2021-10-25T18:59:13Z
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À moins d’habiter sur une autre planète, difficile d’ignorer le terrible accident qui s’est produit sur le plateau de tournage du film Rust.

Alors qu’il s’entraînait à dégainer son arme avant qu’on actionne la caméra pour filmer une scène, Alec Baldwin a accidentellement atteint le réalisateur et la directrice de la photographie. Cette dernière est décédée.

Pour l’heure, l’enquête tourne autour de l’assistant-réalisateur et de l’armurière. Les règles et protocoles entourant l’utilisation des armes lors d’un tournage sont nombreux et les accidents rarissimes. 

Au-delà de la séquence des événements que les enquêteurs se chargent de remettre en ordre, ce qu’on peut lire depuis quelques jours, ce sont des témoignages de sympathie ou la description des émotions vécues par les membres de l’équipe, une équipe atterrée, il va sans dire. On ne meurt pas en tournant un film, du moins, on ne le devrait pas.

AFP
AFP

Si le contexte se prête aux manifestations empathiques, ou du moins à la retenue, il y a quelques exceptions et tous les esprits ne sont pas chagrins. Parmi les réactions les plus odieuses, il y a celle d’un membre de la famille Trump.

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Donald Trump Jr.
Donald Trump Jr. AFP

Alec Baldwin est au moins aussi célèbre pour son caractère colérique et ses coups de gueule que pour son talent d’acteur. Depuis quatre ans, il a fait un malheur sur le plateau de Saturday Night Live en raison de son imitation de Donald Trump. Il ne l’a jamais ménagé, se prêtant parfois au jeu des invectives avec le président sur Twitter.

S’il n’y a ni amour ni respect entre les deux hommes, je ne m’attendais cependant pas à l’initiative de Donald Jr. la fin de semaine dernière. Pour retourner à l'acteur la monnaie de sa pièce, pour venger «l’honneur» de sa famille, il le ridiculise et va jusqu’à rentabiliser l’opération, alors qu’on nage en plein drame.

Pour la modique somme de 27,99$, vous pouvez obtenir un t-shirt sur lequel vous pouvez lire: «Guns don’t kill, Alec Baldwin kills people» («Les armes ne tuent pas, mais Alec Baldwin peut tuer», en français). Le fils Trump s’en prend donc à l’acteur et ridiculise ses interventions visant à améliorer la législation entourant les armes à feu aux États-Unis. D’autres slogans de même nature sont disponibles et on multiplie les présentations sur Instagram.

Capture d'écran shopdonjr.com
Capture d'écran shopdonjr.com

Si vous revenez sur mon blogue régulièrement, vous savez déjà que je n’aborde habituellement pas ce genre de sujet. Les politiciens peu scrupuleux qui se vautrent dans la fange, milieu où ils prolifèrent, ne sont pas ma tasse de thé. Les cinq dernières années m’auront obligé à faire quelques détours, mais on s’éloigne toujours un peu plus du débat d’idées.

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C’est justement parce que ces détours se multiplient que je prends le clavier pour le souligner. La politique américaine ne manque pas de périodes dures et sombres. On idéalise parfois le passé, alors que l'on passe trop facilement l’éponge sur des «irritants» de l’héritage de quelques grandes figures, mais il me semble que nous atteignons ici le fond de l’abîme.

«Drain the swamp», nettoyons le marécage, se plaisait à répéter le candidat qui allait devenir le 45e président des États-Unis. L’allusion renvoie à la corruption des élus de Washington, D.C., mais aussi à une absence de scrupules ou de morale.

Nous assistons depuis une trentaine d’années à une polarisation ou à une radicalisation des opinions politiques, à tel point que des élus républicains comme Marjorie Taylor Greene évoquent la nécessité d’un divorce entre les citoyens américains, une forme de sécession.

À la radicalisation, on se doit d’ajouter l’abandon de la décence la plus élémentaire. Si Donald Trump n’a pas attendu 24 h après son décès pour discréditer Colin Powell, son fils ridiculise Baldwin plutôt que de se montrer respectueux pour les deux victimes et leurs familles.

Nous en sommes là en 2021. On s’empresse d’effacer le souvenir de l’assaut inédit contre le Capitole, on frappe sur un militaire qui présente une feuille de route remarquable, et on fait de l'argent au détriment d’un adversaire, un acteur et humoriste, même pas un politicien, qui a été victime d’une terrible bourde technique sur le plateau d’un film. 

Tout ça me semble bien peu américain, loin des Américains que j’ai appris à connaître et à apprécier au fil des ans malgré leurs nombreux paradoxes.

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