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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

Donald Trump, de politicien pyromane à faux rédempteur

Photo AFP
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Photo portrait de Josée Legault

Josée Legault

2024-07-16T04:00:00Z
2024-07-16T04:20:00Z
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Pour la plupart des humains, frôler la mort est une expérience profondément transformatrice. La vie, la sienne et celle des autres, prend tout à coup une valeur non négociable. 

Depuis la tentative d’assassinat dont il est sorti avec une oreille écorchée, plusieurs souhaitent qu’il en sera de même pour Donald Trump. Ils rêvent de voir l’ex-président républicain et candidat à la présidentielle renaître métamorphosé pour le mieux.

Ils pensent qu’il remisera pour de bon son populisme ultra-polarisant, sa xénophobie et ses attaques haineuses contre ses adversaires qu’il traite en ennemis mortels. Personne ne cracherait sur un tel prodige. C’est certain.

Donald Trump n’est toutefois pas un être comme les autres. Il est une créature politique à sang froid. Très froid. Il serait donc étonnant qu’un Trump véritablement assagi et consensuel nous émerge tel un Moïse, choisi par Dieu pour libérer son peuple.

Je mentionne Dieu parce que Trump le fait lui-même. Persuadé, a-t-il dit, de lui devoir d’avoir été épargné de la mort.

Bref, son numéro de rescapé divin, immortalisé par les photos iconiques de l’attentat le montrant le poing triomphateur en l’air et le visage ensanglanté, mais pas trop, Donald Trump ne s’en privera surtout pas.

En vue de son discours de jeudi à la convention du Parti républicain, il a même dit qu’il troquerait son discours «extrêmement dur» sur «l'horrible administration» de Joe Biden, pour un appel sacré à «unir le pays».

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Opération de relooking

Or, à moins de voir la main de Dieu descendre des cieux pour le bénir tendrement sur la scène, au lieu d’assister à une épiphanie sincère, les Américains et le monde auront plutôt droit à une opération de relooking politique aussi huilée que factice.

Alors que son adversaire démocrate, le président Biden, est réduit à un objet de curiosité dont les médias scrutent le moindre lapsus ou regard fixe, pourquoi Trump se priverait-il de l’achever politiquement dans l’isoloir en jouant en plus au miraculé de la bonne entente?

Cela ne veut pas dire que le sujet de la violence en politique n’est pas majeur. Il l’est. La violence – verbale, sociale, armée, économique ou raciste – fait partie de l’ADN des États-Unis depuis leur genèse.

Aucun autre pays ne peut prétendre non plus être épargné de son volet politique. Que l’attentat en 2012 au Métropolis contre la nouvelle première ministre Pauline Marois rafraîchisse les mémoires fatiguées.

Comment croire?

Quant au soi-disant Trump nouveau parce que sauvé des griffes de la mort, comment croire qu’au-delà de discours réécrits à des fins purement stratégiques, cet admirateur de Vladimir Poutine se métamorphoserait en Nelson Mandela pour cause d’attentat raté?

Comment croire aussi qu’il en serait de même pour sa propre base, entraînée par lui depuis des années à haïr les démocrates et tout ce qui bouge à «gauche» de son chef? Une base d’autant plus soudée dorénavant par le désir de venger l’attentat raté du 13 juillet.

En novembre 2020, moment de la victoire de Biden contre Trump, j’écrivais qu’on ne saurait sous-estimer les effets toxiques du trumpisme. En quatre ans seulement, l’exercice même de la démocratie en était sorti gravement miné.

Sa recette, j’ajoutais, étant de propager au sein de sa base le rejet des institutions dès qu’elles n’obéissent pas aux diktats de Trump. Face à celles-ci, il l’a fait basculer de la confiance à la méfiance, puis à la défiance et au stade terminal d’une déviance sociétale parfois même violente.

Deux mois plus tard, des centaines d’émeutiers pro-Trump prenaient en effet d’assaut le Capitole dans le but délirant de renverser les résultats d’une élection jugée truquée par leur chef. Résultat: cinq morts.

Alors, jusqu’à preuve irréfutable du contraire, comment croire que même une tentative d’assassinat ferait passer Donald Trump de politicien pyromane à rédempteur béni de l’unité et de la réconciliation?

Les discours, ça s’invente. Mais le réel, lui, ne ment pas.

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