Donald Nixon et Richard Trump

Richard Martineau
Afin de souligner les 50 ans du scandale du Watergate, qui a forcé le président Richard Nixon à démissionner dans la honte et le déshonneur, CNN a diffusé une série documentaire en quatre parties intitulée Watergate : Blueprint for a Scandal.
Parmi les personnes interviewées dans ce documentaire passionnant, il y avait bien sûr les journalistes Carl Bernstein et Bob Woodward, mais aussi plusieurs anciens politiciens et membres de l’administration Nixon, dont John Dean, l’ex-conseiller juridique de la Maison-Blanche qui a témoigné contre son ancien patron.
PAVER LA VOIE À TRUMP
Tous sont d’accord : par son mépris des lois et des institutions, et par sa conviction que lorsqu’un président commet un acte illégal, cet acte devient comme par magie légal, Nixon a pavé la voie à Donald Trump.
« Trump, c’est Nixon sur les stéroïdes et perché sur des échasses », affirme John Dean. Au moins, dans le cas de Nixon, les institutions ont fonctionné.
La Cour suprême s’est tenue debout et des républicains de bonne foi n’ont pas hésité à voter en faveur de la destitution de Nixon...
Bref, l’État a su résister.
Alors que dans le cas de Trump, le Sénat (majoritairement républicain) s’est écrasé devant le président et la grande majorité des républicains ont fait bloc autour de leur chef.
De dire Elizabeth Holtzman, représentante démocrate à la Chambre des représentants de 1973 à 1981 : « Nous avons montré à l’époque comment on devrait se comporter face à un président qui méprise les institutions. Nous avons mis de côté nos différends politiques pour protéger la Constitution.
Malheureusement, aujourd’hui, le contexte n’est plus le même.
« Non seulement les politiciens qui siègent au Sénat et au Congrès ne font pas preuve du même courage et n’ont pas la même force de caractère que les hommes et les femmes qui occupaient ces postes à l’époque, mais les Américains ne basent plus leurs opinions sur un ensemble de faits communs...
« Et ça, ça représente une très grande menace pour la démocratie... »
L’ÈRE DE LA POST-VÉRITÉ
À l’époque du Watergate, les électeurs américains faisaient encore confiance aux médias traditionnels, ils lisaient tous les mêmes reportages, consultaient les mêmes journaux : le Washington Post, le New York Times, etc.
Ils basaient donc leurs opinions sur les mêmes faits.
Des faits vérifiés, corroborés, authentifiés.
Et, si un reporter commettait une erreur, corrigés.
Mais aujourd’hui, avec l’éclatement sans précédent des sources d’information, et la popularité des médias sociaux et des podcasts qui permettent à n’importe qui de dire n’importe quoi sans être redevable à qui que ce soit, il y a presque autant de « faits » que d’individus.
La vérité est devenue une notion hyper relative.
La « vérité » de Joe n’est pas celle de Sam, qui n’est pas celle de Betty.
Comment créer un consensus populaire, dans ce contexte ?
UNE ÉPOQUE CONFUSE
Voilà pourquoi Trump est « Nixon sur stéroïdes ».
Parce qu’il est apparu à une époque de grande confusion où il n’y a plus à proprement parler « d’opinion publique ».
Mais DES opinions publiques. Qui, pour la majorité des électeurs, se valent toutes.
Comment faire barrage à un fou qui rêve de mettre les institutions à sa botte, dans un tel contexte ?