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L'article provient de Bureau d'enquête

Doigts coupés, cartes-cadeaux frauduleuses, voies de faits en prison: Ottawa incapable d'expulser un dangereux criminel vers Haïti depuis 13 ans

L'homme qui a déjà fait partie des dix criminels les plus recherchés a multiplié les démarches pour éviter sa déportation

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Photo portrait de Éric Yvan Lemay

Éric Yvan Lemay

2025-01-13T05:00:00Z
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Le gouvernement canadien est incapable depuis 13 ans d’expulser un criminel violent récidiviste qui a déjà fait partie des dix criminels les plus recherchés du Québec.

Il y a trois semaines, une juge de la cour fédérale a suspendu le renvoi vers Haïti de Samuel Jean-Baptiste. Le montréalais de 39 ans a été condamné pour plusieurs crimes graves dans le passé. Il a notamment coupé les doigts d’une victime lors d’une transaction de drogue qui a mal tourné dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce en 2010. Deux personnes ont été tuées par balle durant cette altercation.

En août 2010, Samuel Jean-Baptiste a été impliqué dans une altercation qui a fait deux morts. Il a notamment coupé deux doigts d'une des victimes.
En août 2010, Samuel Jean-Baptiste a été impliqué dans une altercation qui a fait deux morts. Il a notamment coupé deux doigts d'une des victimes. Agence QMI

Samuel Jean-Baptiste avait ensuite figuré sur la liste des criminels les plus recherchés de la province avant d’être arrêté en octobre 2011.

S’il a été acquitté des chefs d’homicide involontaire, il a été reconnu coupable de vol qualifié d’une grande quantité de cannabis et condamné à 84 mois de prison.

Il a aussi été impliqué dans du trafic de cartes cadeaux frauduleuses et condamné pour s’en être pris à un autre détenu en prison. Dès 2011, il a fait l’objet d’un avis d’expulsion pour grande criminalité.

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Cas exceptionnel

Depuis cette époque, il a multiplié les recours pour éviter d’être expulsé. Une demande d’appel comme celle de Jean-Baptiste est exceptionnelle puisque la loi sur le renvoi des grands criminels a été modifiée sous Stephen Harper. Il est désormais impossible pour ceux qui ont été condamnés à plus de six mois de prison de faire appel. Comme la cause de Jean-Baptiste a débuté en 2011, il a pu contester son renvoi.

En 2015, il a bénéficié d’un premier sursis de sept ans pour des motifs humanitaires, même s’il était détenu en prison. En 2023, ce sursis a été levé par la Commission de l’Immigration et du statut de réfugié et on a jugé qu’il pouvait retourner en Haïti.

«M. Jean-Baptiste a été déclaré coupable de quatre infractions de grande criminalité qui ont conduit à la mesure d’expulsion. Subséquemment à ces crimes, il a récidivé et il a été condamné pour des crimes graves, ce qui aggrave son cas», a écrit l’avocate Annie Lafleur qui a rendu la décision. Qu’il vive au Québec depuis trente ans, qu’il n’ait pas commis de récidive dans les dernières années et qu’il soit le père d’une jeune fille ne sont pas, selon elle, des faits suffisants pour faire pencher la balance en sa faveur.

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Difficultés financières

Au cours des dernières années, il a déclaré de faibles revenus et comptait souvent sur la mère de son enfant ou son père pour l’aider financièrement. Depuis sa sortie de prison en 2017, il a enchaîné les petits boulots avant d’ouvrir un studio d’enregistrement. Il a aussi touché la Prestation canadienne d’urgence (PCU) durant la pandémie.

La commissaire a estimé que les risques de violence liés au chaos politique en Haïti étaient limités puisque son père y retourne lui-même régulièrement.

Le climat politique instable en Haïti a été évoqué par Samuel Jean-Baptiste pour éviter son expulsion vers son pays d'origine. Pourtant, son père y a séjourné régulièrement depuis 2017.
Le climat politique instable en Haïti a été évoqué par Samuel Jean-Baptiste pour éviter son expulsion vers son pays d'origine. Pourtant, son père y a séjourné régulièrement depuis 2017. AFP

Samuel Jean-Baptiste a également soutenu que ses antécédents criminels étaient liés à sa consommation de drogue et qu’il a cessé depuis.

Le 19 décembre dernier, une juge de la cour fédérale a tranché en sa faveur en indiquant entre autres que la décision ordonnant son renvoi ne tenait pas suffisamment compte de sa réadaptation.

Une expulsion qui s’étire

2006: Il participe à une introduction par effraction pour collecter une somme d’argent. Condamné à douze mois d’emprisonnement

2010: Impliqué dans un vol de drogue qui dégénère. Il blesse une personne et deux personnes sont tuées lors de l’altercation. Condamné à 84 mois de prison pour vol qualifié.

2011: Visé par une demande d’expulsion pour grande criminalité

2015: Condamné à trois mois de prison pour une altercation avec un codétenu

2015: Il obtient un sursis de son renvoi de sept ans pour des motifs humanitaires

2016: Une deuxième mesure d'expulsion est émise avant d'être annulée

2017: Il sort de prison

2023: Son renvoi est confirmé

2024: Sa contestation du renvoi est acceptée

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