Documentaire «La grande démission»: «J’étais dans l’engrenage de la routine. J’ai démissionné»
Le nouveau documentaire d'Isabelle Maréchal jette une lumière crue sur le monde du travail

Francis Halin
«J’étais dans l’engrenage de la routine. J’ai démissionné», confie Alexandre Nadeau, qui a abandonné son métier de plombier pour aller travailler avec le collectif des Chillionnaires, qui tourne le dos au travail 9 à 5 réglé au quart de tour.
«On veut “travailchiller”. On travaille tout le temps, mais en “chillant”. On a huit compagnies en immobilier, en événementiel, etc.», explique Alexandre Nadeau, qui ne reviendrait à son ancienne vie pour rien au monde.
«J’ai laissé tomber la soudure après 15 ans pour la foresterie parce qu’être enfermé dans une usine, ça me plaisait plus ou moins», lance à son tour Nelson Grant, de la Coopérative de travailleurs forestiers Eaubois, dans la MRC de La Haute-Gaspésie.

Ces travailleurs qui ont fait une croix sur leur emploi font partie du nouveau documentaire coup de poing d’Isabelle Maréchal, La grande démission, qui est allée aux quatre coins du Québec pour aller à la rencontre des gens qui ont démissionné parce qu'ils n'en pouvaient plus.
Alors qu’une grève en éducation vient de paralyser le Québec, le documentaire lève notamment le voile sur la détresse d’une professeure passionnée, qui a laissé le monde de l'éducation parce qu’elle se sentait écrasée par la lourdeur du système.
«Étouffés par leur travail»
Durant la pandémie, un Québécois sur quatre songeait à changer d’emploi. Pour comprendre cette désertion tranquille, Isabelle Maréchal a tendu le micro et poursuivi sa réflexion entamée dans son documentaire précédent, Les moyens de la classe moyenne.
«Autour de moi, j’ai vu beaucoup de gens étouffés par leur travail», glisse l’intellectuelle en entrevue au Journal.
«Jusqu’à quel point ton emploi doit-il avoir préséance sur tous les aspects de ta vie?» se demande l’animatrice-vedette et femme d’affaires.

Travailleur d’usine, professeure, infirmière... Isabelle Maréchal a pris le temps de tendre l'oreille pour saisir les raisons qui les ont poussés à passer à l’action. Elle a donné la parole à d’autres qui ont choisi le modèle coopératif pour souffler dans un monde du travail rongé par la culture de la vitesse.
«C’est beaucoup de dire “Je démissionne” parce que le travail, c’est le centre de notre vie», résume Isabelle Maréchal, elle-même en affaires depuis l’âge de 16 ans.

Malaise sourd
Dans son documentaire, on sent le malaise sourd qui use la santé de certains. Moins ils donnent du sens à leur travail, plus l'élastique s'étire jusqu'à ce qu'il éclate.
Car s’il y en a encore beaucoup qui sont passionnés par leur boulot, d’autres se sentent esclaves de leur gagne-pain, ce qui les tue à petit feu.

La grande démission commence avec un travailleur qui confie s’être fait dire d’aller moins à la salle de bain boire de l’eau pour éviter de ralentir la cadence de l’usine.
«Il y a de l’espoir si les gestionnaires commencent à s’ouvrir à leur tour. La flexibilité ne peut pas être juste d’un bord», observe Maréchal.
«Les gens ont du pouvoir bien plus qu’ils pensent», conclut-elle.
La grande démission sera diffusée à Télé-Québec le 24 janvier prochain, à 20h.