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L'article provient de TVA Nouvelles

Discours du trône: Mark Carney en fou du roi

AFP
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Claude André, enseignant en science politique

2025-05-06T04:00:00Z
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Pour son entrée en scène, le nouveau premier ministre canadien, Mark Carney, fait preuve d’une naïveté déconcertante. Il en fallait pour croire qu’inviter le roi du grand-guignol, Charles III, allait plaire à tout le monde. En pensant jouer la carte d’une monarchie «rassembleuse», Carney révèle surtout sa méconnaissance crasse des réalités politiques du pays qu’il s’apprête à gouverner. Résultat? Une manœuvre qui, loin de flatter l’unité canadienne, risque de raviver les tensions, en particulier au Québec.

Un peu d’histoire. Ce geste s’inscrit dans la longue tradition monarchiste britannique, ancrée depuis la Conquête de 1760, lorsque la Nouvelle-France a été arrachée aux colons français à la pointe du canon. La domination fut ensuite renforcée par l’arrivée des loyalistes fuyant la Révolution américaine dès 1776, ces farouches antirépublicains qui ont façonné le Canada anglais, toujours viscéralement attaché à la couronne. Rappelons qu’avant ces conquêtes, ce territoire était habité par les Premières Nations depuis des millénaires, bien avant que les premiers explorateurs et colons européens n’y posent le pied. Ce sont les colons français qui ont bâti ici la Nouvelle-France, avant qu’elle ne soit conquise par la force et placée sous domination britannique – domination qui imprègne encore aujourd’hui nos lois, nos institutions et la vision politique qui nous est imposée. D’un côté, le Québec, ce village gaulois nord-américain, fidèle à la tradition républicaine française. De l’autre, le Canada anglais, solidement enraciné dans l’héritage monarchiste anglo-saxon. Deux visions fondamentalement irréconciliables. Le Canada n’est pas un mariage heureux: c’est une construction artificielle où le Québec est perpétuellement marginalisé, sommé de se plier à une monarchie qui lui est foncièrement étrangère.

Élite monarchique. Le geste de Carney en est une nouvelle preuve éclatante: ce Canada, si prompt à se dire moderne, reste prisonnier de ses vieux réflexes monarchistes. Et nous, au Québec, nous devons assister – encore une fois – à ce grand cirque médiatique, avec ses carrosses clinquants, ses uniformes empesés et ses rituels surannés, qui glorifient une caste dont la seule «compétence» consiste à être née au bon endroit. Les orangistes canadiens, les colonisés du tape-à-l’œil et les clones d’Elvis Gratton jubilent déjà: «Charles va venir fouler le sol canadien!». Et tant pis si c’est pour y lire, sans éclater de rire devant un tel anachronisme, un discours à la fois creux et infantilisant. On nous dira encore: «Ce n’est qu’un pouvoir symbolique!». Mais cette mascarade nourrit depuis toujours, en filigrane, l’idée qu’une élite monarchique ou financière est mieux placée que le peuple pour diriger. Entre le roi clinquant qui a rongé son frein jusqu’à l’âge de 73 ans et le modeste «Roi de la patate» du coin, je choisirai toujours le plus sympathique des deux.

Photo: Mirabelle Ricard
Photo: Mirabelle Ricard

Claude André
Enseignant en science politique
Cégep de Rosemont

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