L’engouement pour le suif de bœuf arrive au Québec et des nutritionnistes appellent à la modération
Promu par Robert F. Kennedy Jr., ce produit gras était souvent jeté aux poubelles des boucheries il y a quelques années


Félix Desjardins
Le suif de bœuf prend du galon aux États-Unis et au Québec, où ses adeptes le préfèrent aux huiles végétales et vantent parfois ses prétendues vertus.
Le suif de bœuf est le gras des rognons à l’intérieur de la cage thoracique du bœuf. Il était le secret du célèbre goût des frites du McDonald’s, jusqu’à ce que la chaîne le remplace par des huiles végétales sous la pression de militants pour la santé cardiovasculaire, en 1990.

Une trentaine d’années plus tard, promu par le controversé secrétaire à la Santé et aux Services sociaux des États-Unis, Robert F. Kennedy Jr., le suif de bœuf est passé des oubliettes aux tablettes des boucheries.

«La tendance a commencé il y a à peu près deux ans, estime Dominique Rioux, bouchère et autrice du livre de recettes Carnivore. À la boucherie, avant, on n’en vendait vraiment pas beaucoup.»
«On se le fait demander de plus en plus, corrobore Jules Pelletier, de la Boucherie Capitol, à Montréal. Plutôt que de s’en débarrasser comme avant, on le vend. On peut faire cuire n’importe quoi avec ça.»
Un engouement réel

Yannick Daudelin, de Drummondville, en utilise comme matière grasse presque tous les jours. Plus de 1100 personnes ont réagi à sa publication sur Facebook où il décrit le suif de bœuf de Realgood Foods comme «le secret le mieux gardé» du Costco.
«Je lis souvent sur de nouveaux courants de nutrition, explique-t-il au bout du fil. Je m'y suis intéressé après que RFK Jr. en a fait la promotion. Si je fais cuire de la viande, je l’utilise pour remplacer l’huile végétale.»
Une question d’équilibre

Les nutritionnistes sondées par Le Journal appellent toutefois à la prudence concernant l’utilisation exclusive de gras saturés comme le suif de bœuf ou le beurre de coco, deux options promues sur les réseaux sociaux dans les dernières années.

«Ça va contre toute logique scientifique et nutritionnelle, estime Stéphanie Côté, détentrice d’une maîtrise en nutrition sportive. Comme n’importe quoi en alimentation, la meilleure option est de varier les sources de matière grasse.»
Selon la docteure en nutrition Isabelle Huot, le meilleur investissement pour protéger sa santé est une huile d’olive extra-vierge.
«C’est le meilleur corps gras pour la santé, confirme-t-elle. Si tu fais une frite dans le suif de bœuf de temps en temps et que tu aimes ça, tant mieux, mais ce n’est pas quelque chose qu’on devrait utiliser au quotidien.»
Tolérant à la chaleur
Au-delà des théories concernant ses bénéfices pour la santé, le suif de bœuf est aussi populaire pour son bon goût et sa tolérance à la chaleur, ce qui le rend particulièrement utile pour les fritures.
«Quand tu fais fondre un gras régulier, il va rester des petits bouts qui vont avoir frit, qu’on appelle des grattons, précise Dominique Rioux. Il y en a beaucoup moins dans le suif de bœuf, donc on a moins de perte. C’est particulièrement populaire pour le plum-pudding traditionnel; on en vendait seulement avant Noël avant!»
Prioriser les gras insaturés
La popularité du suif de bœuf est intimement liée aux reproches attribués aux huiles végétales, qui contiennent de l’acide linoléique, de la famille des oméga-6. Contrairement à une croyance populaire, les oméga-6 ne sont pas néfastes pour la santé; en quantité raisonnable, ils contribuent même à réduire le mauvais cholestérol, selon la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC du Canada. «Le type de gras que l’on consomme a davantage d’impact sur la santé que la quantité de gras consommée. C’est pourquoi il est important de choisir des gras insaturés [comme les huiles végétales], le type le plus sain.»

Malgré de nombreux débats sur les effets des gras saturés sur la santé, les experts s’entendent sur un fait: les gras saturés naturels sont beaucoup moins néfastes que les gras saturés présents dans les produits transformés comme les croustilles et la crème glacée. «Les gens recherchent toujours des solutions et des régimes miracles et sont prêts à s’embarquer dans pas mal n’importe quoi, déplore Isabelle Huot. Commencez par manger moins transformé et vous allez voir, vous allez être en pas mal meilleure santé!»