Desserte régionale: «Il manque une bonne centaine de pilotes d’expérience»
L’économie de plusieurs coins pourrait être fragilisée si l’on n’arrivait pas à former assez de pilotes pour les desservir


Francis Halin
Le Québec fonce droit dans le mur parce qu’il n’y a pas assez de pilotes d’avion et que l’on se prive maintenant en plus des étudiants étrangers venus en renfort.
«Il manque une bonne centaine de pilotes d’expérience. On n’en a pas assez formé il y a quatre ou cinq ans», s’inquiète Thierry Dugrippe, copropriétaire fondateur et directeur de l’école de pilotage Air Richelieu, à Saint-Hubert.
«On avait 30% d’étudiants étrangers. On aura 4% ou 5% cette année. Ça n’a aucun sens», ajoute celui qui en forme plus d’une centaine chaque année sur la Rive-Sud de Montréal.
Ces derniers mois, le fédéral a coupé le robinet des travailleurs étrangers temporaires (TET). Il a également limité le nombre d’étudiants étrangers.
Or, selon Transports Canada, près d'un tiers des licences de pilotes de ligne émises au pays l'an passé sont des citoyens étrangers. Cela pose un immense problème pour le transport aérien d'après lui.

Sur la piste de décollage, ces changements de règles ont des effets dévastateurs, selon lui.

En faisant visiter son école, il tire à boulets rouges sur les gouvernements.
«On scie la branche sur laquelle on est assis», soupire M. Dugrippe.
Sans parler des exigences linguistiques trop sévères à son goût au Québec qui rebutent plusieurs jeunes à venir s’établir ici, selon lui.
À côté de lui, Suzanne Benoit, PDG de l’Association québécoise du transport aérien (AQTA), rappelle qu'on dénombre 40 000 postes à pourvoir en aéronautique ces 10 prochaines années au Québec.
«Le grand enjeu, c’est la pénurie de pilotes au Québec. Il faut des vols plus réguliers en région», souffle-t-elle.

Cloués au sol
Celle qui fréquente les milieux de l’aviation depuis des décennies en sait quelque chose.
Nos petits aéroports en arrachent quand vient le temps d’embaucher des pilotes.
Suzanne Benoit se demande d’ailleurs comment les dirigeants de PME et du Québec inc. vont faire pour développer l’économie régionale s’ils n’arrivent pas à se mouvoir vite.
«On nous dit de nous approvisionner localement avec l’effet Trump. Comment voulez-vous que les gens d’affaires se déplacent en région?» s’interroge-t-elle à voix haute.
Dans l’industrie, c’est un secret de polichinelle que les Air Canada viennent piger dans la pépinière des pilotes d’expérience des plus petits, comme Pascan et Air Creebec.

Et les Québécois?
Quand on demande à Thierry Dugrippe, d’Air Richelieu, pourquoi les jeunes d’ici ne ressentent pas assez l’appel du métier de pilote, il a son hypothèse.
La formation n’est d’abord pas pour tous. Devant plus de 100 000$, plusieurs familles ne peuvent tout simplement pas se le permettre.
Ensuite, ne devient pas pilote qui veut. Il faut, par exemple, avoir réussi son cours de physique avancé de cinquième secondaire (pour le Diplôme d'études collégiales). On doit également passer un examen médical.
• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Richard Martineau, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
À la sortie de l’école, Le Journal croise Cindy Beausse, 22 ans, une étudiante qui fait son attestation d’études collégiales (AEC) de deux ans.
«Les femmes ont encore beaucoup de place à se faire dans l’aviation, exprime-t-elle. J’ai envie de passer ma licence hydravion. J’aimerais travailler sur différents types d’avions dans plusieurs pays pour voyager et découvrir», précise-t-elle.