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L'article provient de TVA Nouvelles
Monde

Des transfusions sanguines reçues contre son gré: une Témoin de Jéhovah poursuit l'Espagne

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Agence France Presse

2024-01-10T13:36:20Z
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Elle voulait être soignée «conformément à sa conscience»: une Témoin de Jéhovah a poursuivi l'Espagne devant la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) mercredi pour des transfusions sanguines reçues contre son gré.

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Rosa Edelmira Pindo Mulla, Équatorienne de 53 ans, a déposé en mars 2020 une requête devant cette cour, qui statue sur les violations de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme dans les 46 pays qui ont ratifié ce texte.

Lors de l'audience mercredi devant la Grande Chambre de la CEDH, sa formation suprême, un de ses avocats, Petr Muzny, a affirmé qu'elle avait été «victime de paternalisme médical».

«Immigrée sud-américaine» parlant espagnol avec un accent, «petite femme», membre des Témoins de Jéhovah qui sont «souvent l'objet de préjugés et de stéréotypes», Mme Pindo Mulla était une «cible facile pour ce paternalisme médical», a-t-il asséné.

Mouvement fondé dans les années 1870 aux États-Unis par Charles Russell, les Témoins de Jéhovah se considèrent comme les seuls à restituer un christianisme des origines. Ils sont régulièrement accusés de dérives sectaires pour leurs préceptes rigoristes, parmi lesquels le refus des transfusions sanguines.

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Pour Me Muzny, Mme Pindo Mulla voulait «être soignée conformément à sa conscience», et l'«avait signalé à plusieurs reprises».

Représentant le gouvernement espagnol, Heide-Elena Nicolas Martinez a souligné de son côté le contexte de «grande urgence» dans lequel une décision a été prise quant aux soins prodigués à Mme Pindo Mulla.

L'affaire remonte à juillet 2017: après des examens médicaux, il avait été conseillé à Mme Pindo Mulla de se faire opérer.

Elle avait alors fourni trois documents – des directives anticipées, une procuration de longue durée et un formulaire de consentement éclairé –, dans lesquels elle indiquait qu'elle refusait de recevoir toute transfusion sanguine, même si sa vie était en danger. Elle précisait qu'elle acceptait tout traitement médical n'impliquant pas l'usage de sang.

«Violée»

Le 6 juin 2018, Mme Pindo Mulla a été admise à l'hôpital de Soria, où elle réside, avant d'être transférée le lendemain dans un hôpital madrilène en raison d'une hémorragie.

Après avoir appris qu'elle était Témoin de Jéhovah, les anesthésistes de cet hôpital ont sollicité l'avis du juge de permanence qui a autorisé toute intervention médicale nécessaire pour lui sauver la vie.

Mme Pindo Mulla a alors subi une intervention chirurgicale et reçu des transfusions sanguines.

Lorsqu'elle l'a appris, elle a pleuré, se sentant «scandalisée», «violée», a raconté Me Muzny, tandis que sa cliente l'écoutait, assise à ses côtés, le visage fermé. Elle ne s'est pas exprimée pendant l'audience.

«La situation exigeait une réponse très rapide», a insisté Me Nicolas Martinez, représentant le gouvernement espagnol. «Après avoir établi qu'il existait effectivement une situation de danger grave et imminent pour la vie de la patiente» et «compte tenu du manque de certitude absolue» quant à sa volonté en ce moment précis, le juge «a autorisé les médecins à appliquer le traitement médical nécessaire pour lui sauver la vie», a-t-elle expliqué.

S'adressant aux 17 juges, son confrère Alfonso Brezmes Martinez de Villareal a déclaré: «Après avoir quitté cette salle, vous devrez mesurer le message que vous souhaitez envoyer aux autorités sanitaires qui consacrent leur vie à sauver celle d'autres personnes dans des situations très urgentes et difficiles».

«Droit absolu de refuser»

Après avoir attaqué la décision du juge de permanence et perdu en justice en Espagne, Mme Pindo Mulla avait introduit un recours devant la CEDH, invoquant les articles 8 (droit au respect de la vie privée) et 9 (droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion) de la Convention européenne des droits de l'Homme.

Un de ses avocats, Shane Brady, a invité la cour à statuer qu'«un patient ayant toutes ses capacités mentales a le droit absolu de refuser toute intervention chirurgicale ou tout traitement recommandé, même si cette opération ou ce traitement est vu comme médicalement indispensable».

Cette décision pourrait «apporter une sécurité juridique et améliorer la communication médecin-patient au bénéfice de tous les patients», a-t-il souligné.

À l'issue de l'audience, la Cour a mis sa décision en délibéré. Celle-ci devrait être connue dans quelques mois.

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