Des trafiquants de Québec ne veulent plus payer la «taxe» de 10% aux Hells Angels
Ce conflit pourrait être à l’origine d’au moins trois événements violents survenus dans la capitale, dont un meurtre
Kathryne Lamontagne, Eric Thibault et Jonathan Tremblay
Le milieu des stupéfiants est sur les dents à Québec, alors que des trafiquants ne veulent plus payer aux Hells Angels la « taxe » de 10 % leur permettant d’écouler leur drogue dans la capitale.
« Il y a une grosse guerre à Québec en ce moment », avance sans hésiter une source policière, qui n’est pas autorisée à parler aux médias.
Notre Bureau d’enquête a appris que des trafiquants affiliés aux gangs de rue d’allégeance rouge et des indépendants souhaiteraient s’affranchir du modèle d’affaires instauré par les motards criminels il y a de cela plus d’une décennie.
« Ils ne veulent plus payer de redevances aux Hells. Rien », expose un informateur.
- Écoutez l'entrevue avec Roger Ferland, enquêteur au Service de police de la Ville de Québec à la retraite à l’émission d’Alexandre Dubé via QUB radio :
Conflit
Selon la thèse privilégiée par les forces policières, cette situation découlerait d’un conflit entre David « Pic » Turmel, la tête dirigeante du Blood Mafia Family (ou BMF), et Mathieu Pelletier, membre en règle des Hells Angels, dont le père, Marc, est l’un des Hells ayant fondé le chapitre de la bande à Québec en 1988.

Turmel, 27 ans, qui serait en fuite à l’extérieur du pays selon nos informations, est recherché par les policiers depuis le mois de juillet dans le projet d’enquête Malsain en lien avec une série de crimes violents.
Meurtre à Limoilou
Ce conflit et le non-paiement de la taxe aux Hells Angels constitueraient l’une des pistes étudiées pour expliquer au moins trois événements violents survenus à Québec au cours des derniers mois.
Les policiers auraient envisagé cette thèse lors du meurtre de Keven Plante-Ménard, le 23 août dernier, dans Limoilou. Le jeune de 25 ans, qui était « coincé » dans l’univers de la drogue selon ses proches, aurait reçu un projectile d’arme à feu en pleine poitrine, alors qu’il se trouvait dans son appartement. Aucune arrestation n’a eu lieu dans cette affaire.
D’autres crimes violents se seraient aussi produits en lien avec cette situation tendue. En mars dernier, la résidence de Mathieu Pelletier aurait été visée par des balles, alors que la voiture du rappeur Fou furieux, dont le nom est Dominic Simard et qui est aussi membre du club-école des Hells, les Red Devils, aurait été incendiée, à la fin août.

« Taxe de vente des Hells »
La règle veut que tous les réseaux de trafiquants – qu’ils soient dirigés ou non par les Hells Angels – paient systématiquement une « taxe » représentant 10 % de leurs recettes pour pouvoir opérer sur le territoire contrôlé par les motards.
Ce serait la première fois qu’un gang ose se frotter aux Hells depuis la fin de la guerre des motards, qui opposait les « anges de l’enfer » aux Rock Machine pour le contrôle du marché québécois de la drogue et qui a fait plus de 165 morts entre 1994 et 2001.
La situation actuelle est d’autant plus surprenante que notre Bureau d’enquête dévoilait, au printemps, que les Hells Angels exerçaient une « emprise totale » sur le marché de la drogue à Québec et que les règlements de compte liés aux stupéfiants y étaient alors rares.
Le chapitre « Quebec city », qui a souligné en mai dernier ses 35 ans, est devenu une entreprise familiale qui se transmet d’une génération à une autre, selon les services de renseignements policiers.
-Avec Félix Séguin
Mauvaise idée de ne pas payer
Les Hells Angels n’ont jamais eu l’habitude de se montrer tendres par le passé envers ceux qui souhaitaient échapper au paiement de leur taxe.
- En 2019, le revendeur Francis Turgeon était abattu devant sa résidence parce qu’il aurait refusé de payer sa redevance aux Hells Angels pour vendre sa drogue à Repentigny. Le trafiquant devait, semble-t-il, quelque 80 000 $ au puissant groupe criminel.
- En 2016, les deux principaux dirigeants du défunt chapitre ontarien Nomads des Hells, Martin Bernatchez et Philippe « Crazy » Boudreault, ont été blessés par balles dans des tentatives de meurtre parce qu’ils auraient cessé de payer leur « loyer » alors qu’ils faisaient affaire au Québec.
Le Blood Mafia Family (BMF)
Le Blood Mafia Family est connu de la police comme un gang de rue « rouge » très actif dans le trafic de stupéfiants sur la Rive-Sud de Québec. Ses membres ont des liens étroits avec ceux du gang montréalais Profits Boys, que les autorités identifient parmi les principaux responsables de la flambée de violence armée dans le nord-est de la métropole depuis 2019.
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