Est-ce que les tampons en coton bio sont meilleurs pour l'environnement?

Élizabeth Ménard
Plusieurs marques de produits menstruels se positionnent comme étant écologiques en offrant des tampons faits de coton biologique exempts de certaines substances chimiques. Ces produits sont-ils vraiment plus respectueux pour l’environnement? Et qu’en est-il de la santé? On fait le point.
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Les faits:
Près de 2700 tonnes de déchets seraient produites chaque année au Québec à cause des protections menstruelles jetables*. C’est l’équivalent de 54 000 sacs de poubelle (50L) remplis de serviettes sanitaires, de tampons et de leurs emballages, chaque année!
En plus des déchets que les produits menstruels génèrent, leur fabrication a aussi de multiples impacts sur l’environnement à cause de l’utilisation de l’eau et du territoire nécessaires, la pollution qu’elle entraîne et l’émission de gaz à effet de serre, pour ne nommer que ceux-là.
L’utilisation de protections jetables soulève aussi des questionnements de santé quant à la présence de produits chimiques comme des agents blanchissants, entre autres.
Pour répondre à ces inquiétudes, on a vu apparaître sur le marché des produits menstruels en coton biologique. La plupart d’entre eux sont présentés comme étant exempts de blanchiment au chlore, parfum et colorant.
Pour ce reportage, nous nous sommes intéressés spécifiquement aux tampons de coton biologique de trois marques: Tampax pure cotton, Personnelle eco et L.
Tampax Pure cotton

Tampons avec un «coeur» en coton biologique, certifié Organic 100, et un applicateur «à base de plantes à 90%». Sans blanchiment au chlore, parfums ni colorants.
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Quand on s’attarde aux ingrédients, on apprend toutefois que le tampon Tampax Pure cotton contient tout de même du polypropylène et du polyester (des plastiques), de la paraffine, de la glycérine et qu’il est blanchi au dioxyde de titanium.
Les tampons sont emballés individuellement dans un plastique non-recyclable au Québec. Le tout est présenté dans une boîte de carton recyclable sur laquelle on voit des fleurs de coton blanches.
Ils sont fabriqués aux États-Unis. Tampax est une marque de Procter & Gamble (P&G).
En début d’année, une demande d’action collective contre P&G a été déposée par un groupe de femmes qui ont fait analyser les Tampax Pure cotton et affirment qu’ils contiennent des «contaminants éternels» (PFAS) potentiellement dangereux pour la santé.
«P&G sait bien que les consommateurs désirent éviter les produits chimiques potentiellement nocifs, c’est exactement pourquoi ils se sont engagés dans une campagne de marketing agressive qui vise à convaincre les consommateurs que ces tampons sont une alternative «pure» et «naturelle» aux protections menstruelles traditionnelles sans ingrédients potentiellement nocifs comme les PFAS», peut-on lire dans la poursuite.
Personnelle eco

Ici aussi, on parle d’un «coeur absorbant fait de coton 100% biologique», mais on ne mentionne pas d’autres ingrédients. Contacté par 24 heures, le Groupe Jean Coutu, propriétaire de la marque Personnelle assure qu’ils contiennent uniquement du coton biologique. Questionné sur l’agent blanchissant, on précise que c’est du peroxyde d’hydrogène. Aucune écoétiquette ne certifie l’absence de chlore.
L’applicateur est en bioplastique «90% ou plus d’origine végétale».
Les tampons sont emballés individuellement dans un plastique non-recyclable au Québec. Ils sont présentés dans une boîte de carton recyclable sur laquelle le mot «eco» est écrit en gros. On y voit des feuilles vertes et une fleur de coton. L’écoétiquette ICEA certifie que le produit renferme effectivement du coton biologique.
L.

Outre son «coeur 100% coton», les tampons de la marque L. contiennent aussi du polyester (un plastique), de la glycérine, de la paraffine et sont blanchis au dioxyde de titanium.
L’applicateur est en plastique «sans BPA». Les tampons sont emballés individuellement dans un plastique non-recyclable au Québec agrémenté de feuilles vertes. Ils sont présentés dans un contenant de plastique transparent également non-recyclable au Québec, fait de plastique recyclé à 30%.
L. est une marque de Procter & Gamble.
L’an dernier, une demande d’action collective a été déposée, alléguant que les tampons L. sont faussement publicisés comme étant 100% coton alors qu’ils contiennent en réalité d’autres ingrédients.
Analyse:
Il n’y a pas d’avantage clair pour l’environnement à utiliser des tampons en coton biologique ni même des applicateurs «à base de plantes» (des bioplastiques).
Peu d’études comparatives des différentes protections menstruelles ont été réalisées et aucune dans le contexte québécois particulier et avec les produits des marques mentionnées ci-haut.
Mais ce qui ressort des études existantes, c’est que l’argument environnemental n’est pas appuyé par la science.
Dans au moins une étude récente, on conclut même que les tampons de coton biologique ont un impact négatif plus élevé que leur alternative non biologique. C’est en partie parce que le coton biologique a besoin de plus de terre, d’eau et d’énergie pour produire la même quantité qu’une culture non-biologique.
Les applicateurs, qu’ils soient de plastique conventionnel ou de plastique «à base de plantes» doivent être jetés à la poubelle et non au compost ou au recyclage. Le potentiel de décomposition des bioplastiques est incertain.
Ces options présentées comme étant écologiques génèrent donc autant de déchets que leur alternative conventionnelle.
Et pour la santé?
La conclusion est similaire pour l’aspect santé de ces tampons. Malgré qu’on les présente comme étant «purs», naturels ou peut-être sans danger parce qu’ils ne contiennent pas certains ingrédients, rien ne permet de croire qu’ils sont plus sécuritaires que les autres tampons.
Il est vrai qu’il vaut mieux utiliser des protections hygiéniques sans colorants ni fragrances, mais plusieurs produits menstruels qui ne se positionnent pas comme étant «purs» ou naturels en sont, eux aussi, exempts.
Quand on s’attarde à la liste d’ingrédients des tampons de coton biologique, on constate que plusieurs marques utilisent tout de même des produits potentiellement inquiétants.
«Pour bien comprendre les risques potentiels des tampons sur la santé à long-terme, qu’ils soient biologiques ou non, les chercheurs doivent d’abord répondre à une série de questions», mentionne la chercheuse postdoctorale de l’Université Berkeley Jenni Shearston, dans Consumer Report. Quels contaminants sont présents dans les tampons? Ensuite, est-ce que certains de ces contaminants entrent dans le corps? Et est-ce qu’ils le font dans des concentrations assez élevées pour inquiéter?» explique-t-elle.
Selon les informations disponibles, les tampons de coton biologique ne réduiraient pas le risque de Syndrome du choc toxique (SCT). Les conditions exactes dans lesquelles la bactérie qui cause le SCT se développe ne sont pas encore complètement comprises.
Verdict:
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L’offre de tampons de coton biologique exempts de certains ingrédients potentiellement nocifs tient beaucoup plus de la mise en marché et du marketing que d’un quelconque argument environnemental ou de santé. Il n’y a pas d’avantage clair à utiliser ces produits plutôt que leur alternative non-biologique.
Vous aimeriez savoir si un produit de consommation présenté comme écologique l'est réellement? Écrivez à notre journaliste. Elle pourrait l'analyser dans un prochain article: elizabeth.menard@quebecormedia.com.
La vraie solution:
Ce que les études ont démontré de façon très claire, c’est que l’option la plus écologique est, de loin, la coupe menstruelle. Il s’agit d’un dispositif qu’on insère dans le vagin et qui récolte le sang menstruel. On la stérilise une fois par mois avec de l’eau bouillante.
La coupe est généralement reconnue comme étant sans danger pour la santé puisqu’elle est faite de silicone chirurgical. Son impact environnemental serait de 95% à 99% moindre que le tampon conventionnel. Pour réduire au maximum son empreinte écologique, on peut la stériliser en faisant bouillir l’eau à l’aide d’une bouilloire électrique qui utilise moins d’énergie qu’une cuisinière.
Son avantage environnemental est tellement important que même si on l’utilise seulement durant une année, plutôt que les 10 ans mis de l’avant par les fabricants, elle demeure plus écologique que les protections jetables.
Autrefois vendue dans des boutiques écologiques, on la trouve maintenant dans un grand nombre de pharmacies.
Ceci étant dit, tout le monde n’est pas à l’aise avec la coupe menstruelle. Certaines personnes ne la trouvent pas confortable ou n’aiment pas l’idée d’insérer quelque chose dans leur vagin.
Si c’est votre cas et que vous voulez tout de même faire un choix éclairé, voici notre Palmarès des protections menstruelles:
Si on regarde seulement l’aspect environnemental, on peut classer les protections menstruelles ainsi (la première position étant la plus écologique) :
- Coupe menstruelle
- Culottes menstruelles
- Serviettes sanitaires lavables
- Tampons (biologiques ou pas)
- Serviette sanitaire (biologique ou pas)
Plusieurs facteurs peuvent toutefois influencer ce classement, il faut donc le regarder avec prudence. Par exemple, une culotte menstruelle fabriquée en Inde, puis importée au Québec, a un impact environnemental bien plus important qu’une autre fabriquée ici.
* Selon un calcul d'Estelle Louineau, du CIRAIG, à l'émission Moteur de recherche, Radio-Canada, 13 octobre 2021.