Des retombées de 100 millions chaque année grâce aux Nordiques?
En mars 1995, Chris Simon à l’œuvre pour les NordiquesPHOTO ALAIN LESIEUR / LES ARCHIVES JOURNAL DE QUÉBEC
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Stéphane Cadorette
2025-05-25T23:00:00Z
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Le 25 mai 1995, les Nordiques s’en allaient. Trente ans plus tard, Le Journal a consulté de nombreux intervenants en demandant: «Et s’ils étaient restés?». À quoi ressemblerait la ville, la rivalité, le hockey au Québec... Notre dossier vous propose d’imaginer cet univers parallèle malheureusement fictif, mais fascinant.
Si une offre de la dernière chance était survenue à minuit moins une en mai 1995 pour sauver les Nordiques, on peut se demander à quel point le portrait de Québec serait différent. Un chercheur canadien spécialisé en économie du sport estime que 100 millions en retombées économiques annuelles dans un marché similaire à Québec, c’est loin d’être de la science-fiction.
Norman O’Reilly est le doyen de la Faculté des affaires à l’Université de la Nouvelle-Angleterre. Ontarien d’origine, il est directeur du centre de recherche en innovation et en économie du sport.
En 2014, il publiait une étude rigoureuse quant à l’impact économique de la présence des Sénateurs à Ottawa, un marché souvent comparé à Québec.
Ses travaux ont révélé que chaque année, quelque 118 000 personnes de l’extérieur de la région d’Ottawa-Gatineau se rendent dans la capitale fédérale pour assister à des matchs des Sénateurs.
Au moment de cette étude, les touristes dépensaient 5,7 millions pour l’achat de leurs billets à Ottawa et chacun d’entre eux ajoutait des dépenses personnelles de 535,26 $ par jour en moyenne dans la ville.
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Doyen à la Faculté des affaires de l’Université de la Nouvelle-Angleterre, Norman O’Reilly a réalisé une étude sur l’impact économique des Sénateurs à Ottawa. Il estime que l’impact serait similaire pour les Nordiques à Québec.PHOTO FOURNIE PAR NORMAN O'REILLY
À cela, il faut ajouter une panoplie d’autres retombées, comme les matchs en séries, les événements spéciaux associés à la présence des Sénateurs (comme le match des étoiles) et les dépenses des équipes adverses (chiffrées à plus de trois millions par année).
«La présence d’un club à Québec aurait certainement attiré des gens en voyage dans la ville juste pour le hockey. On parle de 535$ de dépenses par personne provenant de l’extérieur par jour de match, il y a 10 ans. Imaginez l’impact pendant 30 ans, juste à ce niveau-là», mentionne Norman O’Reilly lors d’un entretien avec LeJournal.
Des impacts indirects
Évidemment, le chercheur émet un bémol dans le cas de Québec puisque le Centre Vidéotron a été construit avec les deniers publics.
Mais même dans ce contexte, les Nordiques constitueraient un important moteur économique et l’investissement public aurait été comblé à long terme.
En prenant en compte ce qu’il appelle les impacts «indirects et intangibles», il évalue même que l’impact économique annuel des Sénateurs à Ottawa serait davantage de l’ordre de 204 millions. De l’arrivée des Sénateurs dans la LNH en 1992 jusqu’à la publication de l’étude en 2014, ils auraient généré 3 milliards.
Sans faire un simple copier-coller des chiffres, M. O’Reilly imagine facilement l’impact puissant que les Nordiques auraient exercé sur Québec lors des 30 dernières années.
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«Combien de fois des joueurs des Nordiques visiteraient des hôpitaux ou lanceraient des fondations dans la région? À quel point tout cela bonifie l’image de marque de Québec? La ville fait parler d’elle et des gens peuvent vouloir y vivre ou la visiter. On ne parle pas ici d’impact économique direct, mais c’est quand même un gain. L’effet positif ne se limite pas aux chiffres directs et on peut les évaluer», plaide-t-il.
L’image positive du sport
Le constat est similaire pour l’analyste économique Mario Lefebvre. Ce dernier a été au Conference Board du Canada de 1998 à 2013 en plus de publier le livre Power Play: The Business Economics of Pro Sports.
«Là où il peut y avoir un gros impact économique, c’est si on peut me prouver que les Nordiques attireraient beaucoup de gens de l’extérieur et qu’on peut me faire l’argument que touristiquement, il y a des nuitées d’hôtels ou des dépenses en restaurant additionnelles. C’est là que Québec a probablement perdu le plus depuis 30 ans», indique-t-il.
M. Lefebvre se dit pleinement conscient que le débat à savoir si une équipe sportive génère vraiment des retombées divisera toujours, peu importe les résultats des études sur le sujet.
« Si vous mettez 10 économistes dans une pièce pour parler de tout ça, vous allez en ressortir avec 11 opinions différentes! » lance-t-il en riant.
- Mario Lefebvre, conseiller économique et ancien membre du Conference Board du Canada
PHOTO TIRÉE DE LINKEDIN
«Personnellement, je crois beaucoup au sport professionnel. Ça me choque toujours quand j’entends qu’il faut mettre des millions en argent public sur une maison de la culture ou une maison de l’opéra, mais que lorsqu’on parle d’un aréna ou d’un stade, ce n’est pas approprié. Pourquoi lancer la pierre plus à un qu’à l’autre?» questionne-t-il.
Selon lui, la présence d’une équipe sportive comme les Nordiques contribue à créer une perception positive de la ville.
«J’ai déjà donné une entrevue à Sports Illustrated et le journaliste m’avait mentionné que depuis le départ des Expos, les jeunes Américains ne savaient plus où Montréal se situait. Le fait de perdre une équipe fait aussi dire aux gens et aux investisseurs que Montréal ou Québec: est-ce que l’économie va vraiment bien?»