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L'article provient de Le Journal de Montréal
Affaires

Produits conçus pour briser vite: Québec devrait-il agir contre l'obsolescence programmée?

Les libéraux ont déposé un projet de loi afin régler le problème

Serge Giguère répare des appareils électroniques de toutes sortes depuis plus de 50 ans dans le commerce ouvert par son père Réal il y a 70 ans. Aujourd’hui, il a toutes les misères du monde à trouver des pièces pour réparer les nouveaux téléviseurs.
Serge Giguère répare des appareils électroniques de toutes sortes depuis plus de 50 ans dans le commerce ouvert par son père Réal il y a 70 ans. Aujourd’hui, il a toutes les misères du monde à trouver des pièces pour réparer les nouveaux téléviseurs. Photo Julien McEvoy
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Photo portrait de Julien McEvoy

Julien McEvoy

2023-02-18T05:00:00Z
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Réparer une télévision relève de l’exploit en 2023, notamment en raison du manque de pièces. Un projet de loi déposé par les libéraux à Québec souhaite régler le problème en imposant de lourdes amendes aux fabricants.

« De nos jours, ça se répare de moins en moins », lance Serge Giguère, 65 ans, dans son magasin Réal Giguère TV de la rue Marie-Anne, à Montréal. 

Réparateurs de père en fils, les Giguère sont installés au même endroit depuis 1950. Le commerce déborde d’ailleurs d’appareils qui datent de 1940 à aujourd’hui. 

Serge tient commerce avec son frère Alain, 63 ans. 

« Quand on va s’en aller, il n’y en aura plus. On est parmi les derniers réparateurs », dit le benjamin.

Pour l’instant, les deux sexagénaires sont toujours là, et leur problème pour réparer les téléviseurs, c’est le manque de pièces. 

« J’ai une Toshiba vieille de deux ans, là, et j’ai besoin d’une carte-mère, mais ce n’est plus disponible », offre Serge en exemple. 

Il réchappe environ une télé sur quatre que les clients lui apportent.  

« Quand j’arrive à réparer, 80 % du temps c’est un problème de rétroéclairage », dit-il.

Sinon, il arrive à trouver certaines pièces sur des sites comme eBay, mais ça reste assez aléatoire. 

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Il est possible de trouver des pièces pour une voiture de 1945, s’exclame Alain, « mais pour une télé de 2020, t’as aucun morceau. C’est ridicule, c’est de la surconsommation. »

« Ça fait longtemps que je le dis : les compagnies qui vendent des télés devraient tenir les pièces pendant au moins 5-10 ans après la vente », plaide-t-il. 

Le bidouilleur d’expérience évoque les belles années à Montréal où chaque marque avait son magasin de pièces sur le bord de l’autoroute Décarie.

« Tout se répare, mais aujourd’hui, les télévisions sont tellement cheaps que si ça dure trois ans, t’es chanceux », martèle l’homme avec autorité. 

Des lois ailleurs dans le monde

C’est pourquoi il préfère laisser les télévisions à son frère Serge et s’occuper d’autres appareils, comme des aspirateurs centraux ou des hottes de cuisine. 

Le phénomène que vivent les frères Giguère ne s’applique bien sûr pas qu’aux télés et porte un nom : l’obsolescence programmée. 

La France a été l’un des premiers pays du monde à interdire la pratique en 2015 au moyen d’une loi qui prévoit entre autres des amendes de 300 000 euros (plus de 430 000 $ CA) et jusqu’à 5 % du chiffre d’affaires annuel moyen des entreprises qui s’y prêtent. 

Un certain élan législatif s’est aussi emparé des États-Unis récemment au sujet du « droit à la réparation », dont les partisans soutiennent qu’il réduit à la fois les coûts pour le consommateur et le gaspillage inutile. 

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L’État de New York vient par exemple de voter le « Digital Fair Repair Act », qui oblige notamment les fabricants à mettre à la disposition des consommateurs et des réparateurs indépendants des pièces détachées.

Au Québec, un premier projet de loi en ce sens avait été déposé en 2019 par le député indépendant Guy Ouellette.

Le gouvernement caquiste n’a jamais donné suite au projet, si bien que la députée libérale Marwah Rizqy vient d’en déposer un nouveau.

« Il faut embarquer dans la parade. On est niaiseux, on devrait l’avoir fait depuis longtemps », lance l’élue de Saint-Laurent en entrevue au Journal

Elle rappelle qu’Apple a été la première entreprise à être épinglée pour obsolescence programmée en 2015. 

Mme Rizqy souhaite s’attaquer aux fabricants en leur imposant des amendes de 3 millions $ ou de 5 % de leurs profits. 

Cote de réparabilité proposée

Son projet de loi promet aussi d’implanter une cote de réparabilité sur les appareils électroniques vendus au Québec, comme cela se fait en France. Il est alors plus facile pour le consommateur de faire un choix éclairé au moment de l’achat. 

« Les pièces de rechange|...] doivent être disponibles à un prix et à des conditions raisonnables », prévoit aussi le projet de loi. 

Le ministre semble peu pressé

Le gouvernement caquiste ne s’est pas prononcé sur la suite des choses. 

Au cabinet du ministre Simon Jolin-Barrette, responsable de la protection du consommateur, on explique que « l’obsolescence planifiée est un enjeu complexe sur lequel il importe d’agir » sans donner plus de détails. 

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