Des producteurs en serre freinés par les règles du gouvernement


Louis Deschênes
Pendant que les consommateurs veulent plus de fruits et de légumes du Québec sur les tablettes, les producteurs en serre doivent se battre pour obtenir des blocs d’électricité et sont bloqués par un moratoire pour la protection des terres agricoles.
«Nous avons un solide vent de face», lance Sylvain Terrault, vice-président des Producteurs en serre du Québec et entrepreneur.
La première douche d’eau froide est survenue en 2023 alors que tous les projets nécessitant un raccordement de cinq mégawatts (MW) et plus doivent depuis, obtenir l’autorisation du ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie.
«De la façon dont les décisions énergétiques sont prises au Québec, le secteur agricole est souvent pénalisé», affirme Marilou Cyr, directrice générale de la Zone Agtech.
«Le secteur agricole n’arrivera jamais au niveau d’une aluminerie ou d’un projet de batteries [en termes de création d’emplois]», fait-elle remarquer.

Compétition avec Northvolt
Sans les nommer, cette dernière fait référence notamment à des entreprises comme Northvolt en Montérégie (360 MW), TES Canada à Shawinigan (150 MW) et Ford à Bécancour (75 MW) qui ont toutes obtenu d’imposants blocs d’électricité.
«Le bloc de 5 MW [et plus] est attribué aux projets qui ont plus d’impact économique. Le secteur agricole ne fait pas de transformation, c’est une production primaire. Le producteur en serre est très peu sélectionné», constate Marilou Cyr.
Guillaume Proulx-Gobeil qui accompagne des entreprises dans leur projet de production en serre explique que les délais administratifs bloquent énormément de producteurs.
Passer à travers tout le processus peut prendre de 12 à 15 mois juste pour l’analyse du dossier et par la suite il y a encore beaucoup de questions techniques à régler.

«La plus grande majorité des projets sont abandonnés ou réduits en capacité énergétique à cause du long processus», confirme le PDG de la firme d’ingénieurs Gobeil Dion & Associés.
Ce dernier va jusqu’à dire que des promoteurs doivent se tourner vers des solutions alternatives plus polluantes afin de générer de l’énergie pour des besoins de plus de cinq mégawatts et ainsi répondre aux normes.
«[En haut de 5 MW], on remplace l’hydro-électricité qui n’émet de pas de GES, par des génératrices au gaz naturel», confie-t-il.
Changements impopulaires
Et c’est sans parler du projet de loi 86 (PL86) sur la protection des terres agricoles qui crée de l’incertitude chez les entrepreneurs, mentionne Sylvain Terrault qui est également le PDG de Cultures Gen V.
Le projet de loi déposé en décembre dernier prévoit plusieurs changements sur la définition d'agriculteur et la délivrance des permis.
«On n’est plus agricole dans les zones 1, 2 et 3. C’est problématique», résume l’homme qui compte 450 employés et 35 hectares sur quatre sites.
Le bureau du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation André Lamontagne explique que le PL86 est présentement en étude détaillée et qu'un amendement a été adopté mardi soir en commission parlementaire.
«Nous avons entendu les critiques relativement aux serres dans le projet de loi 86 et nous avons retiré l'obligation de passer par la Commission de la protection des terres agricoles du Québec», a-t-on précisé dans un échange avec le Journal mercredi matin.
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