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L'article provient de TVA Nouvelles
Politique

Des prêts au patron congédié pour «manquements graves» à la Caisse de dépôt et placement du Québec

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Jean-Louis Fortin | Bureau d'enquête

2022-06-28T09:10:59Z
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La Caisse de dépôt et placement du Québec continue à faire affaire avec un de ses anciens dirigeants, même après l’avoir congédié pour des « manquements éthiques graves ».

Notre Bureau d’enquête a découvert que la Caisse gère encore à ce jour des hypothèques pour Alfonso Graceffa, l’ex-PDG de sa filiale spécialisée en prêt commercial Otéra Capital, renvoyé en 2019.

Alfonso Graceffa
Alfonso Graceffa Photo d'archives

Plusieurs de ces prêts ont même fait l’objet d’une extension en 2020, apprend-on dans des documents tirés des registres immobiliers.

Et ce, malgré la poursuite judiciaire de 7,3 M$ intentée par M. Graceffa contre la Caisse, alléguant un congédiement abusif.

Les fonds consentis à Alfonso Graceffa sont gérés par MCAP, une filiale d’Otéra. À ce jour, MCAP est inscrite comme créancière pour plus de 6,4 M$ sur les immeubles de M. Graceffa et de ses partenaires d’affaires, dont :

- 3,3 M$ pour un immeuble locatif de 45 logements à Côte-Saint-Luc, sur l’île de Montréal.

- 3,1 M$ pour un complexe de huit immeubles d’appartements situés à Pointe-Claire, également sur l’île de Montréal.

Photo Jean-Louis Fortin
Photo Jean-Louis Fortin

Seulement un intermédiaire

Otéra reconnaît que ces prêts sont bel et bien gérés par MCAP, moyennant une commission. 

Mais dans une déclaration écrite qu’elle nous a fait parvenir, elle souligne que MCAP ne prête pas directement d’argent à l’ex-PDG d’Otéra et ne fait qu’agir comme intermédiaire entre lui et les banques.

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Ces prêts « ont été autorisés et décaissés bien avant le départ de M. Graceffa en 2019 », explique Otéra Capital.

Pourquoi alors avoir signé des extensions de prêts même après avoir congédié M. Graceffa ?

L’entreprise ne répond pas directement, mais affirme qu’« en tant que gestionnaire de prêts, MCAP est tenue d’adhérer aux politiques, procédures et contrats de l’institution financière agissant comme prêteur-investisseur pour les prêts qu’elle administre ».

Dans sa réponse, Otéra Capital décrit également MCAP comme « une entreprise distincte », même si elle en possède 78 % des actifs selon son plus récent rapport annuel.

En juin 2019, la Caisse avait affirmé publiquement qu’elle ne verserait « aucun sou d’indemnité des épargnes des Québécois à quelqu’un qui a rompu le lien de confiance par des manquements éthiques graves ».

La Caisse « pleinement » au courant

Nous avons voulu savoir pourquoi Alfonso Graceffa avait toujours recours aux services de la Caisse pour ses activités immobilières, même s’il poursuit l’institution en justice. 

« Par respect pour le processus judiciaire en cours, M. Graceffa attend que le tribunal ait statué sur sa procédure avant de faire tout commentaire public », nous a répondu son porte-parole Jean Maurice Duddin.

Dans la poursuite qu’il a intentée contre la Caisse, Alfonso Graceffa affirme que la Caisse et MCAP étaient « pleinement » au courant des prêts sur ses propriétés immobilières, pendant les années où il a été le patron d’Otéra.

– Avec la collaboration de Philippe Langlois 

L’ex-PDG Michael Sabia appelé à témoigner 

L’ancien grand patron de la Caisse de dépôt Michael Sabia sera interrogé sous serment en cour, si la poursuite qu’Alfonso Graceffa a intentée pour congédiement abusif se rend à procès.

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M. Sabia, aujourd’hui sous-ministre fédéral des Finances, était PDG de la Caisse au moment où les manquements éthiques reprochés à M. Graceffa se sont produits.

Il fait partie de la douzaine de témoins que souhaite faire interroger M. Graceffa dans le cadre de sa poursuite déposée en juin 2019. 

L’ex-patron d’Otéra affirme avoir été « sacrifié » par la Caisse, qui tentait alors « de sauver son image publique et politique » au moment où elle faisait l’objet de reportages au sujet de l’éthique.

Il réclame plus de 7,3 M$, car il estime que malgré une feuille de route impeccable, il lui sera désormais impossible d’occuper à nouveau un emploi dans l’industrie de la finance et de l’immobilier.

Le 20 mai dernier, le juge en chef de la Cour du Québec, Jacques R. Fournier, a fixé un procès de 12 jours en mai 2023.

En plus de Michael Sabia, Alfonso Graceffa a notamment l’intention de faire questionner Daniel Fournier, ex-PDG d’Ivanhoé Cambridge, qui a quitté la Caisse en octobre 2019.

15 000 $ comptant

Dans la version la plus récente de sa défense, la Caisse répète avoir congédié M. Graceffa pour des « motifs sérieux », dont le fait d’avoir « rencontré dans son bureau de direction chez Otéra un individu au passé criminel » et avoir « accepté de recevoir des mains de celui-ci une enveloppe contenant 15 000 $ en espèces ».

Elle veut de son côté faire témoigner sept personnes, dont Salvatore Graceffa, le frère d’Alfonso, à qui auraient été destinés les 15 000 $.

Le bas de laine des Québécois reproche aussi à l’ex-PDG d’Otéra d’avoir « approuvé ou recommandé des prêts faits par Otéra alors qu’il se trouvait en conflit ou en apparence de conflit d’intérêts », dont « l’approbation d’au moins quatorze prêts qui bénéficiaient à des amis ».

Selon la Caisse, Alfonso Graceffa aurait aussi « utilisé sa position pour discuter et négocier avec des dirigeants d’une filiale d’Otéra des conditions de financement hypothécaire de propriétés immobilières personnelles ».

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