Des parents-rois invitent un juge dans la classe


Shophika Vaithyanathasarma
Le jugement rendu par la Cour supérieure dans l’affaire opposant les parents de Julia à l’enseignante Mélissa Poulin et au Centre de services scolaire (CSS) des Premières-Seigneuries est une victoire pour l’intégrité du milieu scolaire.
Il confirme que les écoles ont encore une certaine autonomie pour sanctionner les comportements fautifs. Mais combien de profs hésiteront, à l’avenir, à donner un zéro par peur des représailles? Combien de directions refuseront peut-être d’appuyer leur personnel, préférant éviter les vagues?
Un précédent dangereux pour l’autorité enseignante
Je tiens à saluer le courage de l’enseignante. Mélissa Poulin a fait ce que tout bon enseignant fait: appliquer des principes d’équité et d’intégrité pédagogique. Elle a vu des similitudes entre des travaux et, dans l’incapacité de déterminer qui avait copié qui, elle a appliqué la seule sanction logique dans un tel cas: la note de zéro. Rappelons-nous que le travail vaut 1,5% dans l’année. Ça rend la réaction disproportionnée des parents... incompréhensible.
Plutôt que d’accepter la solution franchement généreuse offerte par l’école, soit la reprise du travail, les parents ont préféré monter une bataille judiciaire pour exiger un recalibrage de la note et 40 000$ en dommages. L’école faisait un énorme pas en proposant une reprise du travail à la place de préserver l’équité du système d’évaluation.
L’école à genoux devant la diplomatie de l’extrême bienveillance
Déjà en 2023, le prof Dancause nous prévenait de cette tendance à l’infantilisation des élèves et à la sacralisation de l’«enfant-roi». Allons plus loin: le vrai problème, c’est que l’école elle-même a intégré cette idéologie d’éviter les échecs ou toute apparence d’échecs.
Pourquoi? Parce que le système est conçu pour prioriser les chiffres et non l’apprentissage. L’obsession du ministère de l’Éducation avec la gestion axée sur les résultats et le récent tableau de bord pousse les écoles à privilégier les apparences. Un taux de réussite trop bas? Mauvaise presse, pression sur les cadres. Résultat? Les enseignants doivent jouer avec les notes, assouplir les exigences, offrir des reprises à la chaîne pour éviter d’avoir trop d’échecs.
De l’autre côté, il faut faire attention quand on attribue des notes entre 0 et 59%, car cela pourrait nuire à la motivation des élèves ou choquer les parents. Résultat? On tolère les retards excessifs, les travaux botchés, et parfois même le plagiat, sous prétexte qu’il ne faut pas traumatiser les élèves avec des échecs. Non seulement les enseignants doivent presque s’excuser de donner des notes réalistes, mais on leur enlève aussi du temps d’instruction de qualité pour ces enfantillages.
Ce qu’il faut maintenant, c’est une réaffirmation claire du rôle de l’école: un lieu d’apprentissage, oui, mais aussi un espace où l’échec est possible, où les fautes sont sanctionnées. Il faut surtout une réhabilitation et un respect de l’autorité morale de l’enseignant, afin que son rôle soit légitimé au sein même de notre société. Parce que si on continue sur cette pente, l’école ne formera plus des citoyens responsables, mais des générations d’individus incapables d’assumer la moindre conséquence.