Des milliers de chevreuils d’Anticosti n’ont pas survécu à l’hiver
La sécheresse de la fin de l’été dernier pourrait expliquer la difficulté à accumuler du gras


Mathieu-Robert Sauvé
Guides et bûcherons de l’île d’Anticosti ont remarqué un nombre élevé de carcasses de chevreuils à la fin de l’hiver 2025, ce qui pourrait s’expliquer par la sécheresse de l’été dernier.
«J’ai vu des chevreuils morts chaque jour sur les trails que j’ouvre et sur le bord de la mer, surtout des faons et des jeunes d’un an et demi», confie au Journal le bûcheron Stéphane Benoit, qui dégage à la scie à chaîne les sentiers depuis quelques semaines afin de permettre la mobilité des chasseurs de l’automne.
Joint à l’est de l’île, M. Benoit évalue à environ 50 le nombre de bêtes mortes qu’il a aperçues, alors qu’il n’en voyait qu’une ou deux au total au cours des derniers printemps.

Même son de cloche de la part de son patron, Éric Filion, directeur des opérations à Safari Anticosti, qui accompagne de 300 à 400 chasseurs chaque année dans les forêts de l’île. «Je n’avais jamais vu ça. De nombreux jeunes cerfs qui n’ont pas survécu à l’hiver, j’en ai vu une dizaine pendant une seule randonnée il y a quelques jours.»
Sécheresse
L’observation d’un nombre exceptionnel de carcasses de chevreuils n’a pas échappé à Gaétan Laprise, un technicien en aménagement de la faune à la retraite de Port-Menier qui mène une veille constante sur le cheptel depuis plus de 45 ans.
• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Mario Dumont, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
«Il y a longtemps qu’on n’a pas vu autant de chevreuils morts après la fonte des neiges, mais l’hiver n’est pas en cause. Il était plutôt clément. Par contre, l’été 2024 s’est achevé sur une longue sécheresse et les cervidés ont manqué d’aliments nutritifs pour passer l’hiver», commente l’auteur d’un ouvrage sur le cerf de Virginie à paraître en 2026.
Il souligne que les fluctuations des populations sont normales mais que la mortalité a été plus importante que d'habitude. «Je crois qu'elle a été très importante – jusqu’à 25% du cheptel ou 50 000 bêtes – mais que ça n’affectera pas la chasse à l’automne. Il y aura probablement moins de jeunes spikes et de jeunes femelles.»

Dénombrement difficile
Même si Anticosti est le paradis des cerfs de Virginie, leur nombre exact est impossible à évaluer en raison de la superficie du territoire, approximativement 17 fois celle de l’île de Montréal.
On sait toutefois, en raison des récoltes annuelles, que le cheptel se porte bien. En 2024, 9179 captures ont été signalées, un des 10 sommets historiques.

Selon M. Laprise, il y avait l’an dernier quelque 25 cerfs au kilomètre carré, pour un total d’environ 200 000 têtes. C’est beaucoup plus que les 166 000 en 2005 ou les 120 000 en 1995.

Été sec, hiver mortel
- Les mois de juillet, août et septembre voient culminer la production végétale, mais la saison 2024 a été si sèche que les plantes ont manqué d’eau. Jaunies et arides, elles ont été moins nourrissantes qu’à l’habitude.
- C’est la période où les biches n’ont aucune réserve de graisse, mais elles doivent en accumuler pour survivre à l’hiver.
- Même les mâles en bonne santé auraient entamé l’hiver plus maigres qu’à l’habitude.
- Des travaux ont estimé que lors d’hivers rigoureux combinés à des densités de cerfs élevées, les mortalités peuvent emporter 40% des jeunes et 20% des adultes.