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L'article provient de Bureau d'enquête

Des milices armées extrémistes et anti-gouvernement dans la mire de la GRC au Québec

Deux hauts gradés du corps policier indiquent en entrevue que la lutte à ces groupes est devenue une priorité

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Photo portrait de Sarah-Maude Lefebvre

Sarah-Maude Lefebvre

2024-05-02T04:00:00Z
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La Gendarmerie royale du Canada enquête sur des groupes québécois extrémistes armés qui souhaitent renverser les gouvernements et qui seraient aussi bien structurés que le crime organisé.

Certains de ces groupes, inspirés de milices armées américaines d'extrême droite, ne sont sur le radar des policiers que depuis quelques années.

Mais ce phénomène est devenu, avec l’ingérence étrangère, la priorité de l'Équipe intégrée de la sécurité nationale (EISN) de la GRC en sol québécois.

C'est ce qu'ont confirmé les deux hauts gradés de cette équipe spécialisée lors d'un entretien avec notre Bureau d’enquête.

«Ce sont notamment des groupes qui ont des idéologies politiques influencées par des courants issus des États-Unis. (...) On parle par exemple de personnes qui ont une méfiance envers les gouvernements en place et qui aimeraient peser sur le piton reset pour recommencer avec une nouvelle façon de gouverner», explique Nicolas Pilon, l’officier responsable par intérim des équipes stratégiques de l’EISN.

Le corps policier ne peut identifier ces milices car elles font l’objet d’investigations.

  • Écoutez l'entrevue avec Sarah-Maude Lefebvre, journaliste au Journal de Montréal et au Bureau d’Enquête de Québecor au micro d’Alexandre Dubé via QUB :

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Comme le crime organisé

Sans vouloir inquiéter la population, la GRC insiste tout de même sur la nécessité de prendre cette menace au sérieux: il n’est pas question ici de deux ou trois individus isolés qui lancent des menaces inoffensives du fond de leur sous-sol.

La GRC compare plutôt le niveau d’organisation de ces groupes à celui du «crime organisé».

«Ces individus ont la capacité de s’organiser rapidement, d’acquérir du matériel et de distribuer massivement leur propagande sur le web. Ce n’était pas possible de faire cela avant l’arrivée des médias sociaux. Maintenant, ces personnes ont accès au monde et elles mettent leurs ressources en commun», souligne le sergent Nicolas Pilon.

«Ces gens qui se radicalisent grâce à l’Internet forment des groupes qu’on ne voyait pas avant», lance-t-il.

Des milices armées, comme les Oath Keepers et les Proud Boys (tous deux impliqués dans l’assaut du Capitole en janvier 2021), sont ouvertement hostiles au gouvernement et à l’autorité.
Des milices armées, comme les Oath Keepers et les Proud Boys (tous deux impliqués dans l’assaut du Capitole en janvier 2021), sont ouvertement hostiles au gouvernement et à l’autorité. Photo Saul Loeb / AFP

Principale inquiétude

Terminé, donc, le temps où la principale inquiétude des policiers en matière de sécurité nationale au Québec était le terrorisme religieux, comme ce fut le cas dans les années 2010 avec les tentatives de fuite de plusieurs jeunes pour rejoindre le groupe Daech en Syrie.

Maintenant, l’extrémisme politique ou idéologique comme celui des «incels», ces «célibataires involontaires» adeptes d’une sous-culture misogyne, occupe activement les enquêteurs.

«Le Québec n’est pas à l’abri du reste du monde. On doit réaliser que ça se passe ici aussi», rappelle le sergent d’état-major Danny Malone, responsable des opérations de l’EISN.

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En juin 2022, la GRC avait mené des perquisitions à Saint-Ferdinand, dans le Centre-du-Québec, ainsi qu’à Plessisville en lien avec une enquête sur le groupe terroriste néonazi Atomwaffen. Cette enquête avait mené à une arrestation qualifiée d’«historique» par la GRC.

Avec la collaboration d'Yves Lévesque

Phénomène inquiétant aux États-Unis...

Les autorités américaines sont aux prises avec un nombre grandissant de milices extrémistes:

  • Plusieurs groupes issus de l’extrême droite inquiètent à un point tel que le FBI les considère comme l’une des menaces les plus importantes en matière de terrorisme aux États-Unis.
  • Des milices armées, comme les Oath Keepers et les Proud Boys (tous deux impliqués dans l’assaut du Capitole en janvier 2021), sont ouvertement hostiles au gouvernement et à l’autorité.
  • Des membres de «Wolverine Watchmen» ont été reconnus coupables l’an dernier de «terrorisme intérieur» après avoir comploté pour enlever la gouverneure démocrate du Michigan.
  • Les groupes extrémistes, comme les suprémacistes blancs et les milices antigouvernementales, sont ceux qui ont mené le plus d'attaques et de complots en matière de terrorisme intérieur en 2021 (49%) aux États-Unis.*

* Source: Center for Strategic International Studies

... et de plus en plus au Canada aussi

  • En août 2023, un résident d’Ottawa de 26 ans, Patrick Gordon Macdonald, est devenu le premier Canadien à être accusé à la fois de terrorisme et de propagande haineuse, pour avoir réalisé des vidéos de propagande pour le groupe terroriste néonazi «Division Atomwaffen». L’organisation figure sur la liste des entités terroristes du Canada depuis 2021.
  • En avril 2022, le leader du groupe d’extrême droite Atalante, Raphaël Lévesque, a été reconnu coupable, après un premier acquittement, d’être entré par effraction dans les locaux du média VICE Québec avec six acolytes masqués en 2018. Atlante a aussi été banni de Facebook et désigné comme «organisation dangereuse» par le géant du web, rapportait Radio-Canada en novembre 2021.
  • Un adolescent de 17 ans a été accusé de terrorisme à la suite d’une agression au couteau qui a coûté la vie à une femme et en a blessé une autre, dans un salon de massage à Toronto en 2020. La GRC avait par la suite identifié que l’attaque avait été motivée par l’idéologie «Incel». L’attaquant a plaidé coupable à des accusations de meurtre et tentative de meurtre en octobre 2023. Il s’est alors excusé et a dit ne plus détester les femmes.
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